Oeuvres

Il y a 96 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G I J L M N O P R S T U V
Terme
L'EPIDEMIE

L’Épidémie est une farce en un acte, créée au Théâtre Antoine le 14 mai 1898, en pleine affaire Dreyfus, et publiée peu après, à la Librairie Charpentier-Fasquelle, en un petit volume de 40 pages. André Antoine, qui n’aimait pas le genre de la farce et trouvait Mirbeau excessif, ne l’a montée qu’à contre-cœur et a reculé le plus possible la première, afin de lui organiser un bel étranglement, à la veille de la fin de saison. Mirbeau y a fusionné deux chroniques dialoguées parues précédemment dans L’Écho de Paris, « L’Épidémie », le 12 juillet 1892, et « Monsieur Beuf », le 31 janvier 1893. Et il se souvient d’un reportage effectué à Lorient, en juin 1888, à l’occasion d’une épidémie de typhoïde (voir « Au pays de la fièvre », Le Figaro, 12 juin 1888).

 Mirbeau situe la scène dans une ville maritime dotée d’un port de guerre et au cours d’une réunion du conseil municipal consacrée à l’épidémie de typhoïde qui commence à frapper les casernes et les quartiers misérables. Les conseillers, de la majorité et de l’opposition, sont totalement insensibles aux ravages du mal et refusent tous les crédits destinés à l’assainissement de la ville. Mais quand, frappé à son tour par la fièvre typhoïde, meurt un bourgeois inconnu, dont le maire fait aussitôt l’éloge paradoxal et grotesquement grandiloquent, sous l’effet de la terreur, le conseil fait volte-face et vote à l’unanimité des crédits himalayesques...

Le dramaturge dénonce au vitriol le cynisme homicide des politiciens bourgeois, uniquement soucieux de leurs intérêts égoïstes, et leur politique de classe, qui dénie au plus grand nombre le droit à des conditions humaines d’existence. Il s’emploie donc à saper l’aura de respectabilité qui les met à l’abri du regard de leurs administrés. À cette fin il renonce à toute velléité de réalisme et met en œuvre des procédés farcesques (caricature, grossissement, renversement brutal, symétrie, jeux de mots et paradoxes), destinés à distancier le spectateur et à l’obliger à exercer son esprit critique. Et il met dans la bouche de ces bourgeois grotesques et foireux des propos tellement absurdes et monstrueux qu’ils se détruisent eux-mêmes, contraignant le spectateur à rejeter le système représentatif qui donne aux élus pouvoir de vie et de mort sur le peuple qu’ils prétendent représenter.

Mirbeau dénonce aussi l’abus de l’autorité scientifique des faux savants, tels que le Dr Triceps, incarnation du scientisme, et, dans l’éloge paradoxal qu’en fait le maire, présente une caricature jouissive du petit rentier, dépourvu de toute sensibilité, de toute intelligence et de toute pitié.

P. M.

 

Bibliographie : Lucile Garbagnati,  « Le Médecin dans L’Épidémie, d’Octave Mirbeau », in Littérature et médecine, Presses Universitaires Franc-comtoises, 2000, pp. 241-257 ; Tomasz Kaczmarek,  « Farces et moralités.d’Octave Mirbeau », Studia romanica posnaniensia, Poznan, n° XXXII, 2005, pp. 150-154 ; Pierre Michel, « Introduction » à L’Épidémie, in Théâtre complet, Eurédit, 2003, t. IV, pp. 63-67 ; Pierre Michel,  « Rubén Darío, Tailhade et L’Épidémie », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 291-300.

 

 

 

 


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL