Pays et villes
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VENISE |
Très célèbre et très ancienne ville italienne, située sur l’Adriatique et peuplée aujourd’hui de 270 000 habitants, dont 60 000 intra muros (elle en comptait 190 000 en 1900). Elle a été fondée au sixième siècle sur des îles situées au milieu d’une lagune et est traversée de canaux qui contribuent à son charme. Longtemps cité-état et république aristocratique au centre d’un empire maritime, Venise est riche d’un patrimoine prestigieux, lié à sa puissance commerciale de jadis. Mais, entrée en décadence au dix-huitième siècle, elle est, depuis plus d’un siècle, envahie en permanence par des hordes de touristes et, depuis quelques dernières années, menacée d’enlisement. Dans La 628-E8 (1907), Mirbeau prétend n’avoir jamais mis les pieds à Venise, ce qui, sans être certain, est en effet plausible, tant son allergie à l’image de cette ville qui n’en est plus une est évidente : « Moi, si je n'ai jamais été à Venise où, pourtant, j'aurais aimé rendre visite à Titien et au Tintoret, chez eux, j'en accuse toute une iconographie crapuleuse et une non moins crapuleuse bibliothèque musicale et poétique. Peut-être n'y avait-il qu'un moyen de me laver de ces propos, de toutes ces mélodies, et de tant de motifs pour journaux mondains, illustrés par M. Pierre Lafitteet Cie, c'était d'aller à Venise. Mais chaque fois que je suis arrivé à en prendre la résolution, j'ai eu tellement peur de ne rencontrer, sur la lagune, que des amants du répertoire de M. Donnay, ou des paysages de M. Ziem, ou des ritournelles de M. Gounod, que j'ai toujours préféré retourner, une fois de plus, sur le Dam [à Amsterdam] »... En 1912, dans sa préface au catalogue des Venise de son ami Claude Monet, il ironise de nouveau sur le compte de la cité des doges : « Venise n’est pas une ville. Vivante ou morte, une ville nous émeut par les maisons, les hommes et l’atmosphère. Or, à Venise, tous les poètes savent bien qu’il n’y a pas de maisons, mais des palais. Il n’y a pas d’atmosphère, puisqu’un voile rose est posé sur Venise, comme une écharpe autour d’une danseuse. Il y a un rose Venise, comme il y a un vert Véronèse. Venise a chaviré sous le poids des imbéciles. Les littérateurs l’ont peinte et les peintres l’ont décrite. Il y eut peut-être jadis une ville qui s’appelait Venise, une ville avec des maisons réelles et diverses, maisons borgnes qui guettent, maisons honorables et plates, maisons riches où l’or, derrière les façades, circule comme le sang sous la peau. Mais Venise n’est plus qu’une carte postale en couleurs. Quant aux hommes et quant aux femmes, ils ont été noyés dans la lagune. Il ne reste plus que des gondoliers, des grandes dames et quelques lévriers. [...] Venise pourrait espérer la gloire triste d’être une ville morte. L’Europe en a fait une ville nuptiale, où la bourgeoisie se conjugue... » Aussi comprend-il que, pendant longtemps, Monet, son frère spirituel, n’ait pas non plus « voulu aller à Venise, cette ville qui n’était plus une ville, mais un décor ou un motif. Claude Monet n’osait pas. Il se sentait assez fort pour peindre les campagnes et les villes. Mais peindre Venise, c’était se mesurer à toute la bêtise humaine, qui collabora à l’image que nous avons de Venise. » P. M.
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