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Terme
MAKART, hans

MAKART, Hans (1840-1884), peintre et décorateur autrichien, prototype de l’artiste officiel et  académique, célébré pour son sens des couleurs et son talent décoratif. En 1869 l’empereur lui a offert un immense atelier, qu’il a aussitôt rempli d’une multitude de sculptures, de tapis et de bibelots et qui est vite devenu un salon fort couru. Au service de son protecteur, il a peint le plafond de la maison de chasse de l’impératrice (1882) et organisé les grandes fêtes de la Cour (celle des noces d’argent de l’empereur François-Joseph, en 1879, est restée célèbre, sous le nom de « Makart-Parade »), ce qui a fait de lui une figure incontournable de la vie mondaine et culturelle de Vienne. Outre des portraits et des scènes allégoriques, il a peint de grandes machines historiques : Lavoisier en prison, La Peste de Florence, et surtout L’Entrée de Charles-Quint à Anvers (1878), qui fit scandale à cause de la présence de femmes nues dans la procession. Décédé prématurément, il eut droit à des funérailles grandioses. D’après les historiens d’art, Makart aurait fortement influencé Gustav Klimt.

Mirbeau a consacré à Makart un article nécrologique au vitriol, dans La France du 10 octobre 1884. Il voyait en lui, non un artiste, mais « un haut fonctionnaire, un ministre, et rien de plus », dans la lignée de ces peintres « médiocres, myopes et souples », qui sont devenus « les instruments passifs de la propagande gouvernementale et des personnages politiques ». Pour lui, Makart était exactement le peintre qu’il fallait à Vienne, « ville sans art, sans littérature, sans musique, sans philosophie », et à « cette société sans idéal et sans goût, que remuent seulement les brutalités des décorations tapissières, les décadences de la chair morbide et des nudités impures ». Étonné par les naïvetés de ses « lubricités », qui « ne sont que les grossissements confus des rêves au-delà du possible qui hantent l’esprit des collégiens et des solitaires, Mirbeau qualifiait  La Peste de Florence de « tableau purement obscène », symptomatique du « trouble cérébral dans lequel se débattait l’idéal malade et attaqué aux moelles de Makart », qui s’était toujours avéré incapable de saisir « la moindre parcelle de vérité humaine » et n’a cessé de « flotter dans le vague, poursuivi par des inspirations indéfinies ». Quant à sa réputation de « coloriste », Mirbeau la jugeait imméritée, car en réalité Makart ne s’était jamais soucié des effets de la lumière ni de « l’harmonie des tons ».

Deux ans auparavant, dans son roman “nègre”, L’Écuyère, Mirbeau s’était inspiré ouvertement de Makart pour imaginer le peintre Alexandre Mazarski, à qui il attribuait carrément L’Entrée de Charles-Quint à Anvers. Le chapitre II comportait une longue description de l’atelier de ce portraitiste mondain, venu tout droit de son modèle viennois : « L’atelier, éclairé par une large baie habillée d’un store en soie rouge, allongeait ses profondeurs de Hall dans une paix grandiose et muette de chapelle. Un balcon de bois ajouré coupait la pièce en hauteur, drapé d’étoffes d’Orient, qui semblaient des caparaçons d’apparat, les housses riches de haquenées immobiles; un escalier double en fer à cheval descendait par une pente molle tapissée, avec, au centre, un marbre debout, une Almée nue de Schoenewerk, se voilant la face de ses deux bras tordus, les hanches pleines, comme laiteuses, soulevées par des pudeurs, dessus un socle en peluche cramoisie. Au pied, dans une vasque de malachite, un jet d’eau pleurait goutte à goutte. C’était un éblouissement d’armes rares que les murs, égayés de toiles de prix [...], enguirlandés de ceintures, de tapis de soie, pavés de plats de Rhodes et de Perse qui s’ouvraient comme des yeux glauques, au-dessus des cabinets italiens marquetés d’écaille et de pierres dures et des vitrines flamandes aux tablettes de glaces allumées d’orfèvreries rococo. [...] »

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Hans Makart », La France, 10 octobre 1884.


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