Oeuvres
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NOCES PARISIENNES |
Il s’agit d’un recueil de nouvelles paru en 1883, chez Ollendorff, sous le pseudonyme d’Alain Bauquenne, alias André Bertéra, et republié en 1995 chez Nizet dans le même volume qu’Amours cocasses. Il comporte deux dialogues, « Le vote du budget » et « Vengeance corse », et huit contes : « Le Caniche », « Nuit de noces », « Parents pauvres », « Une première », « La Jarretière rose », « Cadeaux de mariage », « L’Étincelle » et « Noces d’argent (Extraits des mémoires d’un beau-père) ». Leur thème unificateur en est le mariage dans des milieux parisiens huppés, ce qui autorise, d’une part, de nombreux sous-entendus égrillards établissant une forme de complicité avec le lecteur, par exemple dans un dialogue entre deux fiancés, l’un « très avancé pour son âge » et l’autre « pas très avancée pour son âge » (« Le Vote du budget »), ou dans un conte tel que « Nuit de noces », où la cocasserie confine au scatologique, et, d’autre part, une satire légère des mœurs en usage dans le monde, et notamment de l’esprit de caste qui y règne et du conformisme obligé pour être « genreux ». Comme les nouvelles composant Amours cocasses, ce sont là des textes délibérément légers, qui ne font guère qu’égratigner la bonne conscience bourgeoise. Le happy end est la règle et, quelles soient les dissensions au sein des couples et des familles, rien n’est tragique et les problèmes doivent être pris avec distance et bonne humeur, en attendant que tout s’arrange, à la faveur de coups de pouce donnés par un conteur qui ne se prend pas au sérieux. Le ton est volontairement distancié et le langage, qui dénote un grand sens de l’observation et un goût de l’effet cocasse, charrie force mots déformés, néologismes plaisants, termes argotiques et trouvailles lexicales qui ne peuvent que faire sourire le lecteur. Il n’est pas sûr pour autant que les dix textes soient aussi anodins qu’il y paraît au premier abord. Outre les piques lancées occasionnellement contre le revanchisme de Juliette Adam, l’effet soporifique de La Revue des deux mondes ou les peintres académiques à la réputation usurpée, le lecteur sans préjugés est en droit de s’interroger sur la vacuité et l’absurdité de ces existences de nantis, qui, tout bien considéré, ne sont que des parasites. Quant aux institutions, elles n’en sortent certes pas grandies : l’armée n’est qu’un lieu de servage et de dressage, la République n’est qu’une forme de gangstérisme légalisé, et le mariage monogamique n’est qu’un vulgaire maquignonnage, d’où le sentiment est exclu et où la jalousie conjugale n’exprime guère que l’avarice d’un propriétaire qui met sa femme sous clef et la paye comme une fille publique. Reste que la complicité de la majorité des lecteurs de l’époque avec cet état de choses qui devrait les interpeller les empêche probablement de sentir la portée potentiellement subversive du tableau de leur ordre social qui leur est donné à voir. P. M.
Bibliographie : Pierre Michel, préface de Noces parisiennes, Libraire Nizet, 1995, pp. 161-163 ; Arnaud Vareille, « Amours cocasses et Noces parisiennes : la légèreté est-elle soluble dans l’amour ? », Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004, pp. 34-52.
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