Familles, amis et connaissances

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Terme
BESNARD, paul-albert

BESNARD, Paul-Albert (1849-1934), peintre, pastelliste, décorateur, graveur, illustrateur, a été un artiste très fécond et de renommée internationale. En 1874, il remporta le premier Grand prix de Rome avec La Mort de Timophane, tyran de Corinthe, ce qui lui valut par la suite des commandes de décors, aux grandes heures des embellissements monumentaux de la Troisième République (de 1870 à la Première Guerre mondiale). Portraitiste recherché, il rapporta également des toiles et des dessins d’Espagne, du Maroc et surtout d’Algérie. Mais c’est avant tout son voyage aux Indes en 1910-1911, qui le rangea parmi les orientalistes. La rétrospective de son œuvre en 1905 n’avait pas égalé le triomphe, qu’il remporta à la galerie Georges Petit en 1912, avec ses travaux indiens qui firent l’unanimité. Désormais au faîte de sa gloire, durant le dernier tiers de son existence, Albert Besnard fut comblé d’honneurs et de charges : c’est à cette période que commença réellement sa carrière officielle. Il devint membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1912, directeur de la Villa Médicis de 1913 à 1921, membre de l’Académie Française en 1924, directeur de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de 1922 à 1932. À sa mort, survenue le 4 décembre 1934, il fut, bien avant Georges Braque, le premier peintre auquel le gouvernement de la République fit des funérailles nationales (voir le site consacré à l’association Le Temps d’Albert Besnard).

En 1886, Besnard scandalisa les visiteurs du Salon en exposant un grand portrait en pied, celui de Madame Roger Jourdain. Jugée des plus osées par nombre de ses contemporains, l’huile déconcerta aussi Octave Mirbeau, bien que ce dernier lui ait reconnu des qualités picturales. Dans ses Combats esthétiques (« Salon IV-7 juin 1886 », tome 1, p. 281) l’écrivain raconte plaisamment le tollé général : « Me voici devant le portrait de Mme R. Jourdain, par M. Besnard. La foule ricane. Il n’est pas de bons mots dont on ne l’accable. Les rates se dilatent devant cette toile : d’horribles grimaces se tordent sur les physionomies bourgeoises : on voit des ahurissements prodigieux figer dans l’immobilité les regards des jeunes visiteuses et des promeneurs élégants ». L’artiste y montrait en effet son attrait pour les éclairages artificiels et rares, le jeu des lumières et des reflets, les vibrations de la couleur, quêtes qu’il poursuivit toute sa vie. Mais s’il donna dans ces recherches modernes, il les subordonna toujours au dessin, car le trait restait primordial chez lui : c’est ce que lui reprocha Mirbeau, qui privilégiait en art la sensation et préférait des incorrections de dessin à une œuvre dépourvue d’émotion. Par là le critique fustigeait l’ancien élève des Beaux-Arts et, à travers lui, l’enseignement de l’Ecole. En outre, il considérait que plusieurs des tableaux du créateur étaient étranges, d’une bizarrerie qui, selon lui, risquait de le faire sombrer dans des excentricités identiques à celles des préraphaélites.

Somme toute Mirbeau ne fut pas invariablement convaincu par l’art d’Albert Besnard, comme il ne le fut jamais par celui des préraphaélites et des symbolistes, par exemple. S’il se montra, à plusieurs reprises, réticent envers la production du créateur, il le soutint cependant dans certains de ses combats, tout particulièrement quand il fallut décorer le nouveau plafond de la Comédie-Française, l’ancien ayant été détruit par l’incendie qui ravagea le bâtiment en 1900. Octave Mirbeau le recommanda chaleureusement à l’administrateur du théâtre, Jules Claretie,  en ces termes : « Mais je vous supplierai, cher Monsieur, de penser pour ce nouveau plafond, à ce grand peintre décorateur, le seul que nous ayons depuis Puvis de Chavannes, à Albert Besnard ».

Les rapports entre les deux protagonistes ont donc été parfois conflictuels : Albert Besnard, comme d’autres, craignait celui que Philippe Besnard appelait « ce démolisseur trop réaliste ». Pourtant Mirbeau ne resta pas indifférent aux recherches et au tempérament du peintre. De son côté Albert Besnard avait, à coup sûr, de la considération pour l’homme de lettres. Octave et Alice Mirbeau vinrent souvent chez les Besnard, 17 rue Guillaume-Tell (17e arrondissement), soit pour dîner, soit aux réceptions du dimanche après-midi.

C. Be.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Combats esthétiques, Paris, Séguier, 1993, t. I, pp. 179-180, 210-212, 281-282 et 481-482, et t. II, pp. 91-92 et 187 ; Chantal Beauvalot, « Un critique d’art et un peintre. Octave Mirbeau et Albert Besnard : une relation ambivalente », Cahier Octave Mirbeau, n° 15, 2008, pp. 125-138.


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