Pays et villes

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HONGRIE

« Jugements contraires » – tel pourrait être l’exergue des écrits qui, parus entre 1897 et 1982 dans les différents journaux, revues et ouvrages de l’époque, renseignent assez précisément sur la réception d’Octave Mirbeau en Hongrie. Celle-ci se prête aisément à une division en deux périodes de richesse inégale, chacune se refermant sur un silence. La première englobe les trois premières décennies du siècle, la seconde s’inscrit dans l’ère communiste et se fait remarquer principalement par deux dates : 1955 et 1957.

 

Les trois premières décennies

 

Il convient d’emblée d’attirer l’attention sur une dichotomie assez frappante : si les traductions d’ouvrages de Mirbeau, dès la fin du XIXe siècle, sont relativement nombreuses et si l’on a notamment la surprise d’y voir recueillis en volume, dès 1904, des contes parus dans Le Journal, ou Un homme sensible, rares sont les critiques littéraires qui se proposent d’examiner, de façon approfondie, l’œuvre mirbellienne. Toutefois, cette première période demeure riche en comptes rendus dont le plus grand nombre – mêlant louanges et blâmes – voit le jour du vivant de l’auteur.

Le premier écrit qui soit paru au sujet de Mirbeau, le 15 mai 1897 dans le quotidien Nemzet, est signé par Dezső Szomory, grand auteur hongrois de la première moitié du XXe siècle. Ce texte se présente comme le « feuilleton » du numéro en question. Or, le lecteur s’attend en vain à quelque compte rendu strictement littéraire : Szomory transmet une confession lyrique pleine de verve et de chaleur, une écriture fiévreuse, saccadée, jaillie du fond de son cœur. La principale caractéristique de cet ouvrage est la discontinuité : désireux d’offrir un panorama sur l’œuvre, Szomory n’hésite pas à arrêter sa plume pour dire son sentiment d’enthousiasme profond. Vingt-deux ans plus tard, l’image de Mirbeau – à la fois ironique et magnifiée – apparaît une fois de plus sous la plume de cet auteur, notamment dans Paris, roman (1929), qui compte aujourd’hui parmi les plus grands classiques de la prose hongroise.

Néanmoins, la majorité des écrits de la première période, parus dans les célèbres quotidiens de l’époque, se tournent vers le théâtre de Mirbeau : en effet, trois de ses pièces ont été représentées à Budapest, peu après les premières françaises (Les affaires sont les affaires, Le Foyer, Le Portefeuille).

La mise en scène des Affaires sont les affaires, le 21 novembre 1903 au Théâtre National de Budapest, remporte un succès assez grand : la traduction est de Ferenc Molnár, célèbre auteur dramatique de l’époque, dont l’œuvre la plus connue est sans doute Liliom, plus d’une fois représenté en France.

Le cas du Foyer a ceci d’intéressant que sa « présence » en Hongrie précède considérablement sa représentation : déjà le 12 août 1906 un article est consacré, dans le quotidien Budapesti Napló, aux vicissitudes que subit la pièce à la Comédie-Française. Deux ans plus tard, le scandale de la représentation française du Foyer sera longuement détaillé dans Pesti Napló, dont le critique tient Mirbeau pour l’un des meilleurs écrivains français. Aussi le Théâtre National n’hésite-t-il pas à mettre en scène la pièce : la première aura lieu le 19 mars 1909 et éveillera un vif enthousiasme.

Le Portefeuille occupe une place à part parmi les pièces mirbelliennes représentées pendant cette période, et ce pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles s’explique par la première du Portefeuille réalisée, le 18 février 1906, par la Compagnie Thália, théâtre d’avant-garde du tournant du siècle. Le Portefeuille sera représenté encore, durant la courte vie de la Compagnie, cinq fois de suite, notamment en 1908, et sera repris plusieurs fois dans les années qui suivent. Il existe une deuxième raison qui assure au Portefeuille un statut privilégié en Hongrie : parmi les pièces de Mirbeau, son texte est le seul qui soit publié en hongrois et ce, plus d’une fois.

Si les pièces de Mirbeau – célébrées ou blâmées – éveillent un intérêt assez grand pendant les trois premières décennies du siècle, il n’en va pas de même pour ses romans, auxquels peu d’articles sont consacrés. La parution du Journal d’une femme de chambre ne semble trouver nul écho dans l’univers littéraire de l’époque, ce qui est en opposition avec le fait que sa première traduction remonte à 1901.

En revanche, le 1er mars 1917, paraît une étude qui mérite une attention toute particulière sous plusieurs égards. D’une part, nous avons affaire au seul article de longue haleine qui soit consacré à l’œuvre mirbellienne, d’autre part cette étude, publiée douze jours après la mort du romancier dans la célèbre revue Nyugat, apprécie enfin l’œuvre à sa juste valeur, tout en montrant ses limites. À l’opposé de la plupart des critiques qui traitent l’auteur du Journal d’une femme de chambre de pornographe, Zoltán Ambrus est prêt à y voir « une satire mordante », « fougueuse », « impudique », dont la liberté de langage, faisant fi des tabous de la société bourgeoise, ne fait que mieux ressortir « son indignation sincère » à l’égard de l’ordre établi.

 

L’ère communiste

 

À partir de la fin des années vingt, le silence semble envelopper Mirbeau en Hongrie, excepté quelques traductions de romans et de contes qui voient le jour durant la troisième décennie du siècle. Cet oubli fut long et le renouveau a été restreint. En effet, Mirbeau n’est véritablement présent que dans les années cinquante, et encore cette présence se réduit-elle à une seule œuvre : Le Portefeuille. Aux deux anciennes traductions s’ajoutent deux autres, signe évident de la vitalité de la pièce.

Pourquoi est-ce Le Portefeuille qui survit le mieux à l’oubli ? On peut se le demander à juste titre. Cette survie s’explique peut-être par le fait que la comédie, se proposant de démystifier la société bourgeoise et sa loi, se prête aisément à une interprétation « marxiste », en favorisant une prise de position anticapitaliste. Il suffit d’examiner à cet égard la traduction datée de 1955. À la place de « traduction », il est plus juste de dire « adaptation » qui – sans s’écarter radicalement de l’original, mais désireuse de se conformer au climat et aux exigences politiques de son époque – s’efforce de déplacer l’accent du côté « farce » de la pièce à son côté « moralité », intention sans doute bienvenue dans l’ère communiste. L’éternelle actualité du Portefeuille et la possibilité de son application sur n’importe quel système sont justifiées par sa quatrième traduction, née en 1957 de la plume de Dezső Mészöly, deux après l’adaptation d’István Szűcs. Cette fois, nous avons affaire à une traduction proprement dite, excellente, rendant enfin fidèlement tous les aspects de l’éclat du texte de Mirbeau.

Notons pour terminer que cette quatrième traduction ne sera mise en scène qu’une seule fois et grâce à la Radio Hongroise, où elle était diffusée le 17 novembre 1972, dans l’interprétation des meilleurs comiques du temps. La représentation du Portefeuille par la « Radiothéâtre » en 1972 semble boucler la boucle minuscule de la seconde période : un nouveau silence retombe sur Mirbeau, aujourd’hui quasi-oublié, même si une nouvelle traduction du Jardin des supplices (1990), et la récente traduction des Amants (2008) lui restituent une certaine gloire.

 G. T.

 

Bibliographie : Sándor Kálai, « Notes sur une adaptation-traduction hongroise du Jardin des supplices », Cahiers Octave Mirbeau, no 14, 2007, pp. 218-220 ; Gabriella Tegyey, « Octave Mirbeau en Hongrie – Remarques sur une étrange rencontre », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998, pp. 110-127

Traductions :

Kinok Kertje, Budapest, Népszava Könyvkereskedés Kiadása, 1921, 246 pages (18 cm). Traduction de Győző Gergely et Dezső Schöner.

Kinok Kertje, Budapest, Népszava Könyvkereskedés Kiadása, 1924, 246 pages (17 cm). Traduction de Győző Gergely et Dezső Schöner.

Kinok Kertje, Budapest, Pán, 1990, 157 pages.

Egy szobaleány naplója, Budapest, éditions Sachs-Pollák, 1901, 305 pages (19 cm). Traduction de Horácz Podmaniczky.*

Egy szobalány naplója, Budapest, Új Magazin Könyvek Kiadása, imprimerie Törekvés, 1937, 159 pages. Traduction de Margit Pálföldi.

A tolvaj [“le voleur”], Budapest, éditions Singer, 1914, sans nom de traducteur.

Csak finoman [“tout doucement”], Budapest, éditions Népművelési Propaganda Iroda, collection « Négy Klasszikus Kiskomédia », 1969, pp. 45-53.

Az üzlet. Traduction par le grand auteur dramatique Ferenc Molnár.

A szeretők, site Internet de Scribd, 2008.

Bűn és más elbeszélések [“le péché et autres récits”], Budapest, Freund Frigyes kiadása, collection « Modern írók könyvtára » [“répertoire des écrivains modernes”], 1904, 86 pages.

A tűzhely [“le foyer”, ou “le fourneau”]. Représentations à Budapest à partir du 19 mars 1909, avec Emilia Márkus dans le rôle de la baronne Courtin. Traduction d’Imre Huszar, qui ne semble pas avoir été publiée.

Egy finom úr története [“l’histoire d’un monsieur distingué / sensible”], Vienne, éd. Julius Fischer-Verlag, 192 ?., 79 pages.


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