Pays et villes
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NORVEGE |
La présence de Mirbeau en Norvège est des plus restreintes, mais elle est loin d’être nulle. Il est vrai que les traductions publiées de ses œuvres se limitent à deux : Abbed Julius (L’Abbé Jules), paru en 1919 à Kristiania [Oslo], chez Martin, dans la collection « Martins Standard Kronebind », n° 126 – mais il pourrait bien s’agir en réalité de la même traduction de P. Grove qu’en danois, les deux langues n’étant pas encore nettement différenciées ; et Skrupler (Scrupules), publié à Oslo à une date imprécise [vers 1940 ?] et réédité en 1949. Même si on y ajoute la traduction, non publiée, de Les affaires sont les affaires, Forretning er forretning, comédie qui a été à coup sûr représentée, à une date restant à préciser, c’est dérisoirement peu. Pour ce qui est de l’accueil critique, une recension des articles reste à faire pour en avoir une idée. En attendant cette étude de réception, nous ne pouvons signaler que le chapitre consacré au Jardin des supplices par le poète et romancier Stig Sæterbakken, dans Estetisk salighet [“le bonheur esthétique”] (Oslo, Cappelen, 1994) et le mémoire dactylographié de Hildur Odland, La Dimension énonciative du journal intime romanesque, soutenu à l’université de Bergen en 1995 et qui ne porte pas seulement sur le journal de Célestine. Le plus intéressant, en fait, est le rôle joué par Mirbeau dans la découverte et la reconnaissance, en France, des trois plus grands écrivains norvégiens de l’époque : Henrik Ibsen, Bjørnstjerne Bjørnson et surtout Knut Hamsun, auquel il a consacré, dans Le Journal du 19 mars 1895, un important article, qui a longtemps servi de préface aux multiples éditions de La Faim. Très admiratif du théâtre norvégien, Mirbeau s’amuse à faire dialoguer un critique dramatique et un abonné de l’Œuvre, également misonéistes et xénophobes, qui se scandalisent qu’il n’y en ait plus que pour les Norvégiens, envahisseurs venus du froid et qui n’ont certes pas de leçons à nous donner, comme si la France ne possédait pas, pour sa gloire, « Labiche et Gondinet » (« Entracte à l’Œuvre », 24 janvier 1897. Quelques jours plus tard, dans une réponse à une enquête, Mirbeau affirme que les pièces d’Ibsen et de Bjørnson ont été des révélations, « en nous apprenant que, par-delà les âmes d'auteurs aux prises avec la technique de M. Francisque Sarcey, il existe des âmes humaines aux prises avec elles-mêmes et avec la vie sociale, et qu'il est peut-être intéressant de s'en occuper ». Il faut donc « leur être reconnaissant » d’avoir eu ne serait-ce que « ce résultat, négatif, mais important, de nous révéler la honteuse routine et l'indicible pauvreté de notre actuelle littérature dramatique ». Et de conclure : « Nous devons donc soutenir énergiquement la littérature dramatique scandinave, puisque c'est à elle seule, aujourd'hui, que nous devons d'éprouver, au théâtre, de fortes joies et de nobles émotions » (La Revue blanche, 15 février 1897). Au contraire, pour Zola, qui répond à la même enquête, Ibsen et Bjørnson « ne nous ont rien appris ». Voir aussi les notices Bjørnson, Hamsun et Ibsen.
P. M.
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