Familles, amis et connaissances

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Terme
BECQUE, henry

BECQUE, Henry (1837-1899), auteur dramatique, dont la production est restreinte et qui est passé du romantisme à une forme de réalisme. Il est l’auteur d’un vaudeville, L’Enfant prodigue (1868), de Michel Pauper, drame social encore passablement mélodramatique, de La Navette (1878), des Honnêtes femmes (1880), et surtout des Corbeaux (1882), forte pièce qui, par certains aspects, préfigure Les affaires sont les affaires, et de La Parisienne (1885), comédie dont le thème a fait scandale. Il a publié ses chroniques théâtrales sous la forme de Souvenirs d'un auteur dramatique (1895) et laissé une pièce inachevée, Les Polichinelles. Son Théâtre complet a paru en 1890 chez Charpentier.

Mirbeau a été l’ami et l’admirateur de Becque, dont il a signé l’acte de décès, et il lui a consacré plusieurs articles très élogieux, notamment « Entr’actes »  (Gil Blas, 28 décembre 1886), « Henry Becque » (Le Figaro, 29 novembre 1890), « Ça les embête ! » (Le Figaro, 1er décembre 1890) et « L'Idée de M. Henry Becque » (Le Figaro, 22 décembre 1890). Son propre théâtre s’est inscrit dans la continuité de celui de Becque, et les qualités qu’il loue chez son ami sont celles-là mêmes qui brilleront dans ses comédies à venir : la profondeur de l’observation – souvent appelée « rosserie » –, la vérité de la langue, le refus de céder aux conventions théâtrales en vigueur et, en particulier, de proposer des dénouements consolants, « la science approfondie de son art, la connaissance de l’homme, l’intelligence lumineuse de la vie, le style concis, nerveux, éloquent » (« Henry Becque », loc. cit.). Il voit en Becque un éveilleur de conscience comme il tente lui-même de l’être : « M. Becque a des mots terribles, des motifs qui troublent, qui vous forcent à penser, à réfléchir, qui ouvrent, tout d’un coup, sur les caractères des gouffres abominables. […] Il a des raccourcis qui terrifient, des sensations impitoyables sur les êtres et sur les choses, il nous oblige à descendre avec lui dans le mystère de la vie profonde. […] On dirait que M. Becque a été invité à dîner chez l’humanité, que celle-ci lui a confié bien des secrets et qu’il les raconte au public » (« Entr’actes », loc. cit.). 

Dès 1883, Mirbeau loue Henry Becque d’avoir « eu l’honneur d’une chute à la Comédie-Française parce que son drame, Les Corbeaux, était trop supérieur au public, et qu’en parlant la langue implacable de la vérité, il avait troublé les femmes dans leur névrose et les hommes dans leur ahurissement » (« Tourgueneff », Les Grimaces, 8 septembre 1883). D’emblée il relève un décalage, voire un abîme, qui ne fera que se confirmer, entre les exigences d’un public avachi et d’une critique tardigrade, qui ne cherchent qu’un vulgaire divertissement compatible avec de bonnes digestions, et un théâtre fait d’observation sur l’homme et sur la société et qui dévoile des vérités désagréables à entendre. D’où les échecs répétés des deux chefs-d’œuvre de Becque, « le seul, parmi les auteurs dramatiques de ce temps, qui ait donné à ses pièces des vibrations de vie profonde, à ses personnages des accents terribles d’humanité » (« Le Public et le théâtre », Le Gaulois, 20 avril 1887). Bien sûr, force est de reconnaître que Les Corbeaux est une « âpre, tragique et précise évocation de l’âme bourgeoise » et La Parisienne une pièce d’« une admirable simplicité » et d’« une observation  profonde, si juste, si amère de la vie ». Mais, note Mirbeau avec ironie, « il s’y mêle un peu trop d’amertume au rire et la digestion de la critique en est incommodée » : décidément, « M. Becque n’a pas le secret de verser le baume des consolations sur le cœur endolori de la critique » (« Auteurs et critiques », 9 février 1885)... Aussi son ami et défenseur pourfend-il la critique misonéiste incarnée par « l’éminent bafouilleur du Temps », Francisque Sarcey, et approuve-t-il « l’idée » de Becque de porter plainte contre lui pour préjudice matériel et moral.

P. M.

 

Bibliographie : Philippe Baron, « Les Corbeaux, d’Henry Becque, et Les affaires sont les affaires, d’Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 199-210.


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