Pays et villes

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TRIEL-SUR-SEINE

C’est à la fin de l’année 1909 qu’Octave Mirbeau s’installe avec son épouse à Triel-sur-Seine, petite commune de Seine-et-Oise (aujourd’hui des Yvelines), qui comptait à l’époque 3 000 habitants. (11 000 aujourd’hui). Située principalement sur la rive droite de la Seine, à 30 km à l’ouest de Paris, entre Poissy et Meulan, Triel est à quelques kilomètres de Médan où se trouve la célèbre demeure d’Émile Zola. Contemplé de la rive gauche de la Seine, le site offre une vue magnifique avec ses demeures bourgeoises en meulière, son église des XIIe et XVIe siècles de style gothique flamboyant et la verdoyante forêt de l’Hautil qui coiffe ce paysage ayant inspiré les peintres Dunoyer de Segonzac, Loiseau, Marquet… À l’ouest de la commune s’étend une vaste plaine qu’exploitaient, jusqu’à la fin des années 1970, des petits agriculteurs en cultures maraîchères et arboricoles très variées : poiriers, cerisiers, pruniers, abricotiers côtoyaient artichauts, petits pois, haricots verts… La plaine est limitrophe de Carrières-sous-Poissy où résida Mirbeau de 1893 à 1898.

C’est en fait au lieu-dit de Cheverchemont, sur les hauteurs de Triel, à mi-chemin entre Triel-Bourg et le hameau de l’Hautil, que Mirbeau fit construire une jolie villa au milieu d’un parc planté de peupliers. On peut penser que Mirbeau avait été inspiré par Zola pour le choix de ce lieu, car, à 300 mètres de sa demeure, se situe la villa « Les Framboisiers » que Zola avait louée de 1892 à 1895 pour y loger sa maîtresse Jeanne Rozerot et leurs enfants.

L’écrivain franco-égyptien Albert Adès (1893-1921), ami fidèle et intime d’Octave Mirbeau et lui-même Triellois, avait écrit dans un article intitulé « La dernière physionomie d’Octave Mirbeau »

 publié dans « La Grande Revue » de mars 1917 : « La maison qu’il s’était fait construire à Cheverchemont révélait bien sa recherche de lumière. Au milieu d’un jardin plein de roses et bordé de peupliers, c’est la maison la plus claire du pays.

            — Regardez comme c’est beau, disait le Maître en indiquant de la main la vallée et les iles de la Seine, Triel et son église, le cimetière dont on découvrait les tombes, au loin Vernouillet et les quatre rangées de collines vertes, dont les dernières s’effaçaient dans le bleu du ciel. […]

Lorsqu’il commençait à faire frais, nous entrions dans la maison. Elle était une émanation de lui-même. Tout y avait été choisi minutieusement et minutieusement contrôlé dans la suite. Ce qui ne lui plaisait plus était mis au grenier. Il préférait un mur vide au mur orné d’une œuvre dont il ne tirait plus une jouissance d’art particulière.

Le sentiment était étrange qui vous saisissait à voir toutes ces toiles : les Cézanne, les Monet, les Van Gogh, les Pissarro, les Renoir, les Marquet, et ces sculptures : les Rodin, les Maillol – parmi les meubles de ces chambres claires-immobiles dans leur sérénité d’immortels chefs-d’œuvres, reconnus comme tels par toute une génération d’hommes. Car on savait que ces merveilles étaient entrées dans la maison d’Octave Mirbeau, ignorées du public, méprisées de l’élite. […] Il avait donc la gloire, une maison claire, un jardin plein de roses, un potager plein de légumes, des murs et des meubles couverts d’objets qu’il admirait.  »

Durant ses dernières années à Triel, les ennuis de santé de Mirbeau se sont aggravés et il dut faire appel à la collaboration de Léon Werth, qu’il hébergea dans sa propriété de Cheverchemont en juin et juillet 1912, pour achever Dingo.

A sa mort, Alice Mirbeau fit don posthume de la propriété de Cheverchemont à la Société des Gens de lettres pour y fonder une maison de repos réservée aux écrivains peu fortunés. Sur des photos de l’époque, on peut d’ailleurs lire sur le portail de la propriété « Fondation Mirbeau ». Mais la Société des Gens de Lettres n’a pas tenu sa parole et la demeure de Cheverchemont a été revendue en 1941 à un approvisionneur triellois dont les héritiers en sont encore aujourd’hui les propriétaires.

Durant la dernière guerre mondiale, la maison fut occupée par les SS et, dans les années 70-80, elle fut louée par la famille de l’ingénieur général Pierre Soufflet, qui est à l’origine du lancement du premier satellite français par la fusée Diamant, l’ancêtre d’Ariane.

À Triel-sur-Seine une rue porte le nom d’Octave Mirbeau … N’essayez pas de l’emprunter en automobile par son accès rue de l’Hautil, car elle commence par un escalier escarpé d’une centaine de mètres, se poursuit en chemin, puis se transforme en allée très pentue, pour déboucher sur une étroite voie où l’on peut distinguer, au n° 21, à travers la végétation dense et sauvage, la propriété Mirbeau. La rue Octave Mirbeau traverse ensuite la rue du Général Leclerc, pour se poursuivre en chemin grossièrement goudronné et déboucher sur un chemin forestier qui s’enfonce dans les bois de l’Hautil.

À noter également que, depuis 1996, l’ancien gymnase de Triel transformé en un charmant petit théâtre de 160 places, a été baptisé Théâtre Octave Mirbeau.

P. P.

           

 

 

           

 


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