Pays et villes
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DANEMARK |
Bien que Mirbeau se soit dit parfois descendant lointain des Vikings débarqués du Jutland dans sa Normandie natale, terre des hommes du Nord, sa présence au Danemark est des plus modestes. On ne trouve pas trace, par exemple, de traductions du Jardin des supplices (Pinslernes have), ni du Journal d’une femme de chambre (En Kammerpiges Dagbog) ! Et si Les affaires sont les affaires (Forretning er forretning) a bien été joué à Copenhague, au Théâtre Royal, en 1904, aucune traduction n’en a été publiée. Quant aux Mauvais bergers, un certain Wildentath de Krabbe a bien écrit au dramaturge, en janvier 1898, pour lui proposer de traduire sa pièce en danois, mais il ne semble pas que le projet ait abouti et qu’elle ait été publiée. Le bilan est donc maigre. Mais il n’est pas nul. En effet, deux romans ont tout de même vu le jour en danois : Le Calvaire, traduit par Valdemar Andersen, a paru en 1912 à Copenhague, sous le titre de Vejen til Golgofa [“le chemin du Golgofa”], aux éditions Martins Forlag, dans la collection « Martins Standard Udg », n° 31 (256 pages) ; et L’Abbé Jules, Abbed Julius, a été publié en 1919, à Copenhague également, chez Kria, dans la collection « Martins standard kronebind », n° 126, dans une traduction de P. Grove (312 pages). Ajoutons la préface de Marie-Claire, traduite en 1911 par Marie Bang. Rien depuis cette époque lointaine ! Seuls deux contes de Mirbeau ont été insérés dans des recueils : « L’Étrange relique », traduit « Den kostbare relikvie » [“la précieuse relique”], a été publié en 1957 dans: Erotisk antologi [“anthologie érotique”, de Sade à Henry Miller], avec une préface de Poul Henningsen, ; et « Le Numéro 24 », en 1993, dans un recueil de textes français choisis par Hanne Ellebaek, recueil intitulé Innocence. Des contes et chroniques ont très probablement paru également dans la presse, surtout du vivant de Mirbeau, mais le travail de recension reste à effectuer. Le bilan n’est guère plus impressionnant du côté de la critique. Le grand critique Georg Brandes parle bien de Mirbeau, qu’il a connu à Paris, dans son Napoleon og Garibaldi – Medaljer og rids [“Napoléon et Garibaldi – Médailles et contours”], publié chez Gyldendal en 1917, mais il ne lui consacre que neuf pages. En 1972, Mette Knudsen a traité des adaptations cinématographiques du Journal d’une femme de chambre dans un mémoire conservé à la Bibliothèque Royale de Copenhague, Samfundskritiske temaer : Octave Mirbeau’s roman “Le Journal d’une femme de chambre” samt Renoir’s og Luis Buñuel’s på romanen baserede film (138 pages). Mirbeau est aussi présent, en 1999, dans Den Store Danske Encyklopædi [“la grande encyclopédie danoise”], de V. Uitzen, et en 2005, dans une étude de Michael Asmussen sur l'image de la femme donnée par les romanciers français de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, Det litterære kvindebillede hos Guy de Maupassant og på hans tid, mais chaque fois brièvement.
P. M.
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DARJEELING |
Darjeeling est une ville du Sikkim, située au pied de l’Himalaya, à 2 250 mètres d’altitude, au nord de l’Inde, à proximité du Népal. Les Anglais l’ont acquise en 1849 en payant au roi du Sikkim une somme dérisoire, puis l’ont purement et simplement annexée en 1865. Ils en ont fait un lieu de villégiature estivale pour les Européens de Calcutta, qui pouvaient y accéder en train. Aujourd’hui peuplé de plus de 100 000 habitants, Darjeeling est mondialement célèbre pour ses plantations de thé. Bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds, c’est de Darjeeling que Mirbeau est supposé expédier au Journal des débats ses deux dernières Lettres de l’Inde, signées N., en juillet 1885. Fuyant « l’accablant soleil de la plaine », le pseudo-reporter trouve dans la ville himalayenne « un endroit clément où poussent les légumes et les fruits d’Europe » – et pour cause ! « De l’eau fraîche, une verdure éblouissante, une magnifique flore, des cottages qui semblent importés des bords de la Tamise, un confort d’existence agréable, font de Darjeeling un lieu d’autant plus recherché que le mauvais temps y est plus rare », comme si « les tempêtes effrayantes » voulaient « respecter les villégiatures des fonctionnaires anémiés » qui s’y « réfugient » en été. Mirbeau évoque l’important marché « de laines, de cornes et de thé », où s’entassent toutes les marchandises venues du Tibet et de l’Himalaya, et les chèvres, « blanches, roses et noires, aux longs poils soyeux », qui errent dans les rues et y « font la voirie ». Mais ce qui le fascine le plus, c’est la situation géopolitique de la ville, « pierre borne de deux religions » : l’hindouisme au sud et le bouddhisme au nord. Et ce qu’il est supposé admirer le plus, ce sont les paysages himalayens, au-delà desquels « s’étend l’immense plateau de l’Asie centrale », et qui exercent sur l’amateur de peinture impressionniste une « terrible séduction » : « Il vous monte au cerveau comme une ivresse, et l’on se sent pris d’un désir impérieux de se perdre dans ce rose, dans ce vert, dans ce bleu si fluides et si brillants que les rochers eux-mêmes semblent revêtir des légèretés de mousse et des transparences de pierre fine. » P. M.
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DORDRECHT |
Dordrecht est une industrieuse ville hollandaise, située sur les bords de la Meuse, à un carrefour de fleuves. Considérée comme la ville la plus ancienne de Hollande, elle comptait 35 000 habitants au début du vingtième siècle. C’est la patrie des peintres Albert Cuyp et Ary Scheffer.. Mirbeau y est passé au moins deux fois. La première à une date indéterminée, peut-être au début des années 1880 : venu apparemment en galante et amoureuse compagnie, il y a apprécié « la dimension extraordinaire des soles où avaient mordu les dents de notre appétit [...], sur la terrasse d'un hôtel [l’hôtel Bellevue], au bord des eaux, où le soleil jouait ». La seconde fois en avril 1905, au cours du périple en automobile à travers la Belgique et les Pays-Bas qu’il évoquera, deux ans plus tard, dans La 628-E8. Il a alors essayé, dit-il, de retrouver « les traces de [son] bonheur d'autrefois », mais « tout cela est loin, bien loin, tout ce passé se fane et s'efface » : « Tout était donc bien mort !... » Autre désenchantement le lendemain, quand il a découvert, sous la pluie, « une ville ennuyeuse et crottée », alors que la veille il l’avait vue merveilleusement embrasée et avait admiré « le prodige de cette ville en flammes, au soleil couchant ». Pourtant Dordrecht n’est pas une ville morte et figée dans le passé comme il l’a cru un moment, et il a noté avec admiration « une activité qui ne bavarde point, comme les commères du marché, mais besogne, anime étrangement les quartiers neufs et les quais » : « Sans en avoir l'air, Dordrecht commerce de tout, avec toute la terre. C'est, au carrefour de ses fleuves, une des plus importantes gares d'eau de l'Allemagne. Ce que les artères des canaux et des rivières ne charrient pas jusqu'à son port, elle le fabrique, le malaxe, le forge, l'ajuste elle-même : poissons fumés et salés, cacaos et tabacs, charbons de Belgique, d'Allemagne et d'Angleterre, outils qui seront maniés partout, machines à construire des machines, vaisseaux qui feront – combien de fois ? – le tour du monde. Et tout cela se prépare, se camionne, vogue, débarque et s'embarque, parmi les coups de sifflet et les coups de marteau, le vacarme des tôles, le grincement des poulies, et les hurlements qui n'en finissent pas des sirènes. On dirait que toute cette eau dans laquelle elle baigne, la ville vivante la dilate en vapeur, et, quand elle en a utilisé la force expansive et laborieuse, qu'elle la laisse retomber en pluie, sans s'arrêter de travailler, sur la ville morte. » P. M.
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DÜSSELDORF |
Düsseldorf est une grande ville allemande de Rhénanie, située sue les bords du Rhin, au milieu de la plaine, dans une région très fortement industrialisée. Elle dépassait 300 000 habitants au début du vingtième siècle et était très prospère, mais elle a été complètement détruite par les bombardements alliés durant la deuxième guerre mondiale. Elle est célèbre pour son industrie de la mode. Mirbeau s’y est arrêté en mai 1905, lors du périple en automobile à travers l’Allemagne de Guillaume II qu’il rapporte dans La 628-E8 (1907). Descendu au Brandenburger-Hof, il se montre sévère pour son modern-style, caractéristique de toute la ville : « Tout ce que je dirai de cet hôtel peut s'appliquer exactement à la ville, à toute la ville neuve, du moins, qui est, comme on sait, la ville, par excellence, du modern-style. [...] Le Brandenburger-Hof est un de ces grands hôtels, comme on en trouve dans les moindres villes d'Allemagne, et comme nous n'en avons qu'à Paris et dans quelques villes d'eaux, un de ces caravansérails nouveaux et art nouveau d'Occident, construits par les Belges et les Suisses, pour les habitudes de confort des Américains et des Anglais... Des salons, plus ou moins Louis XV et Louis XVI, y alternent avec des fumoirs de paquebot. Rien n'y est plus droit, plus d'équerre, plus d'aplomb. Tout ce qui est rond y devient carré, tout ce qui est carré y devient rond. Je veux dire que rien n'y est rond, ni carré, ni ovale, ni oblong, ni triangulaire, ni vertical, ni horizontal. Tout tourne, se bistourne, se chantourne, se maltourne; tout roule, s'enroule, se déroule, et brusquement s'écroule, on ne sait pourquoi ni comment. Ce ne sont que festons de cuivre verni, qu'astragales de bois teinté, ellipses de faïence polychrome, volutes de grès flammé, trumeaux de cuir gaufré, frises de nymphéas hirsutes, de pavots en colère et de tournesols juchés sur les moulures des stylobates, comme des perroquets sur leurs perchoirs... Des larves plates et minces dorment à l'entrée des serrures; des embryons, des têtards montent, se glissent en ondulations visqueuses, le long des portes, des fenêtres, des tiroirs, des chanfreins. Les cheminées sont des bibliothèques ; les bibliothèques, des paravents ; les paravents, des armoires ; et les armoires, des canapés. L'électricité jaillit aussi bien des parquets que des plafonds, d'ampoules de cristal taillé en fleurs de rêve ou en bêtes de cauchemar ; elle court, chahute, bostonne, virevolte, cakewalke, dans les girandoles et les lustres, qui ont la danse de Saint-Guy... Les meubles ont l'air d'avoir bu, et semblent inviter la livrée aux pires excès d'acrobatie. Et, pour qu'on ne s'y trompe pas, sur les façades dissymétriques, creusées de trous profonds et renflées de bosses énormes où toutes les matières connues, juxtaposées, se neutralisent et s'annulent, les balustrades des balcons sont soutenues par des sarabandes frénétiques de points d'interrogation. » P. M.
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