Pays et villes
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CALAIS |
Calais est un port du Pas-de-Calais, peuplé de 75 000 habitants (60 000 en 1900) et situé sur la Mer du Nord, en face de la côte anglaise. Possession anglaise pendant plus de siècle, Calais a été rendu célèbre par un épisode de la guerre de Cent ans : en 1347, lors du siège de la ville par le roi d’Angleterre Édouard III, six bourgeois auraient accepté, de se sacrifier pour que le reste des habitants ait la vie sauve et se seraient rendus, en chemise et la corde au cou, auprès du roi pour lui remettre les clefs de la ville. Selon Froissart, Édouard III les aurait graciés. C’est cet épisode qu’Auguste Rodin a immortalisé dans un monument en bronze, commandé par la municipalité de la ville et qui a été inauguré à Calais le 2 juin 1895, en l’absence des deux ministres concernés, Georges Leygues et Raymond Poincaré. Octave Mirbeau devait accompagner son ami lors de l’inauguration. Mais un empêchement de dernière minute, l’arrivée impromptu de ses neveux Petibon, venus passer quelques jours de vacances scolaires au Clos Saint-Blaise, le retient à Carrières-sous-Poissy, comme Alice en informe Robert de Montesquiou le 6 juin. On peut cependant se demander si cette raison est vraiment recevable et s’il ne s’agirait pas plutôt d’une excuse diplomatique pour échapper à des cérémonies officielles qui ne pourraient que l’agacer. Quoi qu’il en soit, à défaut de présence physique, il fait paraître le même jour, dans Le Journal, un article intitulé « Auguste Rodin », où il écrit notamment, à propos du monument : « Pour donner une idée de cette beauté d’art, grandie encore par une admirable vision d’histoire, il me faudrait de longues pages, car tout est à étudier, à retenir, en cette œuvre puissante, la plus belle, la plus complètement belle, de la sculpture française, et l’originale simplicité de la composition, et la vie si intense qu’elle exprime, et la majesté tragique qui l’enveloppe comme d’une atmosphère de terreur, et surtout la maîtrise d’un métier dont M. Auguste Rodin est peut-être le seul aujourd’hui à connaître les perfections les plus secrètes. Sur la place publique de la ville vaincue, affamée et sans armes, les six bourgeois ont délibéré. Pour sauver la ville de la ruine, et leurs concitoyens de la mort, ils ont fait le sacrifice de leur existence et ils vont se livrer au roi d'Angleterre. Le monument de M. Rodin, ce n'est pas autre chose, dans un miracle d'exécution, que l'instant précis de cet héroïsme unanimement accepté par les six bourgeois, mais différemment ressenti, selon la différence des caractères qui agissent en ce drame. Les vieillards, décharnés par les longues privations d'un siège, redressent leurs tailles en attitudes hautaines, presque provocantes, ou se résignent noblement ; les jeunes se retournent vers la ville, laissant derrière eux, dans un suprême regard, le regret de cette vie à peine commencée et dont ils n'ont connu que les joies. Et derrière le groupe prêt à se mettre en marche, l'on entend réellement le bourdonnement de la foule qui encourage et pleure, les acclamations et les adieux. Nulle autre complication, nul souci du groupement scénique ; aucune allégorie, pas un attribut dont se servent les sculpteurs, pauvres d'idées, pour exprimer l'illusion de l'idée. Il n'y a que des attitudes, des expressions, des états d'âme. Les bourgeois partent. Et le drame vous secoue de la nuque aux talons. » P. M.
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