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Terme
BOURGES, élémir

BOURGES, Élémir (1852-1925), romancier peu prolifique, à l’inspiration idéaliste et spiritualiste qui le situe dans la mouvance symboliste, et qui a mené une vie retirée et modeste, tout entière vouée au sacerdoce de son art. Au début de sa carrière, il a tâté du journalisme alimentaire, notamment au Parlement et au Gaulois, dont il a été un temps le secrétaire de rédaction. Ses romans tournent le dos au naturalisme et sont marqués par l’influence de Dante, de Shakespeare, des poètes élisabéthains, des tragiques grecs et surtout de Richard Wagner, dont il a tenté d’adopter au roman certaines techniques musicales : Le Crépuscule des dieux (1884), vivement admiré par Mirbeau et Goncourt, Sous la hache (1885) et Les oiseaux s’envolent et les fleurs tombent (1893). Il a travaillé trente ans à une vaste épopée métaphysique, La Nef (1922, après une publication partielle en 1904). Il a été élu à l’Académie Goncourt en 1900.

À en croire Pierre Descaves, dans Mes Goncourt, il arrivait à Mirbeau d’ironiser sur le compte de son collègue, dont « le Moi supérieur » se substituerait, dans l’acte de création, « au moi vulgaire » : « Sacré Bourges – se serait écrié Mirbeau – il cèle la beauté comme d’autres dissimulent une tare ». C’est plausible. Mais ces remarques amicalement moqueuses ne sont nullement désobligeantes et Mirbeau a toujours témoigné à Bourges son admiration, bien qu’il ne partage pas son spiritualisme et son goût pour la peinture symboliste. En revanche, ils ont des exécrations communes, notamment pour le théâtre contemporain (« M. Bourges professe pour le théâtre d’aujourd’hui le plus souverain mépris »), ils ont une même passion pour l’art et pour le style, et refusent pareillement tout ce qui avilit le talent, dût la renommée en pâtir : si Bourges « ne compte pas », à côté de Sarcey, « c’est parce qu’il n’a jamais voulu galvauder son talent dans les complaisances et les camaraderies, parce qu’il travaille beaucoup et qu’il ignore l’intrigue ». Et puis, ce qui est impardonnable, Bourges « a le mérite rare et curieux de penser par lui-même, de penser juste, de savoir beaucoup et d’écrire ce qu’il pense et ce qu’il sait en un style brillant, spirituel et élevé ». Tout cela fait de lui un original et un étranger dans le milieu qu’il est obligé de fréquenter, mais Mirbeau l’admire précisément pour cette dignité hautaine : « M. Élémir Bourges, avec son savoir solide, son jugement robuste et subtil, avec sa passion d’idéal et sa fierté, au milieu de ses confrères, est trop différent. Je ne sais si, du haut de leur ignorance et de leur mauvaise foi, ses confrères le haïssent, mais à coup sûr ils le dédaignent. Et c’est ce dédain surtout qui nous le fait aimer. »

Dans un des deux articles qu’il a consacrés à Bourges, en 1884 et 1885, Mirbeau rend hommage à son roman Sous la hache, rebaptisé Ne touchez pas à la hache, où il sent « une puissance sauvage qui fait frissonner » et perçoit « d’admirables paysages peints au couteau ». Mais, comme l’auteur lui-même, il lui préfère Le Crépuscule des dieux, « magnifique roman », « étude, sombre et vengeresse, de la fin d’une race royale, qui s’écroule dans le sang, dans la boue, dans la sanie ». Il y voit « un chef-d’œuvre », qui surclasse le roman de Daudet sur un sujet voisin, Les Rois en exil :  « Car c’est M. Bourges qui, véritablement a écrit les vrais Rois en exil,  et nous les a fait voir, non point à travers les cancans de journaux et les petites anecdotes de café de la vie parisienne, mais à travers les épouvantables effondrements des races surmenées qui se pourrissent, des fortunes volées qui se désagrègent, des vices et des crimes longtemps impunis et qui finissent par recevoir leur châtiment, d’autant plus terrible qu’il s’est fait plus attendre. »

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Portraits de critiques : Élémir Bourges »  Les Grimaces, 12 janvier 1884 ; Octave Mirbeau,  « Élémir Bourges », La France, 7 mars 1885.

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