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LETTRES DE MA CHAUMIERE

Les Lettres de ma chaumière sont un recueil de contes paru chez Laurent en novembre 1885 (bien que figure la date de 1886). Le tirage n’était que de mille exemplaires, mais, à en croire Mirbeau, qui exagère probablement pour les besoins de la cause, le volume se serait fort peu vendu.  

Il s’agit de la première œuvre littéraire signée du nom de Mirbeau. Il l’a rédigée, pour l'essentiel, au cours d'un séjour au Rouvray, près de Laigle, dans l'Orne – d'où l'allusion à la chaumière. Mais il n’a pas retenu tous les textes parus en feuilleton dans La France sous ce titre générique dans les mois précédents et qui comportaient des articles d’une tout autre inspiration (par exemple « Le Homestead », « Notes tristes » ou « Le Suicide »).

Le volume comporte 21 textes de tonalités et de statuts différents. On y trouve :

- Des contes où l'auteur se met lui-même en scène :  « Ma chaumière », « La Bonne », « Le Petit mendiant » – où il réutilise un de ses Petits poèmes parisiens signés Gardéniac, « Le Petit modèle » –, « Un Poète local », situé en Bretagne, et « Le Crapaud ».

- Des contes du prétoire : « L’Enfant », sur le mode terrible, et « La Justice de paix », sur le mode comique.

- Une longue nouvelle qui couvre toute la vie du personnage principal, petit paysan percheron :  « La Mort du père Dugué »).

- Des dialogues : « La Guerre et l'homme », sur le mode allégorique, et « La Table d'hôtes », sur le mode satirique.

Des récits qui évoquent avec réalisme la brutalité de la condition des marins bretons (« Les Eaux muettes ») et des paysans normands (« L’Enfant »,  « Le Père Nicolas ») alternent avec des descriptions poétiques ou impressionnistes (« Ma chaumière », le début des « Eaux muettes »), des séquences qui flirtent avec le fantastique ((« La Tête coupée ») et des textes polémiques (« Le Tripot aux champs »).

Chaque texte est dédié à un ami de l'auteur et tâche d'en refléter l'esprit : relevons notamment les noms de Félicien Rops (« L’Enfant »), Auguste Rodin (« Le Père Nicolas »), Paul Bourget (« Veuve »), Paul Hervieu (« La Mort du chien »), Henri Lavedan (« La Bonne »), Émile Zola (« La Mort du père Dugué »), J.-K.Huysmans (« Un Poète local »), Jules Barbey d'Aurevilly (« La Tête coupée ») et Guy de Maupassant (« La Justice de paix »). Mirbeau s’emploie à pasticher quelque peu leur manière, dans les lettres qui leur sont dédiées.

Le titre ne saurait manquer de faire penser aux Lettres de mon moulin, d'Alphonse Daudet, que Mirbeau a vigoureusement attaqué dans la presse depuis deux ans. Il lui reproche, d'une part, d'avoir un talent « pillard » et d'emprunter à quantité d'auteurs, et, d'autre part, de donner, des hommes et de la société contemporaine, une image beaucoup trop édulcorée, afin de plaire au grand public, français et étranger. Pour sa part, il nous donne une vision beaucoup plus cruelle et pessimiste de la condition humaine et de la misère du plus grand nombre, dans une société fort injustement organisée.

Les récits les plus remarquables, dans des genres différents, sont « L’Enfant », qui traite des infanticides dans un misérable hameau du Perche où des naissances non désirées constituent une menace pour l'équilibre alimentaire (c'est un plaidoyer indirect pour le droit au contrôle des naissances : position néo-malthusienne qui restera celle de Mirbeau, notamment dans sa série d'articles parus dans Le Journal à l'automne 1900, « Dépopulation », voir la notice Néo-malthusianisme) ; et « La Justice de paix », conte du prétoire, qui illustre plaisamment la totale absence de moralité de paysans normands qui font argent de tout. À noter aussi « Agronomie », où apparaît pour la première fois le personnage caricatural du parvenu milliardaire, exploiteur cynique et sans scrupules, qui ne s'en proclame pas moins « socialiste » : Lechat, alors prénommé Théodule, et qui sera rebaptisé Isidore dans Les affaires sont les affaires (1903).

Mirbeau reprendra dix de ses lettres dans les Contes de la chaumière, en janvier 1894. Toutes les lettres du recueil seront recueillies en deux volumes dans les Contes cruels (1990).

Voir aussi les notices Contes de la chaumière et Contes cruels.

P. M.

 

Bibliographie : voir celle des Contes cruels.

 

 


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