Oeuvres
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Correspondance Pissarro |
Cette édition de la correspondance de Mirbeau avec Camille Pissarro a paru à Tusson, aux Éditions du Lérot, en 1990. Outre ses 88 lettres (dont certaines sont adressées à la femme et aux fils de Camille), elle comporte une préface, un cahier iconographique, un index et le texte des cinq articles que le critique a consacrés au patriarche d’Éragny. À la différence de la Correspondance avec Rodin et de la Correspondance avec Monet, nous connaissons les réponses du peintre, qui ont été conservées et qui, pour la plupart, ont été publiées, par Janine Bailly-Herzberg, dans sa propre Correspondance. Elles sont largement citées dans les notes, ce qui permet de suivre au plus près les échanges entre les deux amis, dont l’admiration est réciproque et qu’unit un même engagement libertaire. On peut donc quasiment parler de correspondance croisée. À la différence de l’édition des lettres à Monet, elle est, de surcroît, presque complète. Autre différence avec les lettres à Monet et à Rodin : les lettres à Pissarro sont extrêmement concentrées dans le temps : même pas deux ans et demi ! L’explication tient à la rupture advenue en juin 1893, à la suite d’une visite inopinée de Pissarro à Carrières, en l’absence de Mirbeau : la neurasthénique Alice ayant refusé de le recevoir, le peintre en a été extrêmement mortifié et, dans son orgueil de prolétaire, n’a pas pardonné à l’écrivain, malgré tous ses efforts pour rentrer en grâce, de ne s’être pas assez dissocié de sa femme. C’est seulement en 1903, peu de temps avant la mort du peintre, que les deux amis se retrouveront enfin. Malgré cette douloureuse séparation, conséquence d’un déplorable malentendu, les convergences éthiques, esthétiques et politiques n’en étaient pas moins très nombreuses et ont créé des liens qui semblaient extrêmement solides et dont témoigne abondamment les lettres échangées. Le critique éprouvait une véritable passion pour le peintre de l’harmonie, son affection et son admiration pour l’homme et pour le citoyen étaient toutes filiales, car il voyait en lui une manière de père idéal, qui avait su transmettre à ses enfants son amour de l’art et ses exigences éthiques, tout en les laissant totalement libres de suivre chacun sa voie (voir son article de 1897, « Famille d’artistes »). Mirbeau se sentait tellement en confiance qu’il pouvait parler à cœur ouvert et tout dire à son ami, ses doutes lancinants, ses tâtonnements, ses dégoûts, ses envies de voir sauter cette société immonde. Bien sûr, il est avant tout question de peinture et, en particulier, des tentatives de Mirbeau pour aider son aîné à vendre ses toiles, mais la littérature n’est jamais oubliée pour autant et la situation politique est toujours présente à l’arrière-plan, au moment où va s’ouvrir l’ère des attentats et où l’on commence à rêver de transformations radicales de la société. P. M.
Bibliographie : Lola Bermúdez : « Mirbeau-Pissarro : “le beau fruit de la lumière” », Actes du colloque Octave Mirbeau d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 91-99 ; Pierre Michel et Jean-François Nivet, préface de la Correspondance avec Camille Pissarro, Le Lérot, 1990, pp. 7-24.
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