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PETITS POEMES PARISENS

Sous ce titre a été publiée, en avril 1994, aux éditions À l’écart, à Alluyes, un petit volume de 114 pages, abondamment illustré et annoté. Il s’agit d’une anthologie de 18 textes (sur un total de 27), qui ont  paru, au cours des premiers mois de 1882, dans les colonnes du Gaulois, et qui sont signés du pseudonyme de Gardéniac. Ce pseudonyme est attesté, le 24 avril 1882, en page 4 du Gaulois, par un « Écho des théâtres » signé Arthur Cantel. Il est à remarquer également que Mirbeau reprendra en partie un de ces textes, « Le Petit modèle », dans « Le Petit mendiant » des Lettres de ma chaumière (1885);  et qu’il fait intervenir à deux reprises, le 3 et le 27 mars, la comtesse Denise de la Verdurette, que l’on retrouve aussi dans plusieurs des textes signés Tout-Paris, en 1880-1881, et dans une des Lettres de ma chaumière signées Mirbeau, en 1885.

La référence à Baudelaire y est évidente, bien au-delà du titre de la série, qui ne saurait manquer de rappeler ses Petits poèmes en prose, connus aussi sous le nom de Spleen de Paris : c’est Paris qui constitue aussi une source d’inspiration et de réflexion ; et on y retrouve sa conception du plaisir mortifère (voir surtout Le Bal des canotiers »), que Mirbeau développera dans Le Calvaire (1886), et une vision du monde foncièrement pessimiste, qui inspire parfois « des désirs de mort ». Plusieurs de ces textes s’inscrivent effectivement dans la continuité des poèmes en prose du maître, notamment : « Rose et gris » (15 mars), « Le Bal des canotiers » (18 juillet), « Courrier du matin » (13 mars), « La Tristesse du remisier » (25 février), ou « Deux paysages » (24 avril). Ils sont courts et rédigés dans une « prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime » ; Mirbeau y recourt au contrepoint et au leitmotiv ; comme les impressionnistes, il cherche à saisir l’instant et à capter la lumière ; et il y exprime des sentiments marqués au coin de la mélancolie, du spleen et du mal de vivre.

D’autres textes se rapprochent davantage du conte et pourraient tout naturellement prendre place parmi les Contes cruels : par exemple, « Mort fou » (7 mars), « Bal d’anges » (18 mars) , « Dette d’honneur » (26 mars), « Le Petit modèle » (30 mars), « Mort subite », 20 avril) ou « Un fait divers » (25 avril). Noire est la vision que Mirbeau nous donne des humains : la femme y joue déjà le rôle qui, à l’en croire, lui a été imparti par la marâtre Nature : celui de piéger les hommes ; lesquels, pour leur part, apparaissent singulièrement égoïstes, naïfs et stupides et se laissent dominer au nom de “l’amour”. D’autres textes relèvent plutôt de la satire et de la cocasserie, par exemple les lettres de Bolivar Rastacouère (23 et 31 mars), ou « Lendemain d’hyménée » (6 avril), où Mirbeau ironise sur le compte de Sarah Bernhardt. D’autres encore sont plus proches de la chronique : par exemple, « L’Art et la mode » (22 février), « Potaches » (20 juillet), ou « Paulus », 24 juillet). Tout se passe, comme si Mirbeau tentait déjà, comme il le fera par la suite, d'effacer les frontières entre les genres littéraires.

Il a été relevé avec beaucoup d’intérêt que Mirbeau-Gardéniac cite pour la première fois, dans « Rose et gris », un sonnet connu sous le nom de « Poison perdu », qui est le plus souvent attribué à Rimbaud, parfois à Germain Nouveau, voire au peintre Jean-Louis Forain, qui fréquentait alors Mirbeau, Rimbaud et Nouveau. Mais on ignore comment le manuscrit de ce poème inédit a pu tomber entre les mains de Mirbeau. Sur le problème posé par le mystérieux « Poison perdu », voir l'article de Jean-Paul Goujon (Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, 1996) et l’article de Pierre Michel (Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998).

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, Préface des Petits poèmes parisiens, À l’écart, 1994, pp. 5-18.

 


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