Familles, amis et connaissances

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Terme
MONTESQUIOU, robert de

MONTESQUIOU, Robert de (1855-1921), est l’un des types les plus curieux de la Belle Époque. Après des études au lycée Condorcet et au collège des jésuites de Vaugirard – où, comme Mirbeau chez ceux de Vannes, il est fort malheureux –, il fait son entrée dans le monde en 1875 et fréquente artistes et écrivains, Mallarmé, Huysmans et Goncourt entre autres. Mondain, dandy, décadent, esthète, collectionneur, délicieusement pervers, homosexuel, passionné d’art et de fleurs, avec une prédilection pour les hortensias, il se lance dans la poésie avec Les Chauves-souris, recueil de 163 poèmes auquel Mirbeau a consacré un article élogieux en octobre 1892, puis Le Chef des odeurs suaves (1893), au titre emprunté à SalammbôLes Hortensias bleus (1896) et Les Perles rouges (1899). Ses mémoires posthumes, Les Pas effacés, paraîtront en 1923. Il passe pour avoir servi de modèle au Des Esseintes de Huysmans (dans À rebours, 1884), à M. de Bougrelon, du roman homonyme de Jean Lorrain (1895), et au baron de Charlus de Marcel Proust. À la recherche des sensations les plus rares et les plus raffinées, il se grisait de parfums, de couleurs et de mots. Il organisait de grandes fêtes qu’il mettait en scène lui-même (notamment fin mai 1894). Mirbeau l’a fréquenté un temps, avant de se rebiffer contre la morgue aristocratique du comte. Quand le symbolisme et son goût de l’unique s’implantent au faubourg Saint-Germain, Mirbeau regimbe : Lorrain, Helleu, qui furent de la sphère de Montesquiou, le surent, qui tomberont en disgrâce à ses yeux ; à l’opposé, Rodenbach, Whistler, Mallarmé, Régnier, traverseront les âges sans que l’estime que Mirbeau leur prodigua fût prise en défaut.

L’amitié de Montesquiou et de Mirbeau est des plus étranges. Les relations avec le couple Mirbeau débutent en 1892, chez Forain, et s’achèvent à la mort du poète, en 1921, après s’être poursuivies au-delà de 1917 par une correspondance entre Alice et le gentilhomme.  Quelle affinité pouvait déterminer, à tout le moins rendre possible, la rencontre du poète nocturne de l’éphémère, apologiste des lunatiques, avec notre futur académicien Goncourt, comme tel, résolument romancier et homme de prose ? Nombre de choses, au vrai. Le goût pour l’horticulture (« Vous seul connaissez l’âme vraie et charmante des fleurs », reconnaît Mirbeau devant Montesquiou), la liberté du jugement critique et l’indépendance d’esprit, la conception élitiste de l’art( il ne dut pas déplaire à Montesquiou d’être cité dans le plus symboliste des romans de Mirbeau, Le Jardin des supplices, au chapitre V de la deuxième partie), sont les pierres angulaires de cette intimité qui se traduisit par des échanges d’ouvrages, d’œuvres d’art, par des visites réciproques ou le partage entre familiers au temps de Goncourt. En 1897 éclate une brouille durable, sous un prétexte futile. C’est qu’en profondeur les tensions sont réelles : Mirbeau ne conçoit l’art que comme l’expression de la vie, cependant que le paradoxal Montesquiou, à la manière de Wilde, n’est pas loin de considérer que c’est la nature qui imite l’art. Tous choses étant égales par ailleurs, l’amitié avec Montesquiou peut nous laisser imaginer ce qu’eût été la rencontre entre Mirbeau et l’un des familiers de la sphère du comte, Marcel Proust.

S. L.



Bibliographie : Antoine Bertrand, « Mirbeau et Montesquiou : l’étrange rencontre », Cahiers Octave Mirbeau n° 7, 2000, pp. 151-188 ; Octave Mirbeau, « Les Chauves-souris », Le Figaro, 16 octobre 1892 ; Robert de Montesquiou, Les Pas effacés, Émile-Paul frères, 1923, tome II, pp. 277-282.


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