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LETTRES A BANSARD

Les lettres de Mirbeau à son ami de jeunesse Alfred Bansard des Bois ont été achetées par Pierre Michel en 1967 et publiées par ses soins en 1989, à Montpellier, aux Éditions du Limon, dans la collection « Ego scriptor » (175 pages). Leur édition critique comporte une préface, des notes, une petite bibliographie, aujourd’hui dépassée, et un index.

Ces quelques soixante lettres de jeunesse couvrent une période allant de 1862, alors que le jeune Octave est interne chez les jésuites de Vannes, dans ce qu’il appelle « un véritable enfer », jusqu’en 1874, quand il envoie à son ancien confident une banale lettre de condoléances révélant que leurs voies ont divergé et que l’amitié de naguère n’existe plus qu’à l’état de vestige. La plupart des lettres ont été écrites dans les trois années qui précèdent la mort de sa mère et son départ à la guerre de 1870.

Elles présentent un triple intérêt.

* Tout d’abord, elles constituent pour le jeune écrivain en herbe un terrain d’exercice et d’expérimentation : il s’entraîne, il fait ses gammes, il met en œuvre tout un arsenal de procédés rhétoriques et stylistiques qui lui seront fort utiles dans la suite de sa carrière de chroniqueur, de polémiste et d’auteur dramatique. D’où un ébouriffant festival de cocasseries verbales et d’inventions lexicales, telles qu’on en retrouvera en particulier dans ses romans “nègres”.

* Ensuite, elles permettent de beaucoup mieux connaître le jeune Mirbeau, de suivre la genèse de sa personnalité d’adulte et d’écrivain et de mieux comprendre son œuvre littéraire à venir. Il dispose déjà d'une plume acérée et efficace et d'un humour corrosif, qui constitue aussi la meilleure des carapaces. Mais il est aussi rongé par la neurasthénie, il alterne les phases d'agitation frénétique et les périodes d'inertie contemplative, comme il en aura souvent par la suite, et il s'avère d'autant plus incapable de s'astreindre à une existence mortifère, dans le cercueil notarial de Me Robbe, qu'il est fasciné par Paris, la ville-poison, la Babylone moderne, qui est aussi la ville-remède, où il espère assouvir enfin ses désirs mal comprimés et ses ambitions sociales et littéraires. Le Mirbeau de la maturité est déjà tout entier dans le jeune provincial ambitieux, Rastignac doublé de Mme Bovary, pour qui l’ami Alfred ne sert guère que de réceptacle à confidences.

* Enfin, elles ont constitué une révolution dans la connaissance du jeune Mirbeau et dans la compréhension des douze années de prostitution politico-journalistique, qui vont suivre et qui étaient jusque là insoupçonnées. Car, loin d’être le conservateur catholique que les commentateurs ont longtemps prétendu, il apparaît déjà révolté contre la société bourgeoise, contre la langue de bois des politiciens, contre la chape de plomb du conservatisme et du conformisme provinciaux, contre la politique belliciste du Second Empire, et surtout contre l'Église romaine et les superstitions religieuses, tout juste bonnes pour des pensionnaires de Charenton ; et il en arrive à souhaiter la chute de l’Empire. L’intellectuel engagé et le libertaire passionné sont déjà tout entiers dans le jeune ambitieux, révolté et idéaliste, qui fait ses armes dans son bourg de Rémalard en rêvant d’évasion vers Paris.

Voir aussi les notices Bansard des Bois et Rémalard.

P. M.

 

Bibliographie : Alexandre Lévy, « Mirbeau épistolier : Lettres à Alfred Bansard des Bois », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 33-45 ; Pierre Michel, préface des Lettres à Alfred Bansard, Éditions du Limon, 1989, pp. 9-32 ; Pierre Michel,  « Octave Mirbeau de Rémalard », Colloque Octave Mirbeau, Actes du colloque du Prieuré Saint-Michel de Crouttes, Éditions du Demi-Cercle, 1994, pp. 19-34.

 

 

 


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