Familles, amis et connaissances

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Terme
WILDE, oscar

WILDE, Oscar (1856-1900), écrivain anglais anti-conformiste et décadent. Il a provoqué la société victorienne par son dandysme, ses multiples paradoxes et son amoralité revendiquée, et l’a choquée par son homosexualité affichée et sa liaison avec le jeune Alfred Douglas – qui lui valurent, en 1895, une condamnation à deux ans de hard labour. Il écrivit des poèmes (dont la célèbre et émouvante Ballade de la geôle de Reading, 1898), des contes, des pièces de théâtre à succès (L’Éventail de Lady Windermere, 1892, De l’importance d’être constant, 1895, Un mari idéal), des contes et des nouvelles (Le Crime de lord Arthur Savile, 1891), et surtout un roman, Le Portrait de Dorian Gray  (1891). Il écrivit aussi directement en français Salomé  (1893) pour Sarah Bernhardt. Il est mort à Paris, anonymement, ruiné et usé prématurément par la vie carcérale.

            A priori, sa réputation de dandy et de fabricant de bons mots n’était guère de nature à le faire apprécier de Mirbeau, qui n’avait que mépris pour ceux qui prétendaient afficher leur supériorité par leur tenue vestimentaire ou leurs mots d’esprit. L’esthétisme de Wilde, étranger à toute préoccupation politique, et son goût pour la peinture préraphaélite, exécrée par le chantre de Monet, n’étaient pas davantage de nature à les rapprocher : au chapitre X du Journal d’une femme de chambre (1900), Mirbeau n’hésitera pas à se moquer gentiment de Wilde, sous le masque transparent de sir Harry Kimberly, « fervent pédéraste », mais « tellement charmant », et fort bien introduit dans les milieux préraphaélites dont il distille quelques secrets. Quant à la pédérastie affichée du poète anglais, elle était de nature à créer un abîme avec l’auteur de Sébastien Roch, qui a conservé du traumatisme inaugural de ses années de collège une phobie pour l’homosexualité masculine. 

            Et pourtant, quand Wilde est condamné au hard labour, Mirbeau est un des rares, en France, à avoir pris sa défense dans deux articles du Journal, quotidien qui tire alors à 600 000 exemplaires : le 16 juin 1895, dans « À propos du hard labour », et le 7 juillet suivant, dans « Sur un livre ». Le relativisme culturel, l’impossibilité de définir ce qui est moral, et la dialectique de la pourriture et de la beauté, constituent autant d’arguments qu’il assène pour dénoncer « l’affreux supplice » infligé à « un parfait artiste » par une société qui se prétend civilisée, mais qui continue de recourir à de « vieilles coutumes barbares ». S’il passe par-dessus ses multiples réticences éthiques, politiques et esthétiques, c’est parce qu’il voit avant tout en Wilde la victime d’une féroce société de Tartuffes, et qu’il est impératif à ses yeux de le défendre face aux forces d’oppression, quelles que soient ses divergences par ailleurs. L’affaire Wilde lui sert aussi de révélateur de ce qu’il appelle « la gangrène morale » des sociétés modernes : loin d’être le propre de la seule Angleterre, c’est une tare caractéristique de l’ensemble des sociétés bourgeoises de l’époque, toutes également hypocrites et incohérentes : partout on se paye « de mots », parce que les mots ont pour mission, de camoufler les réalités sordides au lieu de les exprimer ; partout est ouverte la chasse aux génies et aux esprits libres, qui osent jeter sur les choses un regard neuf ou commettent le crime irrémissible « de mettre la Société en face d’elle-même, c’est-à-dire de son propre mensonge » (« À un magistrat », Le Journal, 31 décembre 1899).

C’est toute cette pourriture des sociétés occidentales qui s’exhibe à travers la condamnation de Wilde au hard labour. Mais c’est précisément sur cette pourriture que, selon Mirbeau, poussent les plus belles œuvres du temps, de même que les resplendissants parterres de fleurs du Jardin des supplices sont engraissés par les cadavres pourrissants des suppliciés innocents.

P. M.

           

Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Oscar Wilde », Rue des Beaux- Arts, n° 7, février-mars 2007 ; Liliane-Lou Ferreira, L’Ombre d’Oscar Wilde, Thélès-Elzévir, à paraître début 2010.

 

 


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