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Terme
DU LAC, stanislas

DU LAC, Stanislas (1835-1809), prêtre catholique, appartenant à la Compagnie de Jésus. Après des études à Brugelette, il a été le maître d’études de Mirbeau au collège des jésuites de Vannes. Il a ensuite dirigé l’école Sainte-Geneviève, de la rue de la Poste, à Paris, et a organisé la résistance aux lois laïcisant l’enseignement. Expulsé en 1880, il a vécu dix ans en Angleterre, où il a dirigé un collège catholique à Canterbury. Rentré en France en 1890, il a alors joué un rôle important dans l’alliance du sabre et du goupillon, qui a culminé lors de l’affaire Dreyfus, et a été soupçonné d’exercer une influence décisive sur les nominations dans le haut État-Major de l’armée. Il était le confesseur du général de Boisdeffre, ce qui a contribué à le faire passer pour l’âme damnée des haut gradés anti-dreyfusards, formés dans ce que les dreyfusistes appelaient la « jésuitière ». Pour Mirbeau, par exemple, l’affaire Dreyfus est « un crime exclusivement “jésuite” », et du Lac en est l’inspirateur principal (voir « Souvenirs », L’Aurore, 22 août 1898)..

            Quand il écrit Sébastien Roch (1890), dont le héros éponyme est séduit et violé par son maître d’études, le “père“ de Kern, Mirbeau utilise, pour imaginer ce dernier, nombre de traits empruntés au “père” du Lac, tels qu’ils apparaissent notamment dans deux de ses chroniques de « La Journée parisienne » du Gaulois, signées Tout-Paris et parues le 26 mars et le 1er septembre 1880. Dans la première, intitulée « Un futur expulsé » et qui est dithyrambique, à un moment où Le Gaulois, monarchiste et catholique, soutient bien évidemment la résistance des jésuites à l’expulsion qui les menace, un détail peut néanmoins faire tiquer le lecteur vigilant : « Il savait vous mettre, au moment des récréations, le diable au corps pour les jeux ». La connotation de cette expression de « diable au corps », est confortée par plusieurs précisions sur le caractère du prêtre : il a un esprit extrêmement « ardent », « terrain tout préparé » au développement des « passions humaines » ; après « une vie fébrile et agitée » dont il s'est rapidement dégoûté, il est entré dans les ordres, mais il lui a fallu bien des « efforts de volonté pour refouler bien des aspirations, pour dompter bien des pulsations brûlantes » ; néanmoins, de cette nature « impatiente » subsiste « une flamme intérieure et mal éteinte », que « ranime et fait pétiller avec de grandes lueurs la menace d'un danger ». 

            Le deuxième texte, « Ni l’un, ni l’autre », est une fantaisie typiquement mirbellienne, qui repose sur un paralléle audacieux établi entre les jésuites, « qui détruisaient les petits garçons » et l'assassin Menesclou, « qui détruisait les petites filles » et qui a été pour cela « condamné à escalader l'abbaye de Monte-à-Regret ». Naturellement, l'article est ironique et est supposé s’attaquer à des policiers qui se conduisent comme des monte-en-l'air. Il n'en reste pas moins que l'ironie et la fantaisie permettent, sans en avoir l'air, de laisser entendre aussi bien d'autres choses, que Tout-Paris ne pouvait évidemment pas dire dans un texte à lire au premier degré. Par exemple, que les « pétrisseurs d’âmes » que sont les jésuites, en général, ne font que détruire, et que du Lac, en particulier, est un « criminel », qui pratique, « dans l'impunité », de « dangereux exercices » et se livre notamment, en guise de « loisirs », au dépeçage « des petites filles »... Cette interversion des rôles entre du Lac et Menesclou est lourde de sous-entendus, car, dans une société où tout marche à rebours, en intervertissant les rôles, comme l'imagine Tout-Paris, on remet tout à l'endroit, et les jésuites redeviennent ce qu'ils sont et ne cesseront d’être aux yeux de Mirbeau : des bourreaux d'enfants...

            Ces deux articles – publiés en annexe de Sébastien Roch, aux Éditions du Boucher, pp. 284-293 – ne manquent pas d’interroger les mirbeaulogues sur le caractère autobiographique de Sébastien Roch : avant d’être renvoyé du collège sans explication, à quelques semaines de la fin de l’année scolaire, le jeune Octave a-t-il été lui aussi séduit et violé par son maître d’études ? Et, en ce cas, le “père” du Lac a-t-il joué, dans la vraie vie, le rôle du “père” de Kern dans la fiction ? Nombre d'indices convergents (y compris onomastiques) vont dans le sens de cette hypothèse. Mais un beau faisceau de présomptions ne constitue pas une preuve décisive.

P. M.

 

Bibliographie : Yves du Lac de Fugères, « À propos du père de Kern dans Sébastien Roch », Cahiers Octave Mirbeau,  n° 5, 1998, pp. 146-157 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Stanislas du Lac », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998, pp. 129-145.


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