Pays et villes

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Terme
CHERBOURG

Une seule visite de Mirbeau à Cherbourg est attestée, mais il est fort probable qu’il a eu l’occasion d’y passer, que ce soit auparavant pour un reportage ou, par la suite, au cours de ses périples en automobile à travers la France. Toujours est-il que, début octobre 1896, il a fait, en compagnie de Claude Monet, une traversée exceptionnelle, qui les a conduits du Havre à Cherbourg, à bord du Normandie, à l’occasion de la visite en France du tsar Nicolas II, qui devait débarquer dans le port du Cotentin le 5 octobre. Il rappellera ce bref voyage en bateau lorsqu’il consacrera un article au commandant du navire, Louis Deloncle, avec qui il avait alors noué connaissance et amitié, à l’occasion du tragique naufrage de la Bourgogne, que commandait cet officier de marine fort lettré. C’est sans doute pour convaincre Monet de l’accompagner qu’il lui décrit ainsi l’environnement de la ville : « Dans cette région de Cherbourg, on se croirait déjà en Bretagne. Les collines se couvrent de chênes, des torrents dégringolent sur les pentes de granit ; et les landes apparaissent. Elles occupent de vastes surfaces autour de Lessay et sous le ciel gris où les nuages courent, chassés par le vent, on a déjà sur le sombre tapis de bruyères et d'ajonc le sensation poignante et douce à la fois que laissent à l'esprit les landes solitaires de la Bretagne mélancolique. Au centre de la presqu'île, dans le pays de Coutances et Saint-Lô, le herbages complantés de pommiers se dérobent derrière les hauts talus boisés de chênes. »

Dans le dernier chapitre du Journal d’une femme de chambre, Célestine se retrouve mariée à l’ancien jardinier-cocher Joseph, qui, grâce au vol de l’argenterie des Lanlaire, a pu ouvrir à Cherbourg, sur le port,  le « petit café » de ses rêves. Doté d’une enseigne « À l'armée française ! », en pleine affaire Dreyfus, le café est vite devenu « le rendez-vous officiel des antisémites marquants et des plus bruyants patriotes », qui « viennent fraterniser là, dans des soulographies héroïques, avec des sous-officiers de l'armée et des gradés de la marine ». Célestine, elle, tient la caisse et trône au comptoir, et elle s’y dit heureuse : « Ce ne sont plus les paysages désolés d'Audierne, la tristesse infinie de ses côtes, la magnifique horreur de ses grèves qui hurlent à la mort. Ici, rien n'est triste ; au contraire, tout y porte à la gaîté... C'est le bruit joyeux d'une ville militaire, le mouvement pittoresque, l'activité bigarrée d'un port de guerre. L'amour y roule sa bosse, y traîne le sabre en des bordées de noces violentes et farouches. Foules pressées de jouir entre deux lointains exils ; spectacles sans cesse changeants et distrayants, où je hume cette odeur natale de coaltar et de goémon, que j'aime toujours, bien qu'elle n'ait jamais été douce à mon enfance... »  

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau, Louis Deloncle et le naufrage de La Bourgogne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 221-227; Octave Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre, Charpentier-Fasquelle, 1900.


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