Familles, amis et connaissances

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Terme
FENEON, félix

FÉNÉON, Félix (1861-1944), fonctionnaire au ministère de la Guerre de 1881 à 1894, est un intellectuel très engagé dans la mouvance anarchiste et un critique d’art lié au néo-impressionniste et au symbolisme. Il a dirigé la Revue indépendante, en 1884, collaboré activement à L’Endehors de Zo d’Axa, et été pendant dix ans le secrétaire de rédaction de La Revue blanche, à partir de janvier 1895. Il a collaboré aussi à La Vogue, à La Cravache, au Figaro et au Matin. Il est l’auteur des Impressionnistes en 1886, considéré comme le manifeste des néo-impressionnistes. Soupçonné absurdement de l’attentat Foyot, qui a blessé Laurent Tailhade (voir la notice), il est inculpé lors du Procès des Trente, en août 1894, mais il se défend avec une efficace ironie qui tourne en ridicule l’accusation et il est acquitté. Pince-sans-rire, il était spécialisé dans les nouvelles en trois lignes. Après 1894, il a choisi le silence.

Entre Mirbeau et Fénéon existe une fraternité spirituelle, tant sur le plan politique (ils sont tous les deux des anarchistes engagés et des individualistes farouches) que sur le plan esthétique (bien que Mirbeau soit réservé sur le néo-impressionnisme). C’est tout naturellement vers Mirbeau que se tourne Fénéon quand, en 1892, il souhaite faire entrer à L’Écho de Paris Alexandre Cohen, écrivain anarchiste hollandais, dont Mirbeau, un an plus tard, tâchera d’éviter l’expulsion (voir « À travers la peur ») ; puis quand, en décembre 1893, il cherche à mettre à l’abri de la répression un anarchiste allemand ami et voisin de Fénéon, Bernhardt Kampfmayer, que Mirbeau abrite dans les carrières de Carrières-sous-Poissy ; ou quand, en janvier 1895, il sollicite son ami pour écrire des articles sur l’art anglais dans la Revue blanche. Mais c’est surtout lorsque Fénéon est arrêté et accusé d’attentat terroriste que Mirbeau vient efficacement en aide à son compagnon, dans deux articles du Journal. Le premier, « Félix Fénéon », paraît le 4 mars 1894. Il y présente l’inculpé comme un « homme charmant », un « précieux artiste » et un « probe et ponctuel employé », avant d’ajouter : «  Félix Fénéon est mon ami, et je l’aime pour toutes les hautes qualités de son esprit et de son cœur. [...] J’ai connu peu d’hommes qui m’aient inspiré, autant que Félix Fénéon, le sentiment si rare et si doux de la sécurité. Malgré son aspect volontairement froid, sa politique un peu roide, le dandysme spécial de ses manières, réservées et hautaines, il a un cœur chaud et fidèle. Mais il ne le donne pas à tout le monde, car personne n’est moins banal que lui. Sa confiance une fois gagnée, on peut se reposer en lui comme sous un toit hospitalier. On sait qu’on y sera choyé et défendu, au besoin. » Une semaine plus tard, dans « Potins », il revient sur les conséquences de l’arrestation de Fénéon pour sa famille et les « trois innocentes créatures, élues de sa tendresse », et s’interroge avec humour sur « le crime » qu’il a bien pu commettre : « En quoi ce charmant et trop modeste écrivain, ce précieux artiste, cet ami fidèle, ce spectateur curieux des comédies de la vie, est-il un trouble, un empêchement à la digestion de M. Rouvier, à l’honneur de M. Cornelius Herz, à la manie légiférante et dénonciatrice de M. Joseph Reinach, à tous les prestiges sacrés de la République et aux prébendes qui en découlent ? » Or, en dépit de la gravité des conséquences de son arrestation, « nous ne savons rien, on ne veut rien nous dire, [...] la police est muette, la justice est muette ». De surcroît, Fénéon n’est même pas un propagandiste par la parole et a toujours gardé par-devers lui son « aristocratique et libre philosophie » : « Alors que reproche-t-on à Fénéon ?’ Et de conclure : « Qu’on relâche Fénéon, ou bien qu’on précise son crime. Qu’on nous dise ce qu’il a fait sauter, ce qu’il a tué, ce qu’il a vendu . / En voilà assez de ces potins !... »

Acquitté le 12 août 1894, mais à la faveur de la division du jury (six voix contre six), Fénéon écrit à Mirbeau pour le remercier : « À cet acquittement nul n’a contribué autant que vous et vos articles étaient trop beaux. Des divers Fénéons décrits dans la presse, c’est au vôtre, certes, que je voudrais ressembler. / Et vous vous êtes bien gardé de ne songer qu’à ma liberté : vous avez encore eu soin de ma mère. […] Vraiment, mon cher ami, je vous aime de tout mon cœur »

P. M.

 

            Bibliographie : Félix Fénéon « Trois lettres à Octave Mirbeau », L’Étoile Absinthe, juin 1980, pp. 27 sq. ; Pierre Michel, « Mirbeau, Fénéon et l’anarchiste allemand », Cahiers Octave Mirbeau, n° 13, mars 2006, pp. 214-218 ; Jean-François Nivet, « Octave Mirbeau aux côtés de Félix Fénéon », Au libre Olibrius, octobre 1994, pp. 7-10.

 


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