Pays et villes
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DORDRECHT |
Dordrecht est une industrieuse ville hollandaise, située sur les bords de la Meuse, à un carrefour de fleuves. Considérée comme la ville la plus ancienne de Hollande, elle comptait 35 000 habitants au début du vingtième siècle. C’est la patrie des peintres Albert Cuyp et Ary Scheffer.. Mirbeau y est passé au moins deux fois. La première à une date indéterminée, peut-être au début des années 1880 : venu apparemment en galante et amoureuse compagnie, il y a apprécié « la dimension extraordinaire des soles où avaient mordu les dents de notre appétit [...], sur la terrasse d'un hôtel [l’hôtel Bellevue], au bord des eaux, où le soleil jouait ». La seconde fois en avril 1905, au cours du périple en automobile à travers la Belgique et les Pays-Bas qu’il évoquera, deux ans plus tard, dans La 628-E8. Il a alors essayé, dit-il, de retrouver « les traces de [son] bonheur d'autrefois », mais « tout cela est loin, bien loin, tout ce passé se fane et s'efface » : « Tout était donc bien mort !... » Autre désenchantement le lendemain, quand il a découvert, sous la pluie, « une ville ennuyeuse et crottée », alors que la veille il l’avait vue merveilleusement embrasée et avait admiré « le prodige de cette ville en flammes, au soleil couchant ». Pourtant Dordrecht n’est pas une ville morte et figée dans le passé comme il l’a cru un moment, et il a noté avec admiration « une activité qui ne bavarde point, comme les commères du marché, mais besogne, anime étrangement les quartiers neufs et les quais » : « Sans en avoir l'air, Dordrecht commerce de tout, avec toute la terre. C'est, au carrefour de ses fleuves, une des plus importantes gares d'eau de l'Allemagne. Ce que les artères des canaux et des rivières ne charrient pas jusqu'à son port, elle le fabrique, le malaxe, le forge, l'ajuste elle-même : poissons fumés et salés, cacaos et tabacs, charbons de Belgique, d'Allemagne et d'Angleterre, outils qui seront maniés partout, machines à construire des machines, vaisseaux qui feront – combien de fois ? – le tour du monde. Et tout cela se prépare, se camionne, vogue, débarque et s'embarque, parmi les coups de sifflet et les coups de marteau, le vacarme des tôles, le grincement des poulies, et les hurlements qui n'en finissent pas des sirènes. On dirait que toute cette eau dans laquelle elle baigne, la ville vivante la dilate en vapeur, et, quand elle en a utilisé la force expansive et laborieuse, qu'elle la laisse retomber en pluie, sans s'arrêter de travailler, sur la ville morte. » P. M.
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