Oeuvres

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AMOURS COCASSES

Amours cocasses est un recueil de contes, nouvelles et dialogues, qui a été publié en 1885 par Paul  Ollendorff et qui, comme La Belle Madame Le Vassart et d’autres romans, a paru sous la signature d’Alain Bauquenne, alias André Bertéra, dont Otto Lorenz écrit, dans la Bibliographie de la France, que c’est « le pseudonyme de M...... ». Couplé avec Noces parisiennes, le volume a été réédité par la Librairie Nizet en 1995, mais cette fois sous le nom d’Octave Mirbeau.

Il comprend sept textes : « Master Blue », journal d'une jeune fille bonne à marier, qui lui confie ses espérances conventionnelles, ses incertitudes et ses naïvetés fantasmatiques  ;  « Le Poirier », dont le thème annonce « Le Mur » de 1894 et constitue une mise en cause d'une société absurde et criminelle ; « Tante Oya », dont l’héroïne, naïve et dévouée, se fait lamentablement exploiter ; « Dernier rendez-vous », où une femme remplace rapidement un amant perdu par un autre ; « L'Élève Kaïla », où apparaît pour la première fois la fascination de Mirbeau pour l'Inde, à travers le personnage d’un jeune mahratte exilé dans une pension parisienne ;  « Pour les pauvres », qui est déjà une satire de la pseudo-charité mondaine ;  « Rose de juin (souvenirs d'un vieux bonhomme) », où une jeune femme illumine un temps la vie d’un vieil archiviste avant de mourir prématurément.

Ce sont là des textes délibérément légers, où la bonne conscience bourgeoise devrait, semble-t-il, trouver à s’alimenter à bon compte. Mais ils sont en réalité moins inoffensifs qu’il y paraît au premier abord. On y retrouve en effet, derrière l’apparente superficialité du ton et les concessions au goût supposé du public (sentimentalité, cocasseries, et parfois grivoiseries), une vision tragique de la vie et une peinture critique de la société, conformes à celles que développera Mirbeau par la suite. 

L’amour est censé être le point commun de ces contes, non seulement en tant que sentiment, mais aussi en tant que facteur propice à mettre en scène des situations plutôt scabreuses, qui ne  menacent pas pour autant l’ordre bourgeois et la cellule familial qui en est la base organique, d’où la tendance à l’idéalisation de certains personnages et le happy end obligé. Mais en réalité, ce que met en lumière le conteur, c’est, d’une part, l’incommunicabilité entre les sexes, qui sape par avance l’institution sacro-sainte du mariage, destiné en réalité à assurer la domination d’un sexe sur l’autre, en même temps que la transmission du patrimoine ; et, d’autre part, l’intransitivité du langage, qui est mise au service de toutes sortes de manipulations, au lieu de servir à communiquer avec l’autre et à exprimer des sentiments sincères. Dès lors les échanges amoureux deviennent hautement problématiques et c’est le désir et les pulsions obscures du corps qui, comblant ls manques du langage, peuvent seuls rapprocher un temps les deux sexes.

Ainsi, conclut Arnaud Vareille, « l’exercice de style auquel se plie Mirbeau est l’occasion pour lui de poser les jalons d’un travail de sape de toutes les hypocrisies mondaines. En présentant l’amour comme une attraction pulsionnelle et fatale par nature, en déniant au langage toute capacité à maintenir l’homme dans sa dignité, il met à mal la conception convenue d’un sujet autonome, conscient de soi et étendant cette maîtrise au monde qui l’entoure. »

P. M.

 

Bibliographie : Claude Herzfeld, Octave  Mirbeau – Aspects de la vie et de l’œuvre, L’Harmattan, 2008, pp. 79-86 ; Pierre Michel, préface d'Amours cocasses, Nizet, 1995, pp. 7-13 ; Arnaud Vareille, « Amours cocasses et Noces parisiennes : la légèreté est-elle soluble dans l’amour ? », Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004, pp. 34-52.     

 


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