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Terme
LA GREVE DES ELECTEURS

La Grève des électeurs : tel est le titre d’un articles anarchiste de Mirbeau paru le 28 novembre 1888 dans les colonnes du Figaro. En 1902, il a été publié en brochure par Les Temps nouveaux, n° 22, et diffusé très largement par les groupes libertaires français (40 000 exemplaires au moins) et traduit dans une dizaine de langues. Il a été republié à de nombreuses reprises depuis un siècle, le plus souvent avec un autre article de la même farine, « Prélude » (Le Figaro, 14 juillet 1889) : ces dernières années, chez Ludd en 1995, à l’Insomniaque en 2001 et 2007 et chez Allia en 2009. On le trouve aussi surabondamment sur Internet, où une cinquantaine de sites l’ont mis en ligne. C’est le texte de Mirbeau qui est donc le plus massivement diffusé, parce qu’un très grand nombre de lecteurs, qui sont aussi en droit des électeurs, y trouvent une excellente dénonciation de la duperie qu’est à leurs yeux le suffrage universel tel qu’il est pratiqué dans les pays qui se disent démocratiques.

Pour Mirbeau, ce qu’on appelle  « démocratie » n’est qu’une fiction que l’on sert au bon peuple, histoire de lui faire entériner on propre asservissement. Le comportement absurde de l’« inexprimable imbécile » qu’est l’électeur moyen, « cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant », n’est que le résultat d’un bourrage des crânes qui équivaut à un bourrage de ces urnes, qu’il qualifie d’« homicides ». Aussi Mirbeau souhaite-t-il provoquer un choc pédagogique chez le naïf, « qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer – ô folie admirable et déconcertante ! – des programmes politiques et des revendications sociales ». Il faut pour cela saper sa confiance aveugle dans le pouvoir légitimant du vote en l’obligeant à découvrir qu’en votant il n’a fait en réalité que choisir un maître, lequel n’a souci que de ses propres intérêts, et pas du tout de ceux du peuple : « Souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. [...] Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, ni pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. »

Mirbeau appelle donc de ses vœux la grève des urnes, dans l’espoir qu’un certain nombre de ses lecteurs-électeurs se comportent enfin en citoyens lucides et actifs. Sans quoi, aucune démocratie digne de ce nom n’est envisageable.

Voir aussi Élections, Anarchie et Politique.

P. M.

 

             

 

 


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