Pays et villes

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BRUGES

          Bruges est une belle ville flamande chargée d’histoire, dotée de merveilles architecturales constituant un patrimoine exceptionnel – notamment les béguinages à « la tristesse pacifiante » – et de canaux qui lui confèrent un charme extrême. Elle était peuplée d’environ 50 000 habitants vers 1900. C’est le poète et romancier Georges Rodenbach, grand ami de Mirbeau, mort prématurément, qui a assuré à la ville sa notoriété littéraire, bien qu’il n’y ait jamais vécu, grâce à deux romans, Bruges la Morte (1892) et Le Carillonneur (1897), où son « âme individuelle » est en harmonie avec celle de la ville : « S’il a chanté Bruges, avec cet accent unique, ses pierres illustres et ses canons, et ses cloches, et son silence, et ses ombres humaines et ses visages lointains, et tout ce passé terrible et charmant, c’est que Bruges, c’est encore de la mort, une mort blanche comme les cygnes qui dorment sur le lac d’amour, blanche comme le béguin des béguines, et comme l’âme de ces femmes que, dans les rues très anciennes, on voit aux fenêtres closes, derrière les transparents de dentelle… » (« Notes sur Georges Rodenbach », Le Journal, 1er janvier 1899).

          Mirbeau a eu l’occasion de visiter Bruges à plusieurs reprises, notamment fin août 1896, en compagnie de Rodenbach. Il a toujours été fasciné par cette « ville unique », « une des seules villes préservées jusqu’ici des atteintes du progrès et des passions mauvaises qu’apporte avec lui le négoce ». Cette ville « en dentelles », avec son « aspect de rêve » ses « antiques merveilles », ses « rues de silence, de renoncement et de paix », son « décor d’une survie si pénétrante et d’une mort si éternelle », « s’est endormie et nul ne l’a réveillée ». Mais si le temps a lézardé ses antiques richesses, il « n’a rien pu contre son âme », et les figures qu’on y rencontre aujourd’hui n’ont pas changé depuis l’époque de Van Eyck et de Memling, « vivantes momies, toujours contemporaines de cette architecture de prières ».

          Or, voilà qu’en 1896-1897 est discuté et adopté un projet de modernisation de la vieille ville, que Mirbeau dénonce dans une chronique du Journal, « Adieu à Bruges », car il y voit un véritable « meurtre ». :  « On démolit tout ce qui fait sa gloire et tout ce qui est resté sa raison d’être, c’est-à-dire son âme elle-même ». Dix ans après, dans La 628-E8, il note que « Bruges sort, enfin, de son long silence mystique » et que « le bruit des marteaux, le sifflement des usines dominent aujourd'hui le chant de ses carillons et le chuchotement mortuaire de ses béguinages ».

P. M.

 

            Bibliographie : Maurice Guillemot, Villégiatures d’artistes, Flammarion, 1897, p. 200 ; Octave Mirbeau, « Adieu à Bruges », Le Journal, 28 février 1897.


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