Pays et villes

Il y a 116 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I L M N P R S T U V Y Z
Terme
HOLLANDE

Mirbeau et la Hollande

S’il est souvent indigné par l’Angleterre et s’il a tendance à tourner la Belgique en dérision, en revanche Mirbeau a pour les Pays-Bas les yeux de Chimène. À l’en croire, il s’y serait rendu à maintes reprises, mais seules trois séjours sont effectivement attestés : à la fin des années 1870, en 1896, à l’occasion d’un séjour en Belgique, et au printemps 1905, au cours de son périple européen à bord de sa Charron 628-E8. L’image qu’il donne des Pays-Bas dans La 628-E8 (1907) est effectivement très positive. Il y exprime une sorte d’euphorie devant les calmes apparences de cette patrie d’élection, aux ciels splendides, aux villes propres et remarquablement entretenues et au peuple pacifique, travailleur, patient et courageux, tout à la fois artiste et négociant. L’omniprésence de l’eau (« Ce n’est que de l’eau ») et de ses reflets de ciel, la richesse florale de ce « continuel jardin » qu’est la Hollande et la richesse des musées d’art contribuent à renforcer son attachement au pays de Rembrandt, de Rubens et de Van Gogh, où l’on est en droit, selon lui, de « rêver le bonheur universel » et dont il subit avec délice les « influences sédatives » : « C’est délicieux. La douceur du sol uni, sa claire et profonde monotonie que rompent et diversifient, à l’infini, l’immense lumière du ciel et les reflets de l’eau confondus, l’absence de tout appareil guerrier, le spectacle d’une vie à la fois active et très calme, d’où tout effort douloureux semble être banni, l’énergie tranquille des visages, le silence des polders et des canaux, tout cela vous prend, vous subjugue, vous conquiert. » Non sans exagération, il prétend y avoir passé tout un mois, « un mois merveilleux, un mois enchanté » et être « encore tout ému de ses paysages de ciel et d’eau, de ses villes penchées, de ses musées ». Mais, comme le remarque Lola Bermúdez, Mirbeau tend à idéaliser quelque peu : il ne s’appesantit pas sur les conflits sociaux qui couvent, et il ne dit mot du colonialisme hollandais qui, certes moins sanglant que l’anglais et que le français, n’en est pas moins lui aussi un système inique de domination et d’exploitation.

En réalité, Mirbeau n’est pas dupe des apparences, il a simplement envie d’y croire pour contribuer à les transformer un jour en réalités : « En bons égoïstes, en sages privilégiés de la fortune, ne cherchez pas trop à briser cette surface riante qui recouvre, peut-être, comme partout, des haines farouches, bien des luttes fratricides, une fermentation sociale qui, à Amsterdam, à Rotterdam, principalement, s’échauffe et bout dans les bas-fonds de la misère et du travail. Contentez-vous, comme toujours, des apparences qui rassurent, et, comme toujours faites-en des réalités. Que vous importe, si elles mentent ?… Il sera toujours temps de vous réveiller de vos rêves d’autruches. »

 

Mirbeau en Hollande

            a) Traductions

Comme le néerlandais ne compte qu’un nombre relativement modeste de locuteurs, et comme les Hollandais pratiquent beaucoup les langues étrangères, le nombre de traductions ne manque pas de surprendre. Certes, les romans dits « autobiographiques » sont restés inaccessibles aux néerlandophones, de même que Dingo et les pièces de théâtre. Mais cinq autres romans ont été publiés aux Pays-Bas, ce qui n’est pas négligeable.

* Le Jardin des supplices a été traduit une première fois par J. Feitsma, pour le compte de G. Schoonderbeek, sous un titre fort étrange, O, Vrouw...  [“Oh ! la femme...”]. C’est seulement en 1967 que paraît, à Amsterdam,  chez De Arbeiderspers - A B C Boeken, la traduction de Martin Ros et Pieter Beek, intitulée fidèlement De Tuin der Folteringen, qui fait autorité. Martin Ros la republie à son compte en 1997, dans la « Martin Ros Bibliotheek », puis de nouveau en 2004. Plusieurs rééditions, toujours agrémentées d’une brève postface, donnent lieu à des couvertures différentes.

* Le Journal d’une femme de chambre a été connu aux Pays-Bas sous deux titres différents. Dès 1900, J. Bergé, de Rotterdam, fait paraître Het Dagboek van een kamenier, dans une traduction assez libre de R. Bott. En 1907, nouvelle traduction, anonyme, sous le titre qui restera : Het Dagboek van een kamermeisje. Il faut attendre 1966 pour que sorte, chez De Arbeiderspers, collection  Grote A B C Boeken, n° 36, la traduction de Martin Ros, qui aura dix-huit rééditions jusqu’en 1980. Elle sera reprise chez un nouvel éditeur, De Prom, en 1989. Signalons encore que, en 1992, Jo Roets et Greet Vissers ont tiré du roman une adaptation théâtrale destinée aux enfants, Het Kammermeisje [“la femme de chambre”], qui a été éditée à Amsterdam par l’International Theatre Bookshop et le Nederlands Theater Instituut.

* Les 21 jours d’un neurasthénique a été également traduit par Martin Ros et édité en 1974 par De Arbeiderspers, sous le titre de De badkuur van een zenuwlijder [“la cure thermale d'un neurasthénique”].

* Comme en Angleterre, La 628-E8 n’a été que partiellement traduit et a paru en 1990 à Harlem, chez H. J. W. Becht, sous le titre de Schetsen van een reis [“esquisses d'un voyage”], avec la même préface que dans l’édition anglaise, signée Richard Nathanson et traduite de l’anglais. Curieusement, la traduction néerlandaise n’a pas été faite d’après le texte français, mais d’après la traduction anglaise, et, comme en Angleterre, c'est le nom de Bonnard qui figure sur la couverture, comme s'il était l'auteur du texte…

* Les Mémoires de mon ami est paru chez Iris en 2003 sous le titre, fidèle, de De memoires van mijn vriend, dans une traduction de Dick Gevers et Bart Schellekens. Mais le texte n’est accessible, moyennant une légère rétribution, que sur le site Internet de Dick Gevers.

* En 2010, également chez Iris, le même Dick Gevers a publié en brochure une sienne traduction de La Grève des électeurs, De Kiezersstaking, dans la collection « Anarchistische Teksten, n° 17. Il a aussi rédigé la préface, « Het eerste anti-verkiezinmanifest » [“le premier manifeste anti-électoral”].

* Le théâtre n’a pas donné lieu à des traductions imprimées. Mais il est sûr cependant que des pièces de Mirbeau ont été données en néerlandais, en particulier Besigheid is besigheid : le travail de recension reste à faire. Il est à noter qu’en Hollande, à Zwolle, a paru en 1919 une édition en français des Affaires sont les affaires, accompagnée de notes explicatives, aux éditions W. E. J. Tjeenk Willink, dans un recueil de Comédies modernes.

.

b) Études mirbelliennes

Bien que sensiblement moins développées qu’en Italie, Angleterre, Espagne ou Allemagne, les études mirbelliennes ne sont pas pour autant inexistantes aux Pays Bas. C’est surtout Leo Hoek, de la Vrije Universiteit d’Amsterdam, qui y attache son nom, pour avoir consacré six articles, en néerlandais et en français, à la critique d’art de Mirbeau. Mais il faut aussi citer les noms de Dick Gevers, auteur de deux études et également traducteur, et de Jan Brokken, auteur d’un article d’une quarantaine de pages paru en 1977 dans un journal de La Haye, De Haagse Post, et inséré en 2004 dans Zoals Frankrijk was [“comment était la France”].

P. M.

 

Bibliographie : Lola Bermúdez, « Espaces de bonheur dans le voyage mirbellien », Verbum Analecta, Budapest, volume 8, n° 2-3, décembre 2006, pp. 301-314 ; Lola Bermúdez,  « Les Pays-Bas dans La 628-E8 », in Actes du colloque de Strasbourg, L'Europe en automobile – Octave Mirbeau écrivain voyageur, Presses de l'Université de Strasbourg, 2009, pp. 87-96 ; Dick Gevers, « La Réception de Mirbeau en Hollande », Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, 1996, pp. 134-137.

 

 


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL