Pays et villes

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ESPAGNE

L’Espagne est un des pays qui ont réservé le meilleur accueil à Mirbeau, et, nonobstant la parenthèse franquiste, les traductions y ont été nombreuses, tant en espagnol qu’en catalan. Ces dernières années, au fur et à mesure que Mirbeau était redécouvert outre Pyrénées après les décennies de dictature, on a vu se multiplier les études universitaires portant sur Mirbeau, de la part notamment d’Elena Real et Lola Bermúdez, ainsi que les pages Internet traitant de tel ou tel aspect de son œuvre ou de ses combats. Il se trouve aussi que l’Espagne est le pays étranger où l’écrivain jeune a passé le plus de temps, bien que par la suite aucun autre voyage ne soit attesté dans la péninsule ibérique.

 

Mirbeau et l’Espagne



De fait, c’est en janvier 1878 que le premier séjour de Mirbeau en Espagne est attesté : il y assiste alors au premier mariage du jeune roi Alphonse XII, dont il rend compte dans L’Ariégeois du 26 janvier. Mais il n’est pas impossible qu’un autre voyage ait précédé ce déplacement professionnel. En effet, dans ses (fausses) confidences à Edmond de Goncourt, un soir de juillet 1889, Mirbeau raconte que, à une date non précisée, mais antérieure à 1877, son père l’a promené, « très malade, quelques mois en Espagne » : l’information est sujette à caution, car elle est insérée dans un récit fortement arrangé et des plus fantaisistes, mais le voyage espagnol n’est peut-être pas pour autant une simple affabulation. Au sortir de son aventure pyrénéenne, quand il se retrouvé libéré de ses obligations, en janvier 1879, il semble bien qu’il ait de nouveau séjourné en Espagne, car il ne regagne Paris que plusieurs mois plus tard, pour entrer au service d’Arthur Meyer, et c’est très probablement à ce deuxième ou troisième voyage qu’il fait allusion dans une lettre à Rodin de 1889 : « J’ai supposé que vous aviez mis à résolution votre idée de voir l’Espagne, et, par la pensée, je vous ai suivi à Burgos, à Madrid, à Séville, à Grenade et à Cadix, et je refaisais avec vous un voyage que j’ai fait, il y a 10 ans, seul. » Nouvelle traversée des Pyrénées en novembre 1879, quand Mirbeau, envoyé spécial du Gaulois, est chargé d’une double mission : il lui faut tout d’abord rendre compte du second mariage d’Alphonse XII, avec Marie-Christine de Habsbourg ; et ensuite effectuer un reportage sur les terribles inondations qui ont frappé la région de Murcie deux mois plus tôt et apporter le soutien de la presse française aux sinistrés et aux administrations locales. À lire les nombreuses dépêches qu’il expédie à son patron Arthur Meyer, il semble qu’il ait été bien introduit en haut lieu et invité à plusieurs réceptions, à Madrid, et que, à Murcie, il se soit fait accompagner par diverses personnalités locales, qu’il a pu interviewer, et que la solidarité de la presse française été accueillie avec reconnaissance par les autorités.

Néanmoins l’Espagne n’occupera par la suite que fort peu de place dans son œuvre et il n’exploitera pratiquement pas ses souvenirs de voyageur. Dans Les Mauvais bergers (1897), il manifestera sa solidarité avec le mouvement anarchiste et sa révolte contre un État oppressif et arbitraire en évoquant avec émotion la sanglante répression des libertaires catalans (environ 120 mises à mort) par Marie-Christine de Habsbourg, devenue régente pendant la minorité de son fils Alphonse XIII, et fera dire à Jean Roule : « Réfugié en Espagne, j’y fus tout de suite dénoncé… Englobé dans une conspiration anarchiste, arrêté sans raison, condamné sans preuves… durant deux longues années je pourris dans les cachots de Barcelone… et je n’en sortis que pour voir garrotter, au milieu d’une foule ivre de sang, mon ami Bernal Diaz. » L’Espagne se rappellera à son bon souvenir quand, de retour de son périple à travers la Hollande et l’Allemagne, il subira une perquisition policière, au lendemain d’un attentat contre Alphonse XIII, à Paris, le 1er juin 1905...

 

Les traductions de Mirbeau en Espagne

 

Mirbeau a été abondamment traduit en Espagne, de son vivant et pendant quelques années après sa mort, puis de nouveau depuis la chute du franquisme, mais en revanche la dictature franquiste a bien évidemment laissé tomber sur son nom et sur son œuvre une véritable chape de plomb, deux  éditions seulement ayant vu le jour en près de quarante ans. L’engouement pour Mirbeau dans les milieux intellectuels espagnols de la génération de 1898 s’explique en partie par l’attirance envers la littérature française en général, et en partie par le modèle de romancier et de dramaturge engagé que représentait l’auteur de Sébastien Roch et des Mauvais bergers, surtout, bien sûr, aux yeux des militants libertaires qui l’ont traduit, édité et représenté.

 

1. Les romans

Les premiers romans de Mirbeau ont été traduits de son vivant, sans que les dates en soient généralement indiquées, mais de nouvelles traductions ont vu le jour ces dernières années. C’est à Barcelone, Madrid et Valence qu’ils ont vu le jour.

* El Calvario (Le Calvaire) a paru à Madrid, chez Ocaña y Compañia,  sans doute dès 1889, dans une traduction de D. Cayetano de Torre-Munoz, qui a été reprise quelques années plus tard, chez le même éditeur, sous le titre français. Nouvelle édition, dont le traducteur est resté anonyme, aux Publicaciones Mundial de Barcelone, dans la collection « Biblioteca social », sans doute au début des années 1900. Troisième édition, de nouveau à Barcelone, chez Costa, en 1924, dans une traduction dont nous ignorons l’auteur. Quatrième édition, à Valence cette fois, aux éditions Estudios, vers 1930. À quoi il convient d’ajouter la publication en brochure du scandaleux chapitre II, sous le titre  La Guerra [“la guerre”], à Barcelone, chez l’Editorial Moderna, dans la collection « Inquietud », en 1922 ; le volume comporte aussi des contes et le dernier chapitre de Sébastien Roch.  

* El Abate Julio (L’Abbé Jules) a été publié à Valence, chez F. Sempere y Compañia, dans la collection « Arte y Libertad », à une date non précisée, sans doute au début des années 1930, dans une traduction de Gustavo Soledad, qui a cru devoir couper purement et simplement le dernier chapitre, le plus scandaleux, ainsi que la plus grande partie de l’avant-dernier, où est notamment censurée la chanson de Jules sur son lit de mort, ce qui fait que l’agonie de Jules devient presque édifiante. Une nouvelle traduction, qui serait due à Daniel Attala, est actuellement envisagée.

*  Sebastián Roch - La Educación jesuítica. Son recuerdos de niñez [“Sébastien Roch - l'éducation des jésuites - Ce sont des souvenirs d'enfance”] a été publié d’abord en 1901, à Valence, par  Francisco Sempere, dans une traduction de Felix Azzati, et a été, semble-t-il, réédité en 1904, 1905, 1909 et 1911, puis de nouveau dans les années 1920, dans la collection « Arte y libertad ».  L’engagement libertaire et anticlérical de l’éditeur explique à coup sûr le nombre de ces rééditions. Une nouvelle édition de la traduction d’Azzati a vu le jour dans les années 1930, chez un autre éditeur de Valence, Rustica editorial, dans la collection « Biblioteca de Estudios ». À quoi il convient d’ajouter la publication, en brochure, du dernier chapitre du roman sous le titre éloquent de Yo no mato [“je ne tue pas”], dans la collection « La Novela Obrera », n° 8, à une date non précisée.

* En el cielo (Dans le ciel),  a été publié en 2006 à Barcelona, par les Ediciones Barataria, dans la collection « Bárbaros », avec une préface de Pierre Michel. La traduction est due au nouvelliste argentin Daniel Attala. La critique a manifesté un bel enthousiasme.

* El Jardín de los suplicios (Le Jardin des supplices) a paru dès 1900 à  Barcelone, dans la Casa Editorial Maucci Hermanos, 1900, dans une traduction de Ramon Sempau et C. Sos Gautreau, et a connu trois rééditions jusqu'en 1908. Il faudra attendre 1977 pour que paraisse, à Madrid, chez Cupsa editorial, dans la collection « Grandes narradores », une seconde traduction, due à Ana Maria Aznar, accompagnée d’une préface de Luis Antonio de Villena. En 1984, est republiée, à Barcelone, la traduction de Ramón Sempau et C. Sos Gautreau, dans la collection « La sonrisa vertical » des Libros y Publicaciones Periódicas, dans la Biblioteca de erotismo, dirigée par Luis Berlanga. Une troisième traduction, signée Pedro Benavides et Luis Miguel Guerra, est publiée à Valence, chez Mestral Libros, dans la collection « La piedra lunar ». Enfin, en janvier 2010, à une semaine d’intervalle, sont sorties deux nouvelles traductions : l’une, chez un éditeur de Cordoue, El Olivo azul,  est l’œuvre de Carlos Cámara et de Miguel Ángel Frontán ; l’autre, chez un éditeur de Madrid, Impedimenta, est due à l’écrivain catalan Lluís Maria Todó. Signalons enfin, pour mémoire, une édition que nous n’avons pas vue et dont nous ignorons la date et le traducteur : elle a été publiée par l’Editorial Premia, dans la collection « La Nave de los Locos ».  

* Les Mémoires de mon ami a été publié en 2009 sous un titre très infidèle, Memoria de Georges el amargado [“Mémoire de Georges l'aigri”], par l’Editorial Impedimenta, de Madrid, dans une traduction de l'écrivain catalan Lluís Maria Todó. L’accueil critique a été remarquable.

* Le Journal d’une femme de chambre a été traduit de nombreuses fois, sous deux titres différents. D’abord sous un titre infidèle, où le “journal” de Célestine devient ses  “mémoires”,  Memorias de una doncella : en 1901, à Barcelone, chez Maucci, dans une traduction de A. Rivera et Ramon Sempau, qui semble complète et fidèle et qui a été rééditée au moins deux fois ; puis, vers 1925, à Madrid, chez Flérida, dans la collection « La Novela exquisita », sans indication de traducteur, dans une traduction visiblement tronquée (probablement à cause de la censure), mais avec des illustrations de Mirko ; puis en 1947, de nouveau chez Maucci ; enfin en 1966, à Madrid, chez E.D.A.F., dans un gros volume de la collection « El Arco de Eros » intitulé Historias galantes, qui comprend également le Satyricon de Pétrone, l’Heptaméron de Marguerire de Navarre er La Vie des dames galantes, de Brantôme. Ensuite sous un titre qui traduit fidèlement le titre français :  Diario de una camarera, : en 1974, à Barcelone,  chez l’Editorial Bruguera,  dans la collection de poche « Libro amigo » et dans une traduction de Julio Acerete, également auteur de l’introduction,   « Las mal bellas coleras de Mirbeau bajo el cielo de Normandia » [“les plus belles colères de Mirbeau sous le ciel de Normandie”] ; puis en 1993, à Madrid, aux Ediciones Cátedra, dans la collection « Letras universales », dans une traduction de Dolores Fernandez Lladó, qui a également signé la préface et la bibliographie.

* La 628-E8 a paru en 2007, sous le titre 628-E8 – Un viaje en autómovil [“un voyage en automobile”], publié par le Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz associé au Servicio de Publicaciones de la Deputación de Cádiz.  La remarquable traduction, a été réalisée par le Groupe de Recherche « Literatura-Imagen-traducción » de l’Université de Cadix, et Lola Bermúdez Medina a rédigé une importante préface, « 628-E8 : Un viaje en autómovil por la Europa de principios des siglo XX » [“un voyage en auto à travers l’Europe au début du vingtième siècle”].

 

2. Le théâtre

* Les Mauvais bergers (Los Malos pastores) a paru d’abord dans La Revista blanca, de Madrid, en 1901, puis, en volume, chez un éditeur de Barcelone, les Ediciones económicas Avenir, 1903, dans la traduction de Felipe Cortiella, qui avait précédemment traduit la pièce en catalan. Nouvelle édition de cette traduction à la Casa editorial Maucci, de Barcelone, en 1904, puis de nouveau à Madrid en 1913, dans l’Establecimiento tipografico de Felix Costa, par la Sociedad de Autores españoles avec un bref avant-propos de Felipe Cortiella, qui voit dans la pièce le « reflet admirable et assez fidèle des luttes et des préoccupations du présent ». Une autre traduction, due à Garcia Rico, a paru à une date inconnue chez un éditeur que nous n’avons pas identifié.

* L’Épidémie (La Epidemia) a été publié plusieurs fois, à des dates difficiles à préciser, entre 1904 et 1917, dans une traduction de José Chassinet, notamment par les  Ediciones económicas “Avenir”, de Barcelone, dans El Libro Popular, de Barcelone, dans La Escuela Moderna, en 1916, et par l’Imprenta « Germinal » de Barcelone, dans la Biblioteca de Tierra y Libertad.  

* Le Portefeuille (La Cartera) a paru d’abord dans La Revista blanca, de Madrid, le 1er octobre 1902, puis, vers 1926, dans El Libro Popular, n.º 4. Une traduction/adaptation de Jaime Revelles et Manuel Beas, a été représentée en 1906 au moins à Alicante, mais ne semble pas avoir été imprimée.

* Scrupules (Escrúpulos) a été publié en 1909, à Barcelone, par les Publicaciones Teatralia, dans la « Biblioteca Teatralia ».

* Les affaires sont les affaires a donné lieu à deux traductions aux titres différents : Los asuntos son los asuntos, dont nous ignorons la date et le traducteur et qui ne semble pas avoir été publié ; et Los negocios son los negocios, publié en 2000 à Madrid par les Publicaciones de la Asociación de Directores de Escena de España, dans une traduction de Jaume Melendres, également auteur de la préface. Nous ne connaissons pas les dates des diverses représentations : la recherche est encore à faire.

* Le Foyer (El hogar) a été à coup sûr représenté, mais nous ignorons à quelle date et de qui est la traduction, qui n’a pas été publiée.

 

3. Les contes et les chroniques

Plusieurs contes ont été publiés dans la presse espagnole, dont certains, non retrouvés et partant non identifiés, dans Germinal à partir de 1897. On trouve ainsi « Paisajes de otoño » (« Paysages d’automne »), El Radical, 5 septembre 1904 ; « Dias de permiso » (« Jours de congé »), El Radical, 29 mars 1905 ; « Dos hombres honrados » [“deux hommes honorables”], El Radical, 11 juin 1905 ;  « La Loca » (« La Folle »), El Pueblo, 19 décembre 1910 ; « En un camino » (« Sur la route », Le Journal, 16 septembre 1896), El Pueblo, 31 août 1912 ; « El Asesino » [“L’Assassin”] (sans doute « L’Assassin de la rue Montaigne »), El Mercantil valenciano, 7 février 1921 ; « La Muerte del perro » (« La Mort du chien »), dans l’ Almanaque de Tierra y Libertad para 1932 ;  « La Cartera » (« Le Portefeuille », dans Dinamita Cerebral (1933) ;  « Abajo la guerra – Relato de un oficial polaco » [“à bas la guerre – Récit d’un officier polonais”] (« Ils étaient tous fous »), Valence, Estudios, n° 115, mars 1933 ; « « Escrúpulos » (« Scrupules »), dans Cuentos anarquistas (193 ?) et Don Jose (« Monsieur Joseph »), publié en brochure en 1949, etc. Une recension plus complète reste à faire.

Signalons encore que La Grève des électeurs a donné lieu à deux traductions différentes, Diálogo electoral, paru à Barcelone, chez Vértice, vers 1930, et La huelga de los electores, publié par Tierra y libertad, en juin 2004 ; et que Esperanza Cobos Castro, de l’université de Cordoue, a traduit et mis en ligne seize contes de Mirbeau, sous le titre de Relatos franceses.

Mais la manifestation la plus évidente de l’intérêt des progressistes d’Espagne pour les contes et articles de Mirbeau est la publication, en 1921 et en 1922, de deux recueils de 128 pages. Le premier, El Alma rusa [“l’âme russe”], a paru chez un éditeur de Barcelone, Alfredo M. Roglan, dans la collection « Biblioteca popular Progreso », sans nom de traducteur. Le volume comprend quinze textes parus dans la presse, dans Le Journal et dans L’Humanité, et qui, pour la plupart, étaient alors inédits en volume en français. Ils seront réédités quelques mois plus tard en Argentine, sous le titre de Prostitución y miseria. Le second, La Guerra, a paru également à Barcelone, chez l’Editorial Moderna, dans la collection « Inquietud », dans une traduction de R. Blanca. Outre la traduction du chapitre II du Calvaire, qui fournit le titre, ce volume comporte trois contes cruels, « Relato de un oficial polaco » [“récit d’un officier polonais” ] (« Ils étaient tous fous »), « Prostitución y miseria » [“prostitution et misère”] (« Pour M. Lépine »], et « La Tristeza de Maese Pitaut » (« La Tristesse de maît’ Pitaut »), ainsi que quatre chroniques d’inspiration anarchiste : « Lamentaciones contra el estado » (« Lamentations contre l’État »), « El Rebaño » (« L’Émeute »),  « Celebremos el código » (« Célébrons le code ») et « La Centralización » [“la centralisation”] (« Vacances »).

Voir aussi les notices Catalogne et Argentine

P. M.

 

Bibliographie : Dolores Jimenez, « Mirbeau en Espagne – Notes sur quelques aspects de la réception de son œuvre », in Octave Mirbeau, Actes du colloque d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 423-434 ; Pierre Michel, « Un texte inconnu de Mirbeau en espagnol », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, mars 2009, pp. 192-196 ; Pierre Michel, « Les romans de Mirbeau vus par l’Opus Dei », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, mars 2009, pp. 197-201 ; Octave Mirbeau, Correspondance générale, L’Age d’Homme, 2003, tome I, pp. 247-257 ; Jean-François Nivet, « Murcie (un voyage en Espagne, 1979) », Les Carnets de l’exotisme, n° 12, juillet-décembre 1993, Le Torii éditions, pp. 53-60.


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