Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
FORSAN

FORSAN est le pseudonyme de l'Italienne Dora Melegari, née à Lausanne le 27 juin 1846 et décédée, à Rome, le 2 août 1924. Elle était la fille de l'éminent juriste et politicien piémontais Luigi-Amedeo Melegari (1807-1881), patriote militant de la Jeune Italie, professeur de droit international à Lausanne, puis à Turin, devenu, après l'achèvement de l'unité italienne, député, sénateur, et, pour finir, en 1876-1877, ministre des Affaires étrangères. Probablement dotée d'une bonne fortune héritée de son père, Dora Melegari, qui était parfaitement bilingue, a décidé de mener en France, où elle résidait – à Paris, au 56 de la rue de Babylone – une carrière littéraire qui s’est révélée fort prometteuse. Elle a d’abord publié Expiation, petit volume dépouillé comme une épure, paru sans nom d'auteur en 1881 chez Calmann-Lévy, puis, chez Ollendorff et sous le pseudonyme de Forsan, Marthe de Thiennes (1882), Les Incertitudes de Livia (1883) et Dans la vieille rue (1885), qui traitent des problèmes de l'amour et du mariage. Au début de l’année suivante, c’est au tour de La Duchesse Ghislaine de paraître, également chez Ollendorff. Ainsi munie d'un bagage littéraire consistant, la belle Italienne a déposé en 1885 une demande d'admission à la Société des Gens de Lettres. Dans son rapport du 27 septembre, Oscar Comettant, très élogieux, voit en elle « un écrivain d'un grand talent digne de ce nom », « noble et moral », et admire son style « respectueux du mot propre » et « sobre d'épithètes et de substantifs peu usités conquis à coups de dictionnaire ». Quant à Georges Ohnet, il rend hommage à « un écrivain d'une très grande valeur ».

Et pour cause... Elle a en effet eu recours aux services d'un “nègre” doté de la plume la plus remarquable de l'époque : Octave Mirbeau lui-même, comme nous le révèle une lettre qu’il a adressée à l’éditeur Ollendorff en mars 1885, pendant qu’il corrigeait les épreuves de Dans la vieille rue. Dora Melegari, qui  sera  une journaliste engagée dans la lutte pour le progrès social, pour la paix et l'amitié entre les peuples, et, surtout, pour l'émancipation des femmes, a commandés à notre forçat de la plume, à des conditions que nous ignorons, mais avec la complicité attestée de l'éditeur Ollendorff, des romans centrés autour de figures féminines, victimes de la société bourgeoise de la Belle Époque, où patriarcat, christianisme et mercantilisme conjuguent leurs efforts pour mieux écraser la femme. Ainsi Dans la vieille rue est  le récit, pathétique et bouleversant, d'un « sacrifice inutile » : celui d'une jeune fille aussi innocente que le sera Sébastien Roch, et dotée du prénom fortement connoté de Geneviève, comme le sera celui du petit Sébastien. Reste à savoir si Mirbeau est également l’auteur du premier roman au titre symptomatique, Expiation, mais l’étude reste à faire.

Voir aussi les notices Négritude, Domesticité et Prostitution.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Dans la vieille rue, ou le sacrifice inutile », introduction à Dans la vieille rue, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-16 ; Pierre Michel, « La Duchesse Ghislaine : entre Stendhal et Proust », introduction à La Duchesse Ghislaine, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-17 ; Pierre Michel,  « Quelques réflexions sur la “négritude” », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 4-34.

 

 


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL