Pays et villes
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ROUEN |
Situé en Haute-Normandie, sur les bords de la Seine, au centre d’une agglomération de 450 000 habitants (mais la commune n’en compte que 110 000, comme en 1900), Rouen est une ville ancienne, chargée d’histoire et riche de monuments, notamment sa cathédrale gothique, et a souvent reçu la visite de peintres, qui y ont installé leur chevalet, notamment Camille Pissarro, Paul Gauguin et Claude Monet, qui y peignit sa série des Cathédrales de Rouen, exposées en 1895. Mirbeau s’y est rendu souventes fois, notamment quand il habitait à proximité, aux Damps. Il y a notamment rendu visite à Monet et y a fréquenté le notaire-écrivain Jean Revel, en qui il voyait un homme de génie. Il y a également assisté à l’inauguration du monument Flaubert par Chapu, le 23 novembre 1890. Il aime beaucoup cette ville, mais craint de la voir défigurée : « Rouen est une ville admirable, et qu’on ne se lasse jamais d’admirer, bien qu’elle ait été déjà fort endommagée par la truelle moderne. Avec ses cathédrales, ses palais, ses maisons ciselées comme une serrure d’art, c’est vraiment la ville éternelle. Il faut même se hâter de l’admirer avant que tout cela ait disparu – ce qui ne saurait tarder – sous le vandalisme des réparations. Les architectes ont envahi, hideuses limaces, le flanc des monuments et dévorent cette floraison superbe de pierre » (« ? » (L'Écho de Paris, 25 août 1890). Au cours de l’affaire Dreyfus il y a tenu, non sans difficultés, un meeting dreyfusiste. Le 17 décembre 1898, il écrit à Monet : « À l'instant, je reçois la nouvelle que le propriétaire du cirque de Rouen s'est dédit. Il ne veut pas nous donner sa piste pour y faire courir nos discours en liberté. C'est donc partie remise. » De fait, le meeting de Rouen a bien fini par avoir lieu, dans la grande salle du Château-Baubet, mais seulement le 11 février 1899. Mirbeau, accompagné de sa femme Alice, l’a animé, en compagnie de Francis de Pressensé, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme, et de Louis Havet, latiniste et professeur à la Sorbonne. S’ils sont rentrés à l'Hôtel d'Angleterre « fort tranquillement à pied, les antisémites étant occupés à assommer, dans sa voiture, un brave monsieur qu’ils avaient pris pour notre ami Pressensé et qui n’était autre qu’un de leurs plus fervents alliés », ils ont été reconnus au cours du souper qui a suivi la réunion publique et ont été pris à partie par des officiers et des notables locaux, comme le rapporte Mirbeau : « Dès qu’ils eurent appris quels traîtres infâmes, quels ignobles vendus nous étions, ils vinrent se masser devant la porte du restaurant et nous regardèrent manger, en faisant tout haut des réflexions qu’ils supposaient désobligeantes, les pauvres diables ! / — Oh ! là ! là ! disait l’un. / — Quelles sales têtes disait l’autre. / — Parbleu !... des Juifs ! / — Des vendus ! / — Des protestants ! / — Les Juifs, les vendus, les protestants, c’est kif-kif ! / — À bas les Juifs ! / — Vive l’armée ! / La joie d’injurier des femmes, ou plutôt de se montrer devant des femmes d’authentiques goujats et de parfaits voyous, excitait leur verve bien nationaliste » (« Apologie pour Arthur Meyer », L'Aurore, 16 février 1899). P. M.
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