Familles, amis et connaissances

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Terme
NATANSON, alexandre

NATANSON, Alexandre (1867-1936), après des études secondaires au lycée Condorcet, s’engage dans l’armée en 1885. Il fonde, avec d’anciens condisciples du lycée, le « Cercle des Escholiers », dont il est élu président le 13 octobre 1887, fonction qu’il cesse d’exercer en juillet 1889. Au cours de ce mois de juillet, il se marie et obtient sa licence de droit ; il prête serment en octobre, effectue le stage réglementaire et sans doute assiste son père dans ses affaires. En 1891, il prend la direction de la Revue Blanche, transférée à Paris, dont il assure la direction administrative et le financement. Son nom est inscrit au tableau des avocats en novembre 1894, mais, en décembre 1896, il démissionne sous la pression du conseil de l’ordre. Il vient de s’engager personnellement, ainsi que la revue, dans la défense des anarchistes espagnols torturés à Montjuich et s’apprête à lancer, avec le sulfureux Jacques Saint-Cère, Le Cri de Paris, hebdomadaire satirique, puis, peu après les Éditions de la Revue Blanche. La santé d’Alexandre, fortement altérée à partir de 1901, le contraint à céder Le Cri de Paris, puis à vendre à Fasquelle les Éditions de la Revue Blanche, ce qui entraîne l’arrêt du périodique en avril 1903.

Alexandre Natanson soutient des écrivains de tous bords : Jean Lorrain, Hughes Rebell, René Boylesve par exemple trouvent près de lui une écoute sensible. Il secourra Jarry. Il est passionné par Ibsen au point de donner le prénom de Bollette à sa seconde fille ; comme ses deux frères, il admire Lautrec, Bonnard, Vuillard et Vallotton, et se lie d’amitié avec Léon Blum. Il entretient une collaboration étroite et affectueuse avec les deux secrétaires de direction successifs, Lucien Muhlfeld et Félix Fénéon. Vigoureusement engagé dans la défense de Dreyfus, il réussit à convaincre Jules Renard de rédiger des Chroniquettes cinglantes pour le Cri de Paris, passe en cour d’assises en mars 1899 pour la publication de L’Armée contre la nation, en même temps que l’auteur Urbain Gohier, et, au moment du procès de Rennes, adresse à Emile Zola une lettre enflammée qu’il a fait signer à ses amis. Il ne recule pas devant le scandale que provoque la publication en feuilleton du Journal d’une femme de chambre dans la Revue Blanche, du 15 janvier au 1er juin 1900, même auprès de collaborateurs comme Gide et Ghéon (voir leur Correspondance, 1976), ou de Péguy (Cahiers de la quinzaine) : les seuls articles élogieux dans la presse sont ceux de Camille de Sainte-Croix (Revue Blanche), Coolus (anonyme, Le Cri de Paris) et Thadée Natanson (Le Soir).

Si, après l’affaire Dreyfus, une amitié profonde lie Octave Mirbeau et Thadée Natanson, plusieurs lettres de la Correspondance de Mirbeau montrent l’existence de rapports affectueux avec Alexandre et son épouse Olga, qu’Octave apprécie particulièrement et à laquelle il apporte son soutien lors de la maladie d’Alexandre. Installés avenue du Bois depuis leur mariage, Alexandre et Olga Natanson seront voisins des Mirbeau, lorsque ceux-ci s’installeront dans ce qui allait devenir l’avenue Foch, en 1901.

P.-H. B. et C.B.

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement 1890-1905, Paris, Fayard, 1907 

 

 

 


NATANSON, misia

NATANSON, Misia (1872-1850). Fille du sculpteur polonais Cyprien Godebski, Misia passe son enfance dans un milieu artistique, rencontre Liszt chez son grand-père maternel (le violoncelliste Adrien-François Servais), côtoie Félicien Rops, est poussée vers une carrière de pianiste par Gabriel Fauré — carrière à laquelle elle renonce lorsqu’elle épouse Thadée Natanson en avril 1893 ; femme  libérée, dotée d’un instinct artistique exceptionnel, elle devient alors pour le groupe de la Revue Blanche une stimulatrice et un symbole. Vuillard, Bonnard et Roussel lui doivent leur émancipation du groupe des Nabis, mené jusqu’alors par Ranson, Sérusier et Denis. L’affiche de Toulouse-Lautrec qui la représente et les tableaux de Bonnard et de Vallotton manifestent son influence et la séduction qu’elle exerce alors sur beaucoup d’esprits, y compris Mallarmé — pour celui-ci, dont la muse était Méry Laurent, Misia et Thadée représentent la modernité de la jeunesse. Misia est une sorte de muse provocatrice, au sens où par son comportement, sa beauté, ses audaces calculées, elle stimule la création chez les artistes sans jamais intervenir directement dans le processus créateur. Pris par la direction éditoriale de la Revue Blanche, impliqué dans des causes humanitaires, sociales et politiques, engagé dans des projets industriels, Thadée n’est plus en mesure de mettre à sa disposition son temps et les moyens financiers correspondant à ses désirs lorsqu’en 1900, elle rencontre Alfred Edwards, homme d’affaires millionnaire, grand manipulateur, qu’elle épouse en 1903, au moment de la disparition de la Revue Blanche. Puis elle divorce une seconde fois et se marie avec le peintre catalan José-Maria Sert. Inspiratrice de Ravel, pressentant le destin de Serge Diaghilev, elle devient le mécène des Ballets russes, lance Chanel, se lie à Stravinsky, Picasso, Satie, Claudel, Proust, Cocteau, Renoir, Debussy, Morand et Radiguet. Ravel lui dédie plusieurs morceaux célèbres, qui sont encore un indicateur de cette stimulation créatrice.

Au moment de l’affaire Dreyfus, Mirbeau devient un ami intime de la famille Natanson, de Thadée surtout ; Misia faisait tourner bien des têtes, et il n’est pas improbable que Mirbeau ait eu un coup de cœur, ainsi qu’en témoigne Henri de Régnier. C’est par l’entremise de Mirbeau que Misia, à laquelle il désirait plaire, rencontre Alfred Edwards, son ancien patron au Matin, en juin 1900.

Dans son édition de la Correspondance (2009) de Mirbeau, Pierre Michel suppose que Misia pourrait être la dédicataire, désignée par les initiales M. N., des « Contes pour une malade », parus en feuilleton dans Le Journal en septembre 1900. Trois de ces contes se présentaient sous forme de lettres adressées à celle que Mirbeau appelle sa « chère petite amie ». Elles auraient constitué pour lui à la fois un moyen de faire sa cour et un procédé mettant en scène un double littéraire de la jeune femme ; elles sont aussi l’expression de la réaction que Misia savait susciter chez les artistes et les écrivains.

P.-H. B. et C. B.

 

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement 1890-1905, Paris, Fayard, 1907 ; Arthur Gold et Robert Fizdale, Misia : la vie de Misia Sert, Gallimard, “Folio”, 1984 ; Paul Morand, L’Allure de Chanel, Gallimard, “Folio”, 2009 ; Misia Sert, Misia, Paris, Gallimard, 1952.

 


NATANSON, thadée

NATANSON, Thadée (1868-1951) Après des études secondaires au Lycée Condorcet, Thadée Natanson décroche sa licence de droit et prête serment, mais n’obtiendra pas son inscription au barreau. Il participe à la fondation de la Revue Blanche en Belgique, y collabore dès le second numéro par divers essais littéraires et les premiers chapitres d’un roman réaliste, Pour l’ombre. Membre dès 1887 du Cercle des Escholiers, dont il occupe les fonctions de secrétaire général d’octobre 1889 à décembre 1890, il fait monter, par Lugné-Poe, La Dame de la mer (1888) d’Ibsen en décembre 1892. Parallèlement, il fréquente les ateliers de peintres et tient, à partir de février 1893, la critique d’art à la Revue Blanche, installée à Paris depuis octobre 1891. En avril 1893, il épouse Misia Godebska puis reprend à Lucien Muhlfeld la fonction officieuse de rédacteur en chef de la revue. En 1898, il s’engage dans le combat en faveur du capitaine Dreyfus et ouvre, avec Léon Blum, les portes de la Revue Blanche aux dreyfusards. Il est l’un des membres fondateurs de la Ligue des droits de l’homme, au comité directeur duquel il siège. À partir de 1900, il collabore au Soir, puis entreprend diverses activités industrielles qui l’éloignent de la Revue Blanche, dont il laisse Félix Fénéon, habile pilote, ainsi que l’écrira André Gide, assumer la direction éditoriale.

Mirbeau a toujours été proche du groupe de la Revue Blanche, depuis le lancement de celle-ci à Paris. Mais c’est de l’affaire Dreyfus qu’il faut dater son amitié intime et durable avec Thadée Natanson. Après des divergences de vue esthétiques sur l’Art Nouveau et les Nabis, Mirbeau et Thadée se retrouvent, autour de 1900, dans une inclination désormais commune pour les jeunes peintres de la Revue Blanche, et surtout Bonnard, Vallotton et Vuillard, présents dans le musée idéal de La 628-E8  (1907). Mirbeau rédigera la préface du catalogue de la vente de la collection de Thadée, en 1908. Comme Thadée, Mirbeau ne conçoit pas la critique d’art en professionnel, mais en observateur ; comme lui encore, il distingue le combat politique de la posture critique — Forain et Renoir sont appréciés de l’un comme de l’autre. À la différence de Thadée, néanmoins, Mirbeau n’apprécie guère la révolution des matières et des formes favorisée par l’Exposition universelle, ne s’intéresse pas, tout au moins au début, aux nouveautés des arts graphiques et décoratifs.

Liés par une admiration réciproque, Octave et Thadée resserrent leur amitié par une collaboration théâtrale suivie. Pour Les affaires sont les affaires, pièce commencée à Cannes et achevée à Nice entre décembre 1900 et mars 1901, Mirbeau consulte Thadée, qui séjourne avec Misia dans la propriété de son père, à la Croix des Gardes. Désireux de faire le portrait d’un entrepreneur moderne, sans scrupules mais ingénieux, Mirbeau s’adresse à Thadée qui lui propose la production d’électricité comme exemple d’industrie moderne, et lui fournit tous les détails de la négociation avec les deux escrocs. Pour composer le personnage central, Isidore Lechat, Mirbeau et Thadée puisent dans leurs connaissances communes : Alfred Edwards, grand patron de presse, ancien propriétaire du Matin, directeur du Soir auquel avait collaboré Thadée, pourrait avoir légué à Lechat ses convictions socialistes, hypothèse étayée par le fait qu’Edwards était alors bien présent dans les vies de Mirbeau et Thadée : en juin 1900, il avait présidé une représentation de L'Épidémie, et Mirbeau, quelques jours plus tard, l’avait présenté à Misia Natanson au cours d’un gala organisé par la Ligue des droits de l’homme — Edwards épousera Misia en 1903. La première représentation des Affaires sont les affaires a lieu le 20 avril 1903, alors que la Revue Blanche vient de s’éteindre. Le succès de la pièce pousse Mirbeau et Thadée à poursuivre leur collaboration pour Le Foyer sur un sujet qui les réunit : les malversations liées aux œuvres de charité ; comme pour Les affaires sont les affaires, Thadée contribue à l’organisation des scènes auxquelles Octave donne leur forme littéraire. À l’inverse de Lechat, et contrairement à ce qu’ont imaginé les biographes de Misia, Arthur Gold et Robert Fizdale, le baron Courtin ne correspond à aucun modèle réel. En avril 1905, Mirbeau part pour la Hollande, la Belgique et l’Allemagne, voyage qui lui inspire La 628-E8. Le portrait de Thadée sous les traits du personnage de Weil-Sée, vieux Juif et ami fidèle, transpose et magnifie littérairement les relations chaleureuses qui l’unissent à Octave Mirbeau.

C. B. et P.-H. B.

 

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, « Octave Mirbeau et l’art au début du XXe siècle », Cahiers Octave Mirbeau, n° 10, mars 2003, pp. 167-185 ; Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement, 1890-1905, Paris, Fayard, 2007, pp. 938-955 ; Paul-Henri Bourrelier, « Innovation et Écologie dans Les affaires sont les affaires », Cahiers Octave Mirbeau, 2010,  pp. 198-205.

 


NIETZSCHE, friedrich

NIETZSCHE, Friedrich (1844-1900), philosophe allemand, qui a tenté de dépasser le nihilisme de Schopenhauer : d’abord, par l’art, comme volonté ou comme représentation ; ensuite, par la connaissance ; enfin, par un effort de l’imagination et de volonté pour devenir un être supérieur, libéré de tous les faux respects et de toutes les fausses valeurs destinés aux fourmis. Parmi ses œuvres, citons L’Origine de la tragédie (1872), Humain, trop humain (1878), La Généalogie de la morale (1887), Le Crépuscule des idoles (1888), Ainsi parlait Zarathoustra (1892), Le Gai savoir. Il est devenu fou en janvier 1889 et a passé ses dernières années interné. Mirbeau possédait les traductions françaises, par Henri Albert, de toutes ses œuvres, publiées en quinze volumes de 1899 à 1907, imprimées sur des papiers précieux et superbement reliées.

 

Mirbeau a-t-il été influencé par Nietzsche ?

 

Étant donné qu'on a retrouvé dans la bibliothèque de Mirbeau des éditions originales de premières traductions des grandes œuvres de Nietzsche publiées au Mercure de France, dont l’un des traducteurs, l’anarchiste Alexandre Cohen, était d’ailleurs un ami de Mirbeau, on sait que Mirbeau avait lu Nietzsche... et avait beaucoup apprécié. Il nous a fait part lui-même de son admiration pour le « philosophe au marteau », hérault annonciateur de la mort de Dieu, destructeur des valeurs judéo-chrétiennes et de sa métaphysique. Mirbeau n’écrit-il pas dans La 628-E8, chapitre II : « Ah ! comme ils ignorent Nietzsche et comme leur est indifférent ce Rembrandt dont La Ronde de Nuit leur est inexplicable ! ». Ou encore, au chapitre VII : « J’eusse voulu parler de Wagner, de Bismarck et de Nietzsche… Une génération arrive aux affaires [en Allemagne], pour qui Nietzsche aura autrement d’influence que Wagner et une génération d’hommes plus subtils, amis de la paix, renonçant aux conquêtes impossibles, raffinés, et qui pourront changer une mentalité héritée des fiers-à-bras de 1871… La vie nouvelle qu’apporte Nietzsche n’a pas germé immédiatement sur la terre allemande. »

Saluons tout de suite, à la fois la perspicacité de l’interprétation mirbellienne de Nietzsche et l’infléchissement de sens qu’il lui fait pourtant subir. Perspicacité : car, loin de voir, dans l’exaltation nietzschéenne de la Volonté de Puissance, la soif nationaliste de conquêtes et de domination que prétendirent y trouver les pangermanistes, et loin de conclure du procès nietzschéen de la morale judéo-chrétienne du ressentiment à un prétendu antisémitisme de Nietzsche dont se réclameront abusivement les Nazis, Mirbeau a compris que Nietzsche nous appelle en réalité à épouser la vie en nous dépassant nous-mêmes, appelle l’homme à se vaincre lui-même, pour l’emporter sur le nihilisme, et que la seule guerre qui soit désirable est la guerre contre des formes culturelles figées, mortes et mortifères ; que la seule victoire qu’il nous invite à remporter est la victoire sur la médiocrité, la faiblesse, la stérilité de l’esprit, la victoire sur nous-mêmes. Mirbeau a recueilli le vrai message de Nietzsche, pour qui ceux qui jouissent de dominer les autres ont une âme d’esclave qu’ils s’efforcent de « draper dans un manteau royal ». Nietzsche déplorait que « la bêtise aryenne » ait « corrompu le monde », et dénonçait dans l’antisémitisme le ressentiment d’imbéciles envieux du génie juif. Mirbeau fait allusion à cette « vie nouvelle » que Nietzsche nous presse d’inventer, par exemple dans Les 21 jours d’un neurasthénique, où il qualifie l’un de ses personnages, Clara Fistule, d’« intermédiaire entre l’homme et Dieu, un interhomme, comme pourrait l’appeler Nietzsche ». Très net renvoi à ce que Nietzsche appelle le surhomme, qui assumera la mort de Dieu, créera une nouvelle table des valeurs, pour nous éviter de dégénérer en cet être veule, vil, répugnant, fuyant l’effort et la douleur dans de petits plaisirs faciles, cet épouvantail d’une sous-humanité à venir, que brandit devant cette foule Zarathoustra, le porte-parole de Nietzsche et qu’il nomme « le dernier homme. »

Cependant Mirbeau infléchit la pensée de Nietzsche en privilégiant son aspect négatif, lorsqu’il compare son message à La Ronde de nuit. Car, pour Nietzsche, l’avenir sera lumière, lumière du Surhumain après la nuit du nihilisme. Alors que, s’il arrive à Mirbeau d’avoir des accents nietzschéens positifs, c’est-à-dire d’inviter les hommes à développer « leurs facultés dominantes », d’opposer les âmes fortes aux âmes faibles et même, dans Le Figaro du 25 juillet 1890, d’évoquer « ce chemin de lumière ouvert devant vous », force est de constater que, de l’alternative nietzschéenne : ou bien le surhomme, ou bien le dernier homme, c’est surtout ce spectre redoutable et méprisable qui hante les écrits de Mirbeau, dont nombre de personnages incarnent ce naufrage de l’humanité.

Il est donc certain que Mirbeau a tiré parti de sa fréquentation de Nietzsche, même s’il a souvent, par l’entremise de ses créatures, écarté, rejeté la philosophie. C'est sans doute plutôt parce que Nietzsche est un psychologue hors pair, qui s'auto-analyse, un écrivain à part entière, un imprécateur du paulinisme chrétien, qui reprend la lutte initiée par Voltaire : Écrasons l'infâme !

M. A.

 

Bibliographie : Lucien Guirlinger, « Mirbeau et Nietzsche », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 228-240.


NOAILLES, comtesse anna de

NOAILLES, Comtesse Anna de (1876-1933), née princesse Bibesco Bassabara de Brancovan. Auteure de quelques romans, dont La Nouvelle Espérance (1903) et Le Visage Emerveillé (1904), elle fut surtout connue pour sa poésie : Le Cœur innombrable (1901), Les Eblouissements (1907), Les Forces éternelles (1920), recueil couronné par l’Académie Français. Elle créa, en 1904, avec Judith Gautier et Mme Alphonse Daudet, le prix Vie Heureuse, qui deviendra par la suite le prix Femina. Elle fut la première femme à siéger à l’Académie royale de Langue et de littérature françaises de Belgique (1921) et à devenir commandeur de la légion d’Honneur (1931).

Alors que ses textes sont publiés depuis 1898, il faut attendre 1904 pour voir apparaître le nom d’Anna de Noailles sous la plume de Mirbeau. Dans L’Humanité du 11 septembre,  il remercie Léon Blum qui l’a incité à vaincre ses préjugés liés au roman féminin (prolifique et médiocre), pour découvrir les œuvres de la comtesse. L’hommage qu’il rend à la clairvoyance de son confrère, en reprenant et en interprétant ses propos, lui permet ainsi de saluer indirectement le talent de cette femme de lettres. À l’exception de La Nouvelle Espérance, le premier roman d’Anna de Noailles, Mirbeau ne mentionne aucun autre titre dans son article. Et, répondant à l’enquête de Raoul Aubry, « Les Maîtres de nos maîtres », parue dans Le Temps du 22 septembre 1904, il affirmait encore que « La Nouvelle Espérance [était] un des plus beaux livres de notre temps ». Faut-il conclure qu’il n’apprécia que sa production romanesque ? Cela expliquerait pourquoi son exemplaire des Éblouissements, recueil de poésie (1907) dédicacé par la comtesse, ne fut que partiellement rogné.

La confession que Mirbeau fit dans L’Humanité, en 1904 lui attira la sympathie d’Anna de Noailles, avec qui il correspondit jusqu’en 1905. Il fut même le sujet de plusieurs de ses lettres avec Maurice Barrès. Dans un courrier daté du 9 novembre 1904, elle apprenait à son confident « que l’Académie Goncourt, je pense Mirbeau surtout, voudrait donner leur prix à mon livre, mais que Léon Daudet s’y oppose ». L’estime que lui portait Mirbeau fut cependant de courte durée : le personnage d’Anna de Noailles, « Madame Réclamier » comme la surnommait Paul Léautaud, l’insupporta au point que, dans La 628-E8 (1907), il la caricatura, sans la nommer, en poétesse imbue de son talent, idolâtrée et encensée par de « petites perruches de salon », tout en lui concédant « des dons merveilleux, une sensibilité abondante et neuve, un jaillissement de source, […] même un peu de génie »…

N. S.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « À Léon Blum », L’Humanité, 11 septembre 1904, in Les Combats littéraires d’Octave Mirbeau, L’Age d’Homme, 2006, pp. 571-573 ; Octave Mirbeau, La 628-E8, pp. 399-400 ; Claude Mignot-Ogliastri, Correspondance Anna de Noailles-Maurice Barrès (1901-1923), èd. De l’Inventaire, 1994.


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