Thèmes et interprétations

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Terme
OPERETTE

Pendant longtemps, l’opérette n’a été, aux yeux de Mirbeau, qu’un divertissement stupide, destiné à l’abêtissement du petit bourgeois misonéiste, qui y cherche de tranquilles digestions et y voit le summum de l’art qu’il puisse tolérer. Dès ses débuts journalistiques, il a déploré « le courant qui emporte le public vers les gaietés artificielles et les excitations factices de l’opérette » et qui « devient plus fort et impétueux que jamais » (« Revue dramatique », L'Ordre de Paris, 3 novembre 1875). Dans ses Grimaces de 1883, il évoque avec dégoût « les auteurs qui, sous les ombrages de Chatou ou de Croissy, apprivoisent des couplets d'opérettes » ou « préparent des piécettes destinées aux casinos des divers bains de mer » (Les Grimaces, 21 juillet 1883). Le terme même d’opérette est souvent utilisé pour discréditer, en les rabaissant, des choses aussi diverses et dérisoires que les cours européennes ou l’armée russe, une capitale comme Bruxelles et un “grand opéra” comme le Faust de Gounod (« prétentieuse, larmoyante et  plate opérette »), ou encore l’Académie Française, qui accepte à la rigueur des librettistes d’opérettes, tels que Ludovic Halévy, mais ferme carrément la porte à tous ceux qui seraient coupables d’avoir « une belle œuvre à montrer » (« Notes académiques » Le Matin, 5 février 1886).

Pourtant, il a toujours fait une exception pour Offenbach, qu’il a apprécié dès ses premiers séjours parisiens, quand il s’est « désopilé la rate » devant La Grande-duchesse de Gerolstein, et dont, en 1875, il vante Le Voyage dans la lune, car, reconnaîtra-t-il sur le tard, il y a dans ses œuvres une si franche gaieté et une telle « vitalité » que « le temps a passé sur elles sans les faner ». Et, alors qu’il n’avait eu que mépris pour Halévy candidat à l’Académie, en relisant ses livrets d’opérettes et opéras-bouffes, concoctés avec la complicité de Meilhac, il y trouve  une « grâce inventive et hardie », un « esprit irrespectueux et frondeur » et une « source de fine et joyeuse satire », d’autant plus appréciables que, « à cette époque de silence et d’asservissement » qu’était le Second Empire, « on ne pouvait pas parler au théâtre, pas plus que dans le livre ou la presse ». Or, curieusement, le régime tolérait cette soupape qu’était l’opérette d’Offenbach, sans apparemment bien comprendre « ce qu’il y avait de solides coups de pioche sous les déhanchements du chahut et de grondement révolutionnaire sous ce rire » (« L'Opérette », Le Journal, 2 février 1902). Mirbeau opère là une distinction d’importance entre, d’un côté, une gaieté factice, qui n’est qu’un vulgaire divertissement, un oubli des questions importantes et qui est conçue comme un moyen de crétiniser les masses et de préserver l’ordre établi, et, de l’autre, une gaieté subversive qui, par le rire, contribue à démasquer les pouvoirs en place et la mensongère idéologie dominante. Si la plupart des opérettes relèvent du premier type, celles d’Offenbach-Meilhac-Haléy, puis de Claude Terrasse-Franc-Nohain (La Fiancée du scaphandrier, Au temps des croisades) relèvent du second : « Ainsi comprise, l’opérette est une forme d’art charmante et utile, et profondément éducatrice de l’injustice de nos lois et de la folie de nos institutions » (ibid.).

Voir aussi les notices Opéra, Halévy et Chroniques musicales.

P. M.

Bibliographie : Octave Mirbeau, « L'Opérette », Le Journal, 2 février 1902.

 


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