Familles, amis et connaissances

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Terme
ROPS, félicien

ROPS, Félicien (1833-1898), graveur et peintre d’origine belge, exerça tout d’abord sa plume et son crayon satyriques dans des revues comme L’Uylenspiegel, qu’il fonda avec Charles De Coster en 1856, et fut reconnu comme le Gavarni ou le Daumier belges. En 1864, la rencontre avec l’éditeur français exilé, Auguste Poulet-Masassis, décida de sa carrière : créant pour lui plus de trente frontispices à l’eau-forte et entrant dans l’intimité de Baudelaire pour lequel il illustra Les Épaves (1866), Rops construisit désormais son œuvre dans un rapport étroit avec la littérature. Ses œuvres graphiques, comme La Pornocratès (1878), La Tentation de Saint Antoine (1878), le cycle de La Dame au patin (1873-1885) ou la série des Cent légers croquis (1881) ont eu une large retentissement et ont été perçues comme la peinture des obsessions physiques et morales de la modernité.  Le sommet de sa carrière se situe dans les années 1880, lorsque, installé à Paris depuis une dizaine d’années, il grave la grande série des Sataniques (1882), illustre Les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly (1886) et réalise les frontispices d’œuvres de Verlaine, Mallarmé, Péladan, Villiers de l’Isle-Adam. Son inspiration satanique et érotique et sa virtuosité d’aquafortiste destinent son œuvre à un cercle d’initiés. Cependant, il souffre de la réputation sulfureuse dont il est auréolé, sans doute sous l’influence de critiques et écrivains comme Huysmans et Péladan. C’est donc un artiste à la fois au sommet de son art et en crise que Mirbeau rencontre, durant l’été 1885, dans l’atelier de Rodin.

L’influence de Félicien Rops sur Mirbeau fut décisive mais brève, comme en témoigne la correspondance qui s’étend de septembre 1885 à janvier 1887. Ce dialogue épistolaire, dont se détache une dizaine de lettres d’une particulière densité, doit se lire moins comme un échange intime que comme un mode de construction d’identités réciproque.  Mirbeau a sans doute recherché en Rops la protection d’un artiste et illustrateur reconnu, au moment où il publie Les Lettres de ma chaumière dans La France (15 juillet 1885-21 octobre 1885) et prépare son premier roman, Le Calvaire (1886). De son côté, Rops est flatté de l’admiration que lui témoigne Mirbeau et de l’influence qu’il exercera sur lui. Rops ne modifia pas profondément les conceptions esthétiques de Mirbeau, mais il lui fournit une formulation particulièrement saisissante, grâce à la plume exceptionnelle qui était la sienne.

Mirbeau souhaitait inaugurer avec Rops « un livre sur les artistes de ce temps » : « Vous ouvrez la série, et je vous mets au-dessus de tous, dans mon livre, comme vous êtes au-dessus de tous dans mon esprit » (lettre de Mirbeau à Rops, 16 octobre 1885). Cet ouvrage ne vit pas le jour, mais Mirbeau publia un article sur Rops dans Le Matin le 19 février 1886, où il décrit un art qui porte sur les corps modernes un regard d’anatomiste et, au-delà des corps, donne de l’âme contemporaine une vision implacable. Dans cet article et dans d’autres, Mirbeau n’hésite pas à reprendre ou à reformuler les propres textes de Rops, lettres ou comptes rendus de salons : « J’ai détaché de votre article les plus beaux passages pour les mettre en relief » (lettre de Mirbeau à Rops, 18 janvier 1886). Enfin, c’est dans la fiction elle-même que Rops a laissé la trace de son œuvre et de sa plume. Des extraits entiers de lettres du graveur ont été reformulés, parfois restitués tels quels, dans Le Calvaire. Le peintre Lirat emprunte à Rops de nombreux traits, et notamment la relation que l’artiste entretient avec une Nature consolatrice et inspiratrice. Rops est sans nul doute reconnaissant à Mirbeau d’avoir mis en valeur cet aspect souvent occulté de son art et de l’avoir « deviné : « Je suis plus un coureur de venelles que de ruelles » (lettre de Rops à Mirbeau, 11 octobre 1885).

On ignore pour quelle raison la relation entre Mirbeau et Rops cessa au début de l’année 1887. Est-ce à cause d’Alice Regnault ? Est-ce à cause de la préférence de plus en plus grande que Mirbeau accorde à Rodin, alors que Rops accusait le sculpteur d’imiter ses accouplements et les audaces de ses œuvres érotiques ? De fait, c’est Rodin qui, désormais, synthétisera pour Mirbeau les maladies morales et physiologiques du monde moderne.

H. V.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Félicien Rops », Le Matin, 19 février 1886 (et Art moderne, 28 mars 1886) ; Octave Mirbeau, « Félicien Rops », La Plume, 15 juin 1896 ; Hélène Védrine, « Octave Mirbeau et Félicien Rops : l'influence d'un peintre de la vie moderne », Cahiers Octave Mirbeau,  n° 4, 1997, pp. 124-140 ; Hélène Védrine, « Correspondance Octave Mirbeau - Félicien Rops, 1885-1887 », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998, pp. 180-205 ; Hélène Védrine, De l’encre dans l’acide, L’œuvre gravé de Félicien Rops et la littérature de la Décadence, Paris, Champion, 2002.

 


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