Familles, amis et connaissances

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Terme
PISSARRO, camille

PISSARRO, Camille (1830-1903), peintre, dessinateur et graveur français. Né dans l’île de Saint-Thomas, il appartient à une famille de négociants juifs  d’origine portugaise  installée aux Antilles danoises. Renonçant au commerce, il arrive à Paris en 1855 pour se consacrer à la peinture. Il subit d’abord l’influence des paysages de Corot et de Chintreuil. À partir de 1857, à l’Académie Suisse, il se lie avec Monet, Renoir et Cézanne, tous plus jeunes que lui. Admis au Salon dès 1859, il y expose assez régulièrement jusqu’en 1870, ce qui ne l’empêche pas de participer aux réunions des futurs impressionnistes où il joue un rôle décisif de fédérateur et d’organisateur. Il est alors soutenu par le jeune Émile Zola. En 1870, il se réfugie à Londres, y découvre (avec Monet) Turner et Constable et y rencontre Durand-Ruel, qui commence à s’intéresser à lui. Dans les années 1870, sa peinture devient plus aérée et plus claire, sans perdre sa solidité structurelle (Les Toits rouges, 1877, Orsay). Il peint sur le motif à Pontoise, avec Guillaumin et surtout Cézanne, qu’il encourage et aide à rompre avec son romantisme tourmenté. En 1885, suivant l’exemple de son fils aîné Lucien, il adopte la technique pointilliste, mais s’en lasse vite. Après avoir longtemps privilégié les sujets rustiques, les humbles travaux des champs et des villages, il se tourne à la fin de sa vie vers des motifs urbains présentés en vue plongeante (ponts et quais de Rouen, ponts et rues de Paris). Figure majeure et respectée de l’impressionnisme, il est le seul artiste à avoir participé aux huit expositions du groupe. Si Gauguin, puis Seurat et Signac, purent exposer avec les impressionnistes, c’est grâce à lui. Il resta fidèle au credo impressionniste : peindre sur le motif selon ses sensations et refuser la tentation de se présenter au Salon. Dessinateur prolifique, Pissarro est par ailleurs un maître de l’estampe, domaine dans lequel il n’a cessé de chercher. Sous l’influence de Degas, il a commencé, à la fin des années 70, par des monotypes. À partir de 1894, il emploie la couleur dans des eaux-fortes qu’il tire lui-même. En 1896, Vollard expose ses gravures, moins japonisantes que celles de Cassatt.

Ce n’est qu’à partir de 1886 que Mirbeau se met à écrire sur Pissarro. C’est le moment où le patriarche de l’impressionnisme adopte le pointillisme, que l’écrivain n’apprécie guère. Dans son compte rendu de la 8e et dernière exposition des impressionnistes, Mirbeau passe sous silence ce changement de technique : « On a reproché à M. Pissarro d’imiter Millet. Rien n’est plus absurde. M. Pissarro n’imite rien que la nature, et il voit la nature d’un œil très particulier. […]. M. Pissarro est un artiste robuste et sain, pour lequel je professe une vive admiration » (Combats esthétiques, I, 278). L’année suivante, Mirbeau aborde le problème frontalement : « Le procédé m’importe peu si la réalisation est belle ; et pourvu que je ressente une émotion, je ne vais pas chicaner l’artiste sur les moyens qu’il emploie. En art, la grande affaire est d’émouvoir, que ce soit par des touches rondes ou carrées. » (Combats esthétiques, I, 334). Puis vint le temps de l’amitié entre le peintre et l’écrivain qui partagent le même idéal libertaire et fréquentent le cercle de Jean Grave.

Le rôle de Mirbeau fut particulièrement important au début des années 90, lorsque Pissarro dut se relancer, au sortir de sa période pointilliste. En janvier 91, il publie dans la revue de Durand-Ruel sa première étude sur Pissarro, défini comme le peintre de l’harmonie : « Et cette harmonie […] vient de ce qu’il a été l’un des premiers à comprendre et à innover ce grand fait de la peinture contemporaine : la lumière » (Combats esthétiques, I, 413). En 1892, à l’occasion de la vaste rétrospective de l’artiste chez Durand-Ruel, Mirbeau rédige un nouveau dithyrambe pour Le Figaro : « Cette exposition […] nous montre ce maître, qui fut un chercheur éternel, à toutes les époques de sa vie d’artiste. Elle nous est donc […] comme le résumé de l’histoire intellectuelle d’un des plus admirables peintres qui aient jamais été » (Combats esthétiques, I, 458). Pissarro séjourne aux Damps, en décembre 91 et en septembre 92, peignant quatre vues du jardin des Mirbeau. Leur amitié est alors à son apogée et ils échangent de nombreuses lettres remplies d’affection. Pissarro apprécie les articles de Mirbeau, aussi bien quand il défend les impressionnistes que quand il démolit les « peintres de l’âme » ou vitupère l’ordre social. Pour Mirbeau, Pissarro est non seulement un très grand peintre et un compagnon de lutte, mais également un « père idéal ». Il apprécie hautement la conception que se fait Pissarro du rôle social de l’artiste. Triste de voir méconnu le talent de son ami, « ce talent si clair, si éloquent et si noble » (Correspondance, p. 59), il use de ses relations pour venir en aide au peintre et à ses fils, tous artistes. Il présente ce curieux phalanstère artistique dans « Une famille d’artistes », article publié en 1897 à la mort de Félix Pissarro (Combats esthétiques, II, 206-209). Malheureusement, la grande amitié s’est brutalement brisée en 1893, d’une manière absurde. En 1903, à la mort du peintre, Mirbeau conseille sa veuve pour la vente d’un certain nombre de toiles. L’année suivante, il préface le catalogue de l’exposition rétrospective chez Durand-Ruel. Il s’agit d’un bilan plus nuancé que les textes antérieurs : « Plus qu’aucun peintre, il aura été le peintre, vrai, du sol, de notre sol. […] Je l’ai connu et je l’ai vénéré » (Combats esthétiques, II, 346-347).



C.L.

Bibliographie : Janine Bailly-Herzberg, Correspondance de Camille Pissarro, vol. I, 1865-1885,  Paris, Presses universitaires de France, 1980 ; vol. II, 1886-1890, vol. III, 1891-1894, et vol. IV, 1895-1898, Paris, Éditions du Valhermeil, 1986, 1988 et 1989 ; vol. 5, 1899-1903, Saint-Ouen-l’Aumône, Éditions du Valhermeil, 1991 ; Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, édition établie, présentée et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Tusson, Du Lérot,1990 ; Lola Bermúdez : « Mirbeau-Pissarro : “le beau fruit de la lumière” », Actes du colloque Octave Mirbeau d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 91-99 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tomes 1 et 2, édition établie et présentée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Paris, Séguier, 1993.

 

 

           


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