Pays et villes

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BRUXELLES

 

            Octave Mirbeau a eu à maintes reprises l’occasion de se rendre dans la capitale de la Belgique, notamment en juin 1880, envoyé en reportage pour le compte du Gaulois, puis fin août 1896 (il passe alors la nuit à l’hôtel du Grand Miroir, en compagnie de Georges et Anna Rodenbach), en avril 1905, lors de son périple en automobile à travers la Belgique (il descend alors à l’hôtel Bellevue), puis en septembre 1907, à la veille de la publication de La 628-E8, qui lui fait craindre de ne plus y être désormais persona grata. Il y fait en effet  de Bruxelles, cette « capitale comique » et « d'opérette », immensément ennuyeuse et qu’il accuse de vouloir toujours singer Paris, une évocation pittoresque et bouffonne, d’une réjouissante mauvaise foi, dans la lignée de Baudelaire. Ce qui n’a pas manqué de susciter une levée de boucliers de la part de nombre d’intellectuels belges, visiblement dépourvus d’humour, qui se sont sentis outragés dans leur honneur national, parce qu’ils ont pris au premier degré toutes les fantaisistes assertions du romancier.

Il est vrai qu’il n’y va pas de main morte. Ainsi affirme-t-il d’entrée de jeu, comme s’il s’agissait d’une concession majeure et douloureuse : « Après tout, on peut aimer Bruxelles. Il n'y a là rien d'absolument déshonorant... » Certes, mais il s’avère que même les notaires carapatés avec les économies de leurs clients aiment  encore mieux le confort moderne de la prison de Fresnes que l’exil et à l’ennui bruxellois, tellement dissuasifs au demeurant que des caissiers tentés de les imiter  préfèrent encore rester honnêtes... En quoi, d’ailleurs, ils ne se distinguent guère du roi Léopold II, perpétuellement absent pour ses plaisirs ou ses affaires, ni de la majorité des intellectuels et artistes bruxellois, qui choisissent, à la première occasion, de s’exiler à Paris dans l’espoir d’y décrocher une lucrative consécration. Tout lui paraît horriblement laid, et particulièrement « le Palais de Justice, où ils ont entassé pêle-mêle, tant qu'ils ont pu, des souvenirs de monuments sur des monuments de souvenirs, pour n'aboutir qu'à un monument d'une laideur invraisemblable [...], tellement laid, que ça en devient beau »... Rien ne trouve grâce à ses yeux, et tout est passé au crible de sa dérision : l’accent belge, l’armée belge, la Justice belge, l’avant-garde artistique belge, l’effroyable affairiste qu’est le roi des Belges coupable d’ensanglanter le Congo, et les mœurs curieuses des indigènes, sur lesquels Mirbeau jette un regard compatissant et désarçonné, parce que tout lui semble faux et décalé, comme s’il s’agissait perpétuellement de théâtre : « Tout me paraît ridicule à Bruxelles, me donne envie de rire, mais d'un rire terne, d'un rire sans éclats, de ce rire glacial, douloureux qui rend tout à coup si triste, si triste, triste comme son ciel d'hiver, ses boulevards circulaires, les livres de M. Edmond Picard, les poèmes de M. Ivan Gilkin, les couvertures de M. Deman, les meubles de M. Vandevelde »...

            Naturellement, il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre ce qui risquerait alors d’apparaître comme une forme de xénophobie, car Bruxelles vue à travers le filtre très particulier de l’esprit ludique d’un romancier en quête d’exutoire thérapeutique, c’est « un espace purement fantasmagorique », comme le dit Gwenaël Ponnau¨.

 

P.M.

 

            Bibliographie : Octave Mirbeau, La 628-E8, Fasquelle, 1907, chapitre II ; Gwenal Ponnau, « Haro sur la Belgique ? Les Amoenitates belgicae de Mirbeau », in L’Europe en automobile – Octave Mirbeau écrivain voyageur, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009, pp. 97-108.

 

 

 

 

 


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