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POLOGNE

La réception de Mirbeau en Pologne se divise assez naturellement en trois périodes, délimitées par d’importants événements politiques et sociaux : la première se situe du vivant de l’écrivain, comprenant en particulier les années 1890-1910. À cette époque, la Pologne n’existe pas sur les cartes de l’Europe, mais les Polonais continuent à espérer sa renaissance prochaine ; la deuxième répond aux temps troublés de l’entre-deux-guerres, lorsque l’avènement de la Pologne indépendante, en 1918, déplace l’intérêt public vers d’autres domaines ; la troisième s’étend du lendemain de la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours. Le nombre d’informations concernant l’écrivain est le plus élevé dans la première, pratiquement nul dans la deuxième et assez limité dans la troisième. Dans toutes les trois, Mirbeau n’est connu au public polonais qu’en tant que prosateur et dramaturge, son activité critique, journalistique et politique demeurant presque totalement ignorée.

Au cours de la première période, il convient de souligner l’ouverture de la Pologne aux cultures étrangères, en particulier à la culture française. Sans être représenté aussi largement qu’Émile Zola, Paul Bourget ou Anatole France, Mirbeau a une place bien déterminée dans la presse polonaise à orientation artistique et libérale. Son nom n’apparaît toutefois jamais dans des revues conservatrices, catholiques, et destinées à un public aux goûts littéraires peu sûrs. Il figure aussi dans les encyclopédies du début du siècle. Enfin, les traductions de ses œuvres (dans la presse ou en volume) se multiplient à partir des années 1880.

Les articles et études consacrés à Mirbeau paraissent avant tout dans la première décennie du XXe siècle. Si plusieurs critiques s’obstinent de l’attacher au naturalisme – tendance qu’on rencontre aussi bien dans la France de l’époque –, d’autres font preuve d’une analyse plus profonde en évoquant ses talents satiriques et sa verve polémique. L’un d’eux, J. Oksza, situe Mirbeau dans la droite lignée de Boccace et Lesage et l’appelle « l’esprit le plus dynamique, le plus perspicace, le plus révolutionnaire parmi les Français contemporains […] Méphistophélès, journaliste et poète », tout en soulignant la grande sensibilité de l’écrivain pour la douleur humaine et son mépris fervent pour la médiocrité et la malhonnêteté. Un autre critique, Leo Belmont, compare la psychologie de Mirbeau à celle de Dostoïevski, une psychologie du fond de l’âme, « là où naissent les démons ». En même temps Mirbeau est pour lui proche de Strindberg (avec sa misogynie), de Dante, ou du Flaubert de la Vision de saint Antoine. Notons encore l’importante étude de Jan Lorentowicz (qui avait vécu plus de dix ans à Paris et collaboré au Mercure de France), intitulée Nowa Francja Literacka (La Nouvelle France littéraire) où il réserve à Octave Mirbeau près de 70 pages consacrées non seulement à l’analyse de ses romans et pièces de théâtre, mais aussi – chose rare dans les sources polonaises – à son activité journalistique (Wydawnictwo Wł. Okręta, Warszawa 1911, pp. 148-210). C’est la première analyse sérieuse de l’œuvre mirbellienne, qui devance non seulement celles en d’autres langues étrangères, mais même les études en langue française, de Marc Elder et de Paul Desanges !

C’est également au cours de la première période que théâtres polonais jouent les pièces de Mirbeau, Les affaires sont les affaires, Le Foyer et quelques-unes de ses Farces et Moralités. La critique polonaise n’est pas enthousiaste envers les pièces elles-mêmes, mais elle commente favorablement les rôles tenus par les grands acteurs de l’époque, ce qui permet de mesurer l’importance de ces représentations. Notons aussi l’intervention de la censure autrichienne dans Les affaires…, à propos des opinions sur l’Église qui y sont étalées.

Au sortir de la guerre, le silence autour de Mirbeau se fait presque complet, en dehors de quelques rééditions de ses œuvres traduites au début du siècle. Cependant, il ne faudrait pas trop s’étonner si l’on prend en considération un mutisme à peu près complet qui enveloppe Mirbeau en France à la même époque. Il reste à noter que, pendant cette période, ses pièces sont tout de même jouées, comme en témoigne le répertoire d’un théâtre juif de Vilnius qui, entre les années 1917-1935, a représenté Scrupules (titre polonais : Zlodziej, “le Voleur”, date exacte non précisée).



Un certain changement s’opère après la deuxième guerre mondiale. En 1957, Les affaires sont les affaires est représenté au théâtre Jaracza de Łódź, sans cependant susciter de commentaires favorables ; Les Mauvais bergers et Les Affaires… trouvent un mention succincte dans les matériaux pour les écoles supérieures, Le théâtre des pays de l’Europe occidentale, publiés en 1955 ; en 1959, Julian Rogoziński, critique et traducteur, cite Mirbeau parmi les écrivains injustement oubliés. Un an plus tard, voit le jour la traduction de Sébastien Roch, dotée d’une postface intéressante, et en 1977 est publiée une nouvelle traduction du Journal d’une femme de chambre, également accompagnée d’une étude approfondie de Joanna Żurowska (Dziennik panny służącej, Czytelnik, Warszawa 1977).

On aurait tort d’attribuer ce regain d’attention (d’ailleurs, tout relatif) à la situation politique de la Pologne. L’époque du stalinisme se termine définitivement en 1956, et, mis à part les écrits ouvertement contestataires, la censure ne se mêle plus de la publication des œuvres littéraires. Les motifs de la publication des œuvres de Mirbeau sont donc purement esthétiques. Les préfaces en témoignent d’ailleurs d’une manière évidente (ainsi le Journal… est publié dans la série « Fin de siècle », censée présenter les œuvres intéressantes de la littérature mondiale des années 1890/1910.

Plus près de nous, parallèlement à sa renaissance en France, on peut observer en Pologne l’intérêt croissant pour l’art de Mirbeau. En 1992, on réédite Le Jardin des supplices ; en 2000, l’actrice Joanna Żółkowska crée un monodrame Le Journal d’une femme de chambre, qui sera ensuite joué, sans interruption jusqu’à l’heure présente, dans toute la Pologne. Pendant les années 2000, apparaissent les traductions d’Amants de Vieux ménages, par Katarzyna Skawina, et celle de L‘Épidémie , par Joanna Raźny.

L’art d’Octave Mirbeau devient aussi objet d’analyses scientifiques : entre autres, articles de Joanna Ekiert-Zastawny, Joanna Gniady, Tomasz Kaczmarek, Mariusz Gołąb, Anita Staroń, thèse de doctorat d’Anita Staroń L’Art romanesque d’Octave Mirbeau. Thèmes et techniques (Université de Łódź, 2003). Enfin, on reconnaît son rôle d’inquiéteur social ; les anarchistes polonais citent ses textes, avant tout La Grève des électeurs. Une curiosité : Mirbeau apparaît dans un roman autobiographique de Jan Brzechwa, Gdy owoc dojrzewa (1958), en tant que correspondant d’une dame russe engagée dans la cause révolutionnaire en Russie au début du siècle.

La réception de Mirbeau en Pologne concerne, comme on l’a dit, essentiellement le Mirbeau romancier et dramaturge. On lui voue des sentiments très positifs, on loue son art et on comprend sa lutte, ou bien on lui refuse le moindre talent artistique et on le classe dans la « littérature industrielle ». Mais rarement on reste tiède envers sa création – preuve suprême que c’est aussi en Pologne qu’il avait accompli sa tâche de tourmenteur.

 

Mirbeau traduit en polonais :

Parutions en volume

1888, La Chambre close (Pokój bez wyjścia), Bibl. Dwutygodnika Świat, Kraków.

1902, Un fou (Waryat), trad. J. Lorentowicz, “Biblioteka Dzieł Wyborowych”,  n° 216.

1906, L’Interview (Wywiad), Teatr amatorski nr 80, Gebethner i Wolff, Kraków ; L’Abbé Jules (Ksiądz Juliusz), W. Podwiński, Kraków.

1909, Le Jardin des supplices (Ogród udręczeń), Księgarnia Centnerszwera, Warszawa (seulement la deuxième partie du roman est traduite) : cette traduction a connu au moins deux rééditions, en 1922, Księgarnia Pomorska, Tczew, et en 1992, Wydawnictwa ALFA, Warszawa ; Le Journal d’une femme de chambre (Pamiętnik panny służącej, Księgarnia Jana Fiszera, Warszawa, réédition en 1923) – traduction décevante de H. Orlicz-Garlikowska, dont la propre création littéraire est la cible préférée des critiques polonais. Les infidélités de traduction sont telles qu’elles ont pu influencer la réception du livre en Pologne, surtout au niveau de la cohérence psychologique du personnage principal

1910, Les 21 jours d’un neurasthénique (Kartki z notatnika nerwowca), tygodnik Odrodzenie, Warszawa, traduction de J.Huzarski correcte, mais plusieurs chapîtres sont omis ou réduits à quelques phrases ; même année, nouvelle traduction des 21 jours d’un neurasthénique (Życie neurastenika), sans nom de traducteur et inférieure à la version précédente, sans compter les omissions encore plus impardonnables (rééditions Wydawnictwo LUX, Warszawa 1923 ; Wydawnictwo LUX, Warszawa 1924 ; BPiR, Warszawa 1930).

1919, Le Portefeuille (Der Tayster), farce traduite en yiddish et publiée en brochure avant d’être recueillie, en 1920, dans un volume de dix pièces en un acte traduites en yiddish, Di Eyropeishe bine zamlung fun di beste eynakters (trad. Z. Zylbercweig, Varsovie, Farlag Yidish). 

1960, Sébastien Roch (Sebastian), Państwowy Instytut Wydawniczy, Warszawa, trad. K. Byczewska.

1977, nouvelle version du Journal d’une femme de chambre (Dziennik panny służącej), Czytelnik, Warszawa, traduction de M. Zenowicz, cette fois-ci rendant toutes les grâces de l’original.

Parutions dans la presse (fragments de romans ou contes)

1891, Esthétique théâtrale (Estetyka teatralna,) Echo muzyczne, teatralne i artystyczne n° 426.

1898, La Fée Dum-dum (Dum-Dum), Przegląd Tygodniowy nº 15, Nouvelles électorales (Przed wyborami), Przegląd Tygodniowy nº 19 ; et Chez l’illustre écrivain (U naszego znakomitego pisarza), Przegląd Tygodniowy nº 39 et Echo Literackie nº ?

1900, Scrupules (Skrupuły et Wizyta), Prawda nº 3

1901, Au pied d’un hêtre (Pod bukiem), Gazeta Powszechna nº 4 ; Le Mur (Ojciec Rivoli), Nowa Reforma nº 252

1902, Un baptême (Chrzciny) Naprzód nº 161, Le Duel (Pojedynek), Gazeta Świąteczna, nº 15, Dépopulation (Podatek na bezdzietnych), Naprzód nº ??, Scrupules (Wizyta - une nouvelle fois), Głos nº 38

1905, Ils étaient tous fous… (Obłąkani), Wędrowiec nº 28.

1908, Le Portefeuille (Włóczęga - Un gueux), Wiedza nº 4, et Przemysłowiec (Un industriel), fragment de La 628-E8, Wiedza nº 16.

1909, un extrait du chapitre XIX des 21 jours d’un neurasthénique, qui avait d’abord paru dans Le Journal comme Une lettre (intitulé pour les besoins du journal polonais Szaleniec (Un fou), Wolne Słowo nº 46 et 47.

1910 Waryat, qui avait déjà paru en volume en 1902, trad. J. Lorentowicz, Nowa Gazeta nº 203.

Pièces de théâtre

 1904, Les affaires sont les affaires (Interes przede wszystkim ou Interes interesem), joué à Varsovie, à Cracovie et à Lvov ; Scrupules (titre polonais Złodziej - « Le Voleur »), joué à Varsovie, à Cracovie et à Lvov.

1905, L’Épidémie (Epidemia), Lvov

1907, Interview (Wywiad), Varsovie

1908 - autour de cette date, Le Portefeuille (Pugilares) et un mystérieux Oktawiusz, joué à Varsovie, dont le correspondant français reste à découvrir

1910, Le Foyer (Ognisko), Varsovie.

Entre 1917-1935, Scrupules (Złodziej), Vilnius

1957, Les affaires sont les affaires, Łódź

2000, Le Journal d‘une femme de chambre (Dziennik panny służącej), monodrame joué à Częstochowa et dans plusieurs autres villes polonaises encore à l’heure présente (2009).

2006 environ : Amants et Vieux ménages (Kochankowie i Stare małżeństwo), selon certaines informations représenté au théâtre Scena Prezentacje de Varsovie.

2009, L‘Épidémie ,(Epidemia), par Joanna Raźny. 

A. St.

 

Bibliographie : Anita Staroń, « Réception d’Octave Mirbeau en Pologne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, p. 404-417. 

 

 

 


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