Pays et villes

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Terme
MACEDOINE

Le macédonien est une langue slave, qui s’écrit en caractères cyrilliques et qui est parlée dans la toute nouvelle république de Macédoine et dans quelques localités des États voisins (Albanie, Serbie, Bulgarie et Grèce). Différente du serbo-croate, elle est plus proche du bulgare.

Il a fallu attendre 2009 pour qu’apparaissent, presque simultanément, chez deux éditeurs différents, deux traductions de romans de Mirbeau en macédonien. D’une part Le Jardin des supplices  (Градина на мачењето), traduit par Stefan Simonovski et paru à Skopje aux éditions Templum, dans la collection Magma, n° 74, avec une couverture très kitsch (253 pages). D’autre part, Le Journal d’une femme de chambre (Дневникот на една собарка), traduit par Elisabeta Trpkova et publié par un autre éditeur de Skopje, Кoultoura, dans la collection Jiva kniga книга (474 pages) ; sur la couverture, figure une photo de Mirbeau empruntée à Wikipedia.

P. M

MADAGASCAR

C’est en 1896 que l’armée française envahit l’île de Madagascar, qui était alors une monarchie Mérina. Il n’y eut pratiquement pas de combats, et donc très peu de pertes du côté français, mais, dans les mois qui ont suivi la conquête, la dysenterie et les maladies tropicales se chargèrent de faire quelque six mille morts parmi les troupes d’occupation. L’île passa pendant huit ans sous le gouvernorat du général Gallieni, qui instaura le travail forcé des indigènes, exécuta deux ministres, exila la reine, et, face à la résistance des « indigènes », « pacifia » le pays au prix d’au moins cent mille morts (certains parlent même de 700 000).

Conformément à ses solides convictions humanistes et anticolonialistes, Mirbeau dénonça aussitôt les crimes commis au nom de la si mal nommée République. Dans « Paysage parlementaire » (Le Journal, 11 novembre 1896), il ironisait déjà sur le compte des députés qui se prétendaient républicains et « modérés » et qui n’en applaudissaient pas moins les communiqués de victoire de Gallieni, annonçant « laconiquement » qu’il venait de faire fusiller un prince, un ministre et quelques autres personnalités malgaches « et que cela continuerait de la sorte, joyeusement, jusqu’à l’extinction complète de cette race antipatriotique qui empêche messieurs les militaires de coloniser en rond ». Et Mirbeau d’ajouter : « Pour exciter la modération des républicains et le républicanisme des modérés, rien ne vaut comme une bonne fusillade. Cela met tout le monde en bonne humeur. »  Deux ans plus tard, à l’occasion d’un meeting dreyfusiste à Corbeil, le 15 janvier 1899, il évoquera de nouveau les atrocités commises par les officiers français à Madagascar.          

Voir aussi les notices Afrique, Colonialisme et Anticolonialisme.

P. M.


MANDCHOURIE

En 1904, alors que Mirbeau collabore à le toute nouvelle Humanité de Jaurès, la Mandchourie est, et va rester pendant dix-huit mois, le théâtre de l’atroce guerre russo-japonaise, qui voit s’affronter, sur le sol chinois également convoité, deux puissances impérialistes. Mirbeau voit dans cette guerre la préfiguration des monstrueuses guerres de l’avenir, et il stigmatise l’indifférence des nations européennes, hypocritement camouflées derrière le principe de non-ingérence.

La présence de reporters occidentaux devrait en principe permettre au public d’être tenu au courant des péripéties de la guerre, mais, d’après Mirbeau, les journalistes français, mal vus des belligérants et très loin du front, ne rapportent que la version officielle des Russes et participent à une grave campagne de désinformation : « Voilà pourquoi, à supposer qu’il existe, le Japon n’a ni armée, ni flotte, ni argent, ni approvisionnement, ni munitions... Voilà pourquoi les Japonais, pauvres petits diables de rien du tout, hâves, faméliques, épuisés, décimés par la peste et le typhus, n’ont encore débarqué nulle part, ne débarqueront jamais nulle part, et que, s’ils avaient l’audace dérisoire de débarquer quelque part, n’importe où, trois joyeux cosaques se chargeraient, en riant, de les rejeter à la mer, bons et chers cosaques du Don et de l’Amour !... Voilà pourquoi, ô magie de l’alliance ! bien loin que les obus japonais endommagent les forts qu’ils bombardent et les vaisseaux qu’ils coulent, ils ont cette vertu providentielle et comique de les consolider, de les multiplier... » (« Un sport malade », L’Auto, 25 mars 1904).

Il va donc, pour sa part, s’employer à inverser la tendance en fournissant à ses lecteurs des informations qu’ils ne trouveront pas dans la grande presse, porteuse de la pensée unique et par trop favorable à l’alliance franco-russe qu’il n’a cessé de dénoncer comme contre-nature. Dans « Le Chancre de l’Europe » (L'Humanité, 28 août 1904), il cède la parole à un officier de marine français, qui reconnaît n’avoir rien d’un enfant de cœur et être plutôt du genre « brigand », et qui n’en a pas moins été épouvanté par ce qu’il a vu en Mandchourie, malgré sa cuirasse de dur à cuire : « Il s’est passé là-bas des faits si monstrueux, de telles boucheries humaines, que nous avons peine à en concevoir l’horreur. » « Il y a des bornes à l’horreur, et cette guerre les dépasse », ajoute-t-il, en précisant que cette « guerre imbécile et criminelle », « seuls les Russes l’ont voulue, l’ont déchaînée », même si ce sont les Japonais qui ont ouvert les hostilités. De la bouche d’un autre officier, un capitaine polonais de l’armée russe, Mirbeau recueille, « sur cette guerre honteuse et si atrocement inutile », des récits qui, selon lui, « donnent le vertige, des récits tels que l’imagination la plus frénétique ne saurait concevoir rien de pareil, même dans le domaine du cauchemar ». Pour le premier numéro de l’éphémère revue de Francis Jourdain, La Rue, il en a choisi un, particulièrement épouvantable, où l’on voit deux cents soldats, blessés et sanguinolents, qui, rendus fous par la guerre et le froid glacial,  gesticulent, vociférent et dansent tout nus, par « un froid de vingt-cinq degrés, qui exfoliait la peau et charriait des glaçons dans les veines » (« Ils étaient tous fous... », hiver 1905).

P. M.

 

 

 

 


MARLOTTE

Village de Seine-et-Marne, situé à 75 km de Paris, au sud de la forêt de Fontainebleau, où ont séjourné, au XIXe siècle, de nombreux écrivains (Alfred de Musset, George Sand, Mürger, Élémir Bourges) et qui a surtout été rendu célèbre par les peintres de plein air qui s’y sont installés un temps. Daubigny y a séjourné dès 1856, Claude Monet, Alfred Sisley, Camille Pissarro et Auguste Renoir, ont suivi son exemple, ainsi que, plus tard, Louis Anquetin.

C’est de Marlotte que, le 16 juillet 1884, Mirbeau est parti pour une randonnée de cinq jours qui l’a conduit à Bourbon-l’Archambault et qu’il évoque, quelques jours plus tard, dans deux articles du Gaulois, « Sac au dos » : « Comme ce joli village, si cher aux peintres, est changé maintenant ! Seuls les artistes sérieux et rangés sont restés, car ils ont, là, maison et famille. Les autres ont fui. [...] Aujourd’hui, le soir, plus de bruit, plus de chansons, plus de farces, plus de ces charges dites d’atelier, plus de ces parties joyeuses... »

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Sac au dos, L’Échoppe, 1991.


MENTON

Mirbeau a fait plusieurs séjours à Menton, dont il appréciait vivement le climat doux, l’hiver, et l’environnement naturel. Arrivé à Menton début novembre 1888, il ne tarde pas à louer une maison fort à son goût, la Casa Carola, où il demeurera jusqu’à la fin mai 1889. C’est une villa située de l’autre côté du pont Saint-Louis, aujourd’hui italien, si l’on en croit le service du patrimoine de Menton, dont la directrice, Josiane Tricotti, précise qu’elle est connue sous le nom de villa Voronoff, d’après le nom d’un ancien propriétaire. À l’époque, elle appartenait  à un certain Andrews, auteur d’un dictionnaire du dialecte mentonnais, que Mirbeau décrit comme un « charmant homme, américain, ancien tireur aux pigeons, ancien joueur, ancien fêtard, et qui fait les choses comme un homme à qui l’argent ne coûte guères ».

            Mirbeau décrit ainsi la Casa Carola dans une lettre à Paul Hervieu : « C’est dans la montagne, près du pont St-Louis, à deux pas de Crispi,  une petit maison rose avec ses quatre terrasses étagées et garnies de roses, de pourpiers, de jasmins et d’héliotropes, tout cela fleuri et plein de parfums. En face la mer. À gauche la mer et les rochers rouges de Grimaldi ; à droite la mer, Menton, le Cap Martin ; et plus loin la Tête de chien, et plus loin encore les découpures de l’Estérel : une admirable féerie, illuminée du plus beau soleil. »

Dans « Un joueur » (Le Figaro, 27 janvier 1889), Mirbeau évoque le quartier de Garavan où il habite, et qui « se peuple de jolies maisons » aux « façades blanches ou roses » et aux « toits de tuile rouge ». Et il y décrit, en impressionniste, l’inoubliable spectacle qu’on y a des hauteurs : « À gauche les rochers rouges de Grimaldi, blocs carrés, énormes murailles qui baignent dans la mer les mouvants reflets de leurs coulées sanglantes et de leurs écorchures de laque vive. Un pignon rose, en plein ciel, à pic sur le gouffre bleu, les domine : la douane italienne. Et l’œil sent, avec appréhension, avec terreur, les petits caps, les criques d’azur, les coteaux violets et pulvérulents, le long desquels serpente la route du mystère. [...] À droite, c’est le vieux Menton, avec ses escalades rapides de maisons tassées l’une sur l’autre, étrange et vivant grouillement de taches claires et de taches d’ombre, d’angles de soleil et de clochers bleus qui se décomposent sur le fond de velours opalin des montagnes. [...] Au-delà de la vieille ville, séparé d’elle par une  large nappe d’eau brillante, le Cap Martin s’avance, fendant la mer de sa masse sombre qui s’amincit comme l’étrave d’un gigantesque navire. Puis la Tête de chien, accroupie dans le ciel, pareille à un formidable sphinx, la face tournée vers l’infini, étend son ombre sur Monte-Carlo, invisible, qui fume à sa base... »

En avril 1889, Mirbeau annonce à Paul Hervieu « une triste nouvelle » : « Le Cap Martin va être démoli. Il est venu un Anglais qui a trouvé ce vieux promontoire admirable, si admirable qu'il va le raser de la base au sommet. Il explique ses projets dans une lettre adressée à L'Avenir de Menton : “Plus de ces antiques oliviers ! s'écrie-t-il, plus de ces pins mal venus et vétustes qui  déshonorent ce cap !... Place à l'horticulture moderne !” Nous aurons des hôtels, et des villas, des pelouses avec des corbeilles de fleurs où des noms seront inscrits, des statues mythologiques, et des volières ! Il insiste sur les volières ! Tout le monde connaît  ça ! c'est vivant ! Il rêve de la teindre de couleurs inconnues et casinotiques ; il voudrait aussi repeindre le ciel, dont la vulgarité l'écœure ; enfin, les Mentonnais sont dans la joie : “Ce n'est pas trop tôt, disent-ils, qu'on nous débarrasse de cette saleté-là !... Enfin, on va donc les foutre à bas, ces oliviers !” D'ailleurs ils n'avaient pas attendu la venue de l'Anglais pour cela. Partout, ils abattent ces vieux géants, et plantent de la vigne. Dans dix ans, l'olivier sera l'arbre le plus inconnu de la flore méditerranéenne. » Dans un article ironiquement intitulé « Embellissements » (Le Figaro, 28 avril 1889),  Mirbeau déplore le projet de massacre écologique perpétré par cet Anglais qui veut « raser, niveler, peigner et encasinoter » le Cap Martin : « C'est un sentiment très humain, et les choses ne nous paraissent belles, elles n'ont de prix pour nous qu'autant que nous pouvons les mieux détruire. Le premier besoin de l'homme, c'est la destruction. »

Mirbeau est retourné à Menton, fin mars 1890, après avoir mis la dernière main à Sébastien Roch. Mais cette fois il réside dans un hôtel de luxe situé sur le bord de mer, dans le quartier Garavan, l’Hôtel des Anglais, aujourd’hui détruit, qui appartenait alors à la famille Arbogast. La fille de ses hôtes, Yvonne Arbogast, sera une grande admiratrice de l’écrivain, qu’elle n’aura pourtant fait qu’entr’apercevoir lors de sa prime enfance (sur cette dame, voir l’article de Bernard Garreau dans les Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004, pp. 245-262). C’est là que l’écrivain séjournera lors de ses  quelques passages à Menton au cours des années suivantes, notamment en février 1904.

P. M.


MURCIE

Grande et vieille ville espagnole, capitale administrative de la province de Murcie, voisine de l’Andalousie, au sud-est du pays. Elle est située à proximité de la Méditerranée, dans la très riche et très fertile plaine de la Segura, malheureusement sujette aux inondations. Peuplée aujourd’hui de 430 000 habitants, elle en comptait 98 000 en 1887.

Mirbeau y a séjourné quelques jours en décembre 1879, quand il y a été envoyé comme reporter par le patron du Gaulois, Arthur Meyer, à la suite d’inondations catastrophiques qui, le 15 octobre précédent, avaient ravagé toute la huerta et causé la mort de quelque huit cents personnes. Ses reportages ont paru dans Le Gaulois les 6, 8 et 9 décembre : « Le coup d’œil est effroyable. Plus un arbre debout, plus de ponts sur la rivière. La terre est détrempée à un mètre de profondeur. La contrée a été comme dissoute et remaniée par le fléau. [...] On dirait qu’un grand combat s’est livré entre les éléments et que la terre a été vaincue. Partout des maisons renversées, des amas de ruines, des spectacles de destruction. » À peine arrivé, il a rendu visite au gouverneur de la ville, puis au directeur du télégraphe, et, avec leur aide, a pu visiter toute la région et constater les dévastations et l’énorme effort de reconstruction entamé, mais pour l’heure « sans aucune garantie de solidité ». À l’en croire, il aurait reçu partout  un « accueil sympathique et affectueux » et la population se serait montrée très reconnaissante pour la solidarité manifestée par la presse française. En effet, une fête de charité, organisée au bénéfice des sinistrés de Murcie, à l’initiative d’Arthur Meyer, et qui n’aura lieu que le 18 décembre suivant, rapportera plus de 600 000 francs, et un journal éphémère, Paris-Murcie, sera diffusé à 130 000 exemplaires à cette occasion. Mirbeau se souviendra de cette fête de charité ostentatoire dans L’Écuyère (1882).

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance générale, L’Age d’Homme, Lausanne, tome I, 2003, pp. 249-257 ; Jean-François Nivet, « Murcie (un voyage en Espagne, 1979) », Les Carnets de l’exotisme, n° 12, juillet-décembre 1993, Le Torii éditions, pp. 53-60.

 


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