Familles, amis et connaissances

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Terme
MAUCLAIR, camille

MAUCLAIR, Camille (Séverin Faust, dit) (1872-1945), homme de lettres français. Après des études en Sorbonne, venu très tôt à la critique littéraire, artistique et musicale, il fut diversement apprécié par son entourage. Collaborant au Théâtre d’Art de Paul Fort et à l’Œuvre de Lugné-Poe, dont il fut l’un des fondateurs, il participa à la création du drame Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck (1893). « Quand on le connaît, témoigna Lugné-Poe, il donne dans l’aspect blond et coupant. […] Il gardait en mains des fils avec […] tous les salons, chez Stéphane Mallarmé, chez Paul Hervieu, chez de Régnier, chez Barrès et jusque chez les snobs. […] Ses yeux vous gagnaient par leur acuité ; plus que quiconque il devait avoir un but. » Celui d’arriver au plus vite. Il publia des poèmes symbolistes et des « chansons », certaines mises en musique par Gabriel Fabre. Maeterlinck soutint son recueil d’essais, Eleusis, causeries sur la cité intérieure (1894). Sa précocité agaçait ses confrères. Remy de Gourmont se montra le plus cruel dans son deuxième Livre des Masques : « On l’a présenté tel qu’un disciple de M. Barrès ; il le fut aussi de M. Mallarmé, de M. Maeterlinck, de plusieurs modes d’art, de plusieurs philosophies, de toutes les manières de vivre et de penser. […] En cela un peu féminin, il se donne sincèrement à des passions successives dont le sourire lui dérobe le reste du monde et il se couche aux pieds de l’idole qu’il renversera demain. » À vingt-six ans, il avait déjà publié deux romans. Dans Le Soleil des morts (1898), roman contemporain dédié à Ernest Chausson, on reconnaît en son héroïne principale la cantatrice Georgette Leblanc 0150 que Mauclair eut la malchance de présenter à Maeterlinck, qui en fit sa compagne – et la danseuse américaine Loïe Fuller. Un des personnages masculins est inspiré de Mallarmé, etc. Un autre pourrait être Mirbeau, sans doute…

Ses relations avec Mirbeau commencent en 1893. Pour la création de Pelléas et Mélisande, il rédige un article que l’auteur de L’Abbé Jules signe seul dans L’Écho de Paris du 9 mai, « Pelléas et Mélisande ». Mais l’aîné, en dépit d’un début prometteur, ne semble pas avoir la moindre considération pour son cadet. Certaines de ses lettres lui accordent peu d’estime. Mirbeau ridiculisa Couronne de clarté, roman féerique illustré par Rochegrosse (1894). Membre du jury Goncourt, il s’opposa, en 1903, à l’attribution du prix à La Ville Lumière et s’en prit à Mauclair, dans La 628-E8. Le littérateur s’en souvint et publia un violent pamphlet sous le titre « Dingo et M. Octave Mirbeau » : « Il serait irrévérencieux de voir en Dingo une autobiographie allégorique. Et cependant, si ce livre ne nous apprend rien de nouveau sur la manière de M. Mirbeau, il a du moins l’intérêt de nous résumer éloquemment sa nature ; l’auteur est si personnel qu’en dépeignant son féroce animal il nous a restitué sa propre psychologie. » (Le Pamphlet, n° 1, septembre 1913). Cette citation donne le ton du libelle.

Après la Grande Guerre, Mauclair présenta sa carrière dans Grandeur et servitude littéraire (1922). Il fournit d’innombrables écrits sur l’art et sur les villes, tout en collaborant à la presse de province, et n’évita pas la polygraphie. Il régressa de plus en plus vers la glorification de l’art « français » contre l’invasion des « métèques dans la peinture ». Définitivement aigri en 1940, il crut trouver en Pétain le défenseur des vraies valeurs et écrivit désormais dans La Gerbe, un des pires journaux de la collaboration, oů il attaqua Gide et la N.R.F., tout en donnant libre cours à son antisémitisme et à son anticommunisme (La Crise de l’art moderne, 1944).

Il représente le raté typique de la période 1900. Ayant débuté trop jeune et avec trop de facilité, il se survit indéfiniment, n’ayant rien apporté de neuf à la littérature de son temps. Rejeté par Mirbeau aussi bien que par Gide, il est tenu en suspicion par les gens du Mercure de France où il écrit. Rachilde se moqua de lui et de ses prétentions à l’élitisme. En 1908, Jules Renard notait dans son Journal : « Vraiment, vous trouvez bien ce que je fais ? me dit Mauclair. – infiniment intelligent.– Ah ! je ne sais plus. Il me semble que je recule. Jamais je n’ai tant douté de moi. » Malheureusement, Mauclair ne profita pas de cette crise de lucidité, suivit sa pente et aboutit à l’infamie.

M. B.-J.

 

Bibliographie : Maxime Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc (1869-1941), Le Cri, Bruxelles, 1998 ;  Camille Mauclair, Servitude et Grandeur littéraire, souvenirs d’arts et de lettres, 1890-1900, Ollendorff, 1922.

 


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