Pays et villes
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ARMENIE |
De terribles répressions et des massacres à grande échelle, œuvres du sultan Abdul-Hamid, surnommé « le Grand Saigneur » par Anatole France, eurent lieu dans l’Arménie ottomane en 1894-1896, et firent entre 200 000 et 300 000 morts, sans que Gabriel Hanotaux et le gouvernement français lèvent le petit doigt. Mirbeau a fait partie, avec Pierre Quillard et Anatole France, des intellectuels qui ont vivement dénoncé la sanglante dictature incarnée par Abdul Hamid, « la Bête Rouge », comme il l’appelle, mais, dans l’état actuel de nos connaissances, il ne semble pas avoir participé à une campagne suivie. * Pendant l’affaire Dreyfus, dans une interview imaginaire de Gabriel Hanotaux, où il stigmatise sa complicité objective avec le régime turc, il est supposé le rencontrer dans un décor d’apocalypse, celui des travaux du métro, et il lui prête des propos symptomatiques : « « Ces arbres abattus… toutes ces choses mortes… tous ces vieux souvenirs qui agonisent… et ces boutiques éventrées… j’adore tellement !... / – Cela vous rappelle sans doute les Arméniens ? [...] / – Les Arméniens aussi étaient innocents [comme Dreyfus]… Et je les ai laissé massacrer par centaines de mille… » (« Dans les ruines », L’Aurore, 26 mars 1899). * Le 16 juin 1900, il participe à une matinée donnée au profit des orphelins arméniens – au nombre de 50 000 – et patronnée par la Ligue des droits de l’homme, et dont le discours d’ouverture est prononcé par Anatole France. * En 1902, il accepte de préfacer Les Sultanades, poèmes de deux inconnus, Handrey et Loris, parce qu’il partage leur indignation, mais il ne se fait pour autant aucune illusion sur l’effet pratique de cette publication : « Hélas ! je crains que ce frémissement n’arrive pas jusqu’à la “Bête Rouge”, dans ce palais sanglant et fermé, où, gorgée de meurtres, hideuse et suant la peur, elle cuve ses saouleries de massacres, sous la garde des cimeterres. / L’Europe, elle, lira peut-être vos vers ; elle les lira avec la même indifférence qu’elle eut en assistant aux crimes dont l’impunité est la grande honte de ce temps, la faillite ignominieuse des diplomates et des gouvernants. » Faute d’avoir pu étudier les archives des associations qui ont alors soutenu la cause du peuple arménien, nous ne saurions dire si Mirbeau a fait plus, s’il a donné de l’argent, comme c’est plausible, vu son habituelle générosité, ou s’il a collaboré peu ou prou à des publications pro-arméniennes, que nous n’avons pas encore dépouillées, et en particulier s’il a aidé d’une façon quelconque son ami Pierre Quillard, fondateur de la revue Pro Armenia, où il semble n’avoir signé aucun article. Toujours est-il que, lors du banquet donné en son honneur par la revue littéraire La Plume le 6 juin 1903, l’écrivain arménien Archag Tchobanian, fondateur de la revue nationale, littéraire et culturelle Anahid, et considéré comme l’ambassadeur de la culture arménienne en France, a salué en Mirbeau « l’un des écrivains les plus humains de la littérature française, la plus humaine des littératures » (La Plume, 15 juin 1903). P. M.
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