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Autres œuvres d'Octave
Mirbeau |
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À côté
de la production journalistique signée de son nom (voir articles
et lettres), de son œuvre romanesque et de ses pièces
de théâtre, Octave Mirbeau est également l’auteur
de quatre œuvres publiées ces dernières années
par Pierre Michel et qui ont vu le jour dans des circonstances originales.
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1. Les Petits poèmes parisiens |
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Il s'agit
d'un recueil de 27 textes brefs parus en 1882 dans les colonnes du Gaulois,
sous le pseudonyme de Gardéniac, à une époque où
Mirbeau n’a encore publié sous son nom aucun texte littéraire.
Si la référence à Baudelaire et à ses Petits
poèmes en prose, parfois nommés Spleen de Paris,
est évidente dès le titre, et si on retrouve effectivement
une réminiscence baudelairienne dans la conception mirbellienne
du plaisir mortifère, plusieurs de ces textes sont en réalité
plus proches du conte ou de la chronique que du poème en prose.
Tout se passe comme si l'auteur tentait déjà, comme il
le fera par la suite, d'effacer les frontières entre les genres
littéraires.
Il est à remarquer que Mirbeau-Gardéniac y cite pour la
première fois, dans « Rose et gris », un poème
connu sous le titre de Poison perdu et souvent attribué
à Rimbaud. Le mystère de Poison perdu et son attribution
incertaine ont suscité de nombreuses controverses. Sur ce sujet,
et sur les relations de Mirbeau avec Rimbaud, le peintre Forain et le
poète Germain Nouveau, voir l'article de Jean-Paul Goujon, dans
les Cahiers Octave Mirbeau, n° 3 (1996), et ceux de Pierre
Michel et de Claude Zissmann dans les Cahiers Octave Mirbeau n°
5 (1998).
À noter également que Mirbeau reprendra en partie un de
ces textes, « Le Petit modèle », dans « Le
Petit mendiant » des Lettres de ma chaumière de 1885.
Pierre Michel a procuré une édition, préfacée
et annotée, de dix-huit de ces Petits poèmes parisiens
en 1994, aux Éditions À l’écart, Alluyes.
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2. Les lettres de l'Inde |
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Mirbeau n’ayant
jamais mis les pieds en Inde, il s'agit là d'une étonnante
mystification littéraire. De Paris, où il passe l’hiver
1885, puis de Laigle, dans l’Orne, où il villégiature
en juillet de la même année, le pseudo-reporter en chambre
adresse de fausses lettres de reportage qui paraissent en 1885 dans
deux quotidiens supposés sérieux, Le Gaulois, où
elles sont signées symboliquement Nirvana, et Le Journal des
débats, où la signature se réduit à N..
Il est vraisemblable que les deux directeurs de ces quotidiens, Arthur
Meyer et Patinot, étaient au courant de la mystification.
Ces Lettres de l’Inde sont une commande d’un de ses amis
de l’époque, l’ambitieux politicien opportuniste
François Deloncle, qui, envoyé en mission en Extrême
Orient par Jules Ferry, a adressés au ministre des rapports qui
ont été soigneusement conservés au ministère
des Affaires étrangères, et que Michel Habib-Deloncle,
petit-fils de François Deloncle, a fait photocopier et relier
à son usage personnel, lors de son passage aux Affaires étrangères,
dans les années 1960…
L’objectif de Deloncle était visiblement d'inciter le gouvernement
français à contrecarrer l'expansionnisme britannique en
Inde, à Ceylan, en Afghanistan et au Siam. Le pseudo-«
Nirvana » se plaît à opposer le colonialisme homicide
et ethnocide des Anglais à la conquête coloniale française,
supposée civilisatrice et respectueuse des hommes et des cultures,
notamment à Pondichéry (opposition que l'on retrouve,
la même année, dans certaines des Chroniques du Diable).
Par-delà la besogne alimentaire et la prostitution idéologique
qu'elle implique (Mirbeau va jusqu’à faire l’éloge
des castes, qui permet aux Indiens de mieux résister aux Anglais),
le journaliste y exprime sa fascination pour la civilisation indienne,
dont le détachement constitue une force admirable, et pour le
bouddhisme cinghalais, incarné par Sumangala, qui lui apparaît
comme une forme de sagesse athée.
Certaines de ses préoccupations reparaîtront dans L'Abbé
Jules, où le héros éponyme aspirera à l’extinction
de la conscience, c’est-à-dire au nirvana des bouddhistes,
et certains détails du récit — sur le voyage en
bateau et sur Ceylan — seront repris dans Le Jardin des supplices.
Pierre Michel a publié une édition critique de ces Lettres
de l’Inde en 1991, aux éditions de l’Échoppe,
Caen. Il a reproduit, dans d’abondantes notes, de nombreux extraits
des rapports de Deloncle qui ont servi de matériaux au faux reporter.
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3. Les Chroniques du Diable |
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En 1995,
dans les Annales Littéraires de l'université de Besançon,
Pierre Michel a publié sous ce titre une anthologie de vingt
articles (sur un ensemble de soixante-trois) parus dans L'Événement
en 1884 et 1885 et signés, les premiers du pseudonyme de Montrevêche,
les suivants d'un dessin représentant un petit diable aux pieds
fourchus. Ce sont ceux-là qui constituent stricto sensu une série
intitulée Chroniques du Diable.
Pour Mirbeau, avide de révéler ce qui est caché
et d’étaler les dessous peu ragoûtants des dominants
et des nantis, l'intérêt du diable, héritier de
celui de Lesage (d’où l’expression de « complexe
d’Asmodée » imaginée par Arnaud Vareille)
est qu’il a dispose du moyen de s'introduire en tous lieux et
de révéler ce que, d’ordinaire, on tient soigneusement
caché. Il en va de même de la prostituée (voir
L'Amour de la femme vénale) et des domestiques (voir Le Journal
d'une femme de chambre).
Ces chroniques sont rédigées par un moraliste imprégné
de Rabelais et de Montaigne, et qui, sous une forme légère
et plaisante, rédige de brefs essais sur la vie parisienne et
sur les maux qui naissent du progrès, de la technique et de la
vitesse. La société moderne y est présentée
comme détraquée et apparaît comme une source de
névroses. Il convient de relever notamment deux articles sur
Charcot et l’hystérie (sur ce sujet, voir l’étude
de Bertrand Marquer, dans les Cahiers Octave Mirbeau, n°
11, 2004).
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4. L'Amour de la femme venale |
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C’est
en 1994 que Pierre Michel a publié, aux Éditions Indigo-Côté
Femmes, cette œuvre totalement inconnue et qui constitue une exceptionnelle
curiosité bibliographique. Le texte français originel,
probablement rédigé vers 1912, n’a en effet jamais
été retrouvé, et le texte publié en français
est en réalité la traduction, par Alexandre Lévy,
de la traduction bulgare parue à Plovdiv en 1922 et dénichée,
à la Bibliothèque Nationale de Sofia, par un historien
bulgare, Niko Nikov... Pour comble de cocasserie, Alexandre Lévy
a retraduit en bulgare moderne se propre traduction française,
réalisée à partir du bulgare ancien, et l’a
publiée dans la même ville de Plovdiv, en 1996, 74 ans
après la première édition…
Mirbeau y
adopte une forme littéraire inhabituelle pour lui : l’essai.
En six courts chapitres, qui constituent autant de petites dissertations,
il entreprend la défense et la réhabilitation de la prostituée,
victime d'une société hypocrite et foncièrement
immorale, qui, du fait du mariage monogamique et de la frustration sexuelle
qui en découle, rend indispensable le recours aux amours tarifées,
mais qui n'en continue pas moins à mépriser et à
rejeter les prostituées, jugées corrompues et corruptrices.
Il rend hommage à ses sœurs de misère, qui sont exploitées,
humiliées, battues, souvent tuées, et condamnées
de toute façon à une mort prématurée, horrible
et solitaire, à l’hôpital. Il analyse la relation
entre la femme vénale et son client et voit dans la prostituée,
qui ne saurait être dupe des grimaces des gens riches et puissants
qu'elle débusque dans leur intimité et qu'elle met à
nu – à l’instar de la femme de chambre, Célestine
–, des anarchistes radicales, potentiellement subversives. Enfin,
il réclame pour les prostituées, qui accomplissent une
mission de salubrité sociale, les mêmes droits et la même
reconnaissance que pour tous les autres travailleurs.
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On line |
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Sur ,
le texte de Mirbeau a été traduit en anglais et en italien
par Bérangère de Grandpré (qui a également
traduit les préfaces de Pierre Michel et de l’historien
Alain Corbin, éminent spécialiste de la prostitution au
XIXe siècle) :
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