Pays et villes

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Terme
ANGLETERRE

Mirbeau et l’Angleterre

Mirbeau ne parlait pas l’anglais et ne semble pas s’être rendu bien souvent en Angleterre : en août 1873, il a accompagné son patron Dugué de la Fauconnerie à Chislehurst ; et, en mai 1894, il a fait à Londres deux séjours de quelques jours, à l’appel du patron de la Pall Mall Gazette, Astor, désireux de voir le critique « lyncher ces sales peintres anglais ». D’autres voyages outre-Manche ne sont pas à exclure, notamment au cours des années 1870 et au début des années 1880, mais ils ne sont pas attestés.

Il faut dire qu’il n’avait pas pour l’Angleterre les yeux émerveillés du jeune Voltaire et qu’elle n’était pas loin d’incarner à ses yeux bien des choses qu’il détestait viscéralement, malgré les progrès de tous ordres qu’il y reconnaissait et la relative liberté qui y régnait. Le puritanisme victorien lui était insupportable, la dureté des lois pour les pauvres ne pouvait que le révolter, l’hypocrisie du pays de Shakespeare se permettant de condamner au hard labour un écrivain de la trempe d’Oscar Wilde pour ses mœurs sexuelles considérées comme « un péché », l’a à juste titre indigné, et il voyait, dans les sanglantes conquêtes coloniales de l’impérialisme britannique, perpétrées avec la bénédiction du clergyman, « la honte de ces temps » (« À propos du hard labour », Le Journal 16 juin 1895). Quant à la peinture préraphaélite, qui y triomphait alors, on sait qu’il n’a cessé de la dénigrer et de la tourner en ridicule, et c’est bien pourquoi il a accepté avec empressement l’invitation d’Astor.

             

Traductions


Si l’Angleterre choquait tant l’intellectuel libertaire assoiffé de justice qu’était Mirbeau, elle ne pouvait guère, corollairement, que réprouver majoritairement un écrivain si dérangeant et que l’on taxait commodément de pornographie et de blasphème. Les éditeurs, bien timorés, se sont donc bien gardés pendant longtemps de traduire ses œuvres, par crainte d’apparaître comme ses complices ou d’encourir les foudres de la censure ou de la “Justice”. La rareté des traductions en Angleterre, jusqu’à ces dernières décennies, contraste avec le nombre de celles qui ont vu le jour en Russie, en Italie, en Espagne, et même en Allemagne et en Autriche, où elles ont pâti du même puritanisme. Aujourd’hui encore il n’existe pas de traduction de Dans le ciel, ni de Dingo, ni d’Un gentilhomme, ni des Mémoires de mon ami, ni des Mauvais bergers, ni du Foyer, ni de ses contes (dont certains ont sans nul doute paru dans la presse, mais sans être recueillis en volume).

* Ainsi Le Calvaire a-t-il attendu 1995 pour être publié, sous son titre français, par Dedalus / Hippocrene, dans la collection « Empire of the Senses », dans une traduction fidèle de Christine Donougher, avec une introduction d'Adrian Murdoch. En 2008,  Dodo Press a bien réédité Calvary, mais c’est une simple reprise de la vieille traduction états-unienne de Louis Rich, parue en 1922.

* Abbé Jules, première traduction du roman de 1888, a dû attendre plus d’un siècle pour voir le jour, en 1996, également chez Dedalus, et dans la même collection. La traduction de Nicoletta Simborowski est brièvement introduite par Adrian Murdoch.

* Sébastien Roch, dont le sujet transgresse bien des tabous, a attendu l’an 2000 pour paraître enfin en Angleterre, de nouveau dans la collection « Empire of the Senses » de Dedalus. La traduction est encore signée Nicoletta Simborowski.     

* Le Jardin des supplices a, certes, attendu moins longtemps, mais The Garden of Tortures n’est paru à Londres, chez Fortune Press, qu’en 1938, dans une traduction de Donald Mac-Andrew, entachée de gallicismes et de contresens (réédition en 1995). Sous le même titre paraît en 1969, chez Tandem, la traduction, fort incomplète, de Raymond Rudorff. Un an plus tard, nouveau titre, Torture garden, pour une traduction – anonyme ? – parue chez Gold Star Publications. En 1973, celle de Raymond Rudorff reparaît à Londres, chez David Bruce et Watson, sous un nouveau titre, infidèle, The Garden of Evil. Une vingtaine d’années plus tard, c’est au tour de Dedalus de publier successivement la vieille traduction américaine d’Alvah Bessie, en 1991, puis, en 1992, une nouvelle et fidèle traduction de Michael Richardson, précédée d’une introduction de Brian Stableford (réédition en 2010). Enfin, en 2007, Bookkake réédite la traduction d’Alvah Bessie, avec une  préface de Tom McCarthy, « If Truth were a Woman... ».       

* Le Journal d‘une femme de chambre, dont une première traduction anglaise, The Diary of a Lady's Maid, rarissime et hors de prix, a prudemment été publiée à Paris en 1903 par Charles Carrington, devra attendre 1934 pour franchir la Manche : A Chambermaid's Diary paraît à Londres chez Fortune Press, sans nom de traducteur (peut-être D. J. Mac Andrew). Un tiers de siècle plus tard, les éditeurs londoniens Grafton Publishers - Paul Elek éditent en 1966 une troisième traduction, meilleure que les précédentes, due à Douglas Garman et intitulée Diary of a Chambermaid. Réintitulée The Diary of a Chambermaid, cette traduction reparaît chez Tandem Books l’année suivante. En 1967 également, chez un autre éditeur londonien, Mayflower Books, paraît Diary of a Chambermaid, nouvelle traduction signée Raymond Rudorff et rééditée les trois années suivantes, Diary of a Chambermaid. En 1986, c’est Nexus qui ajoute à son catalogue The Diary of a Chambermaid, dont nous ignorons le traducteur. Cinq ans plus tard, c’est Dedalus qui reprend la traduction de Douglas Garman, avec une préface de Richard Ings (rééditions en 1992 et en 2001). Enfin, en 2010, les Cambridge Scholars Publishing reprennent, en se contentant de la scanner, la première traduction américaine de Benjamin Tucker, parue en 1900.

* Pour sa part, La 628-E8 n’a eu droit qu’à une très tardive traduction, tronquée de surcroît, parue en 1989 chez Philip Wilson Publishers sous le titre infidèle de Sketches of a journey et agrémentée des dessins de Pierre Bonnard. La traduction de D. B. Tubbs est brièvement préfacée par Richard Nathanson. Chose cocasse : c’est le nom de Bonnard qui est cité en couverture comme s'il était l'auteur du livre et Mirbeau un simple illustrateur...

* Les affaires sont les affaires (Business is Business) a bien été adapté pour la scène anglaise par Sydney Grundy, dont le manuscrit est conservé à la British Library, mais cette adaptation n’a pas été publiée. Il semble qu’une autre traduction ait vu le jour en 1939, mais l’éditeur et le traducteur n’ont pas été identifiés. Richard Hand  a récemment réalisé à son tour une traduction de la grande comédie de Mirbeau, mais les Selected plays où elle devait prendre place et qui devaient paraître à Cardiff, aux presses de l’université du Pays de Galles,  dans la collection « Studies in Modern France », n’ont toujours pas paru, et il n’est pas sûr que le volume soit publié un jour, pour des raisons financières.  

* Parmi les Farces et moralités, plusieurs ont été traduites par Richard Hand pour son édition des Selected plays de Mirbeau, pas encore parue. Seul The Epidemic (L’Épidémie) a été publié auparavant, en 1966, dans Spotlight, Londres, Blackie, mais il s’agit de la simple reprise de la traduction de Jacques Barzun parue en 1949 aux États-Unis. Quant à Scrupules, traduit sous le titre A Scrupulous man, il y a bien eu des représentations à Londres en 1905, mais la traduction-adaptation de Max Hecht est restée inédite.

Pour ce qui est des articles et des contes de Mirbeau, ils restent très largement ignorés du public anglais, hors ceux qui ont pu être mis en ligne sur Internet ces dernières années, sur des sites états-uniens ou britanniques.

 

Études mirbelliennes

Heureusement les universitaires anglais ont été moins timorés que les éditeurs et ont compris rapidement l’importance de Mirbeau dans l’histoire littéraire. Trois d’entre eux se distinguent par la publication de volumes entièrement consacrés à l’auteur de L’Abbé Jules, auxquels il convient d’ajouter les divers articles qu’ils ont fournis à des revues ou qui ont été insérés dans des Actes de colloques, en France ou en Grande-Bretagne. Reginald Carr, tout d’abord, a publié en 1977, à Manchester, une étude sur le parcours politique de l’écrivain, Anarchism in France : the Case of Octave Mirbeau. En 1994, Christopher Lloyd a fait paraître, à Durham, Mirbeau’s fictions, consacré à l’œuvre romanesque. Et, en 2000, c’est au tour d’Enda McCaffrey, de Nottingham, de fournir sa contribution : Octave Mirbeau’s literary intellectual evolution as a french writer (1880-1914). De son côté, G. E Law a soutenu à Londres, en 1983, une thèse, dactylographiée, sur Mirbeau and art - A detailed study of Mirbeau's relationship with artists and account of his writings on art. D’autres mémoires ont sans doute été soutenus depuis une vingtaine d’années, mais la recension reste à faire, ainsi que celle des comptes rendus dans la presse des publications d’œuvres de Mirbeau. Parmi les autres universitaires qui ont publié des articles sur Mirbeau, dont certains dans les Cahiers Octave Mirbeau, citons Louise Lyle, Claudine Mitchell, Joy Newton, James Swindlehurst, Richard Hand, et surtout Sharif Gemie et Adrian Ritchie.

P. M.

 

Bibliographie : Christopher Lloyd, « Mirbeau traduit en anglais », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 385-395.

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