Familles, amis et connaissances

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Terme
MELINE, jules

MÉLINE, Jules (1838-1925), politicien français. Ancien avocat, il a été élu député des Vosges en 1872, puis a été deux fois ministre de l’Agriculture, et enfin président du Conseil d’avril 1896 à juin 1898. Représentant de la droite républicaine, conservatrice et rurale, il était partisan du protectionnisme économique, considérant que, pour soutenir l’agriculture, qui était à ses yeux la base du développement, il fallait ériger des barrières douanières, ce qui lui a valu, parmi les paysans, volontiers « mélinistes », une grande popularité dont Mirbeau s’est souvent gaussé. C’est sous son ministère qu’ont eu lieu les premiers remous de l’affaire Dreyfus. Confronté aux conséquences du « J’accuse » d’Émile Zola, paru dans L’Aurore le 13 janvier 1898, et qui visait à mettre le gouvernement au pied du mur, il est parvenu à se sortir du dilemme dans lequel Zola voulait l’enfermer en isolant une phrase de l’ensemble du texte, sans dire mot du reste. Dès lors, il pourra prétendre qu’« il n’y a pas d’affaire Dreyfus », mais simplement une diffamation du conseil de guerre, accusé par Zola d’avoir acquitté Esterhazy « sur ordre », accusation impossible à prouver et par conséquent diffamatoire et passible de poursuites judiciaires, sans que jamais il soit besoin d’évoquer le fond de l’affaire. Méline a démissionné le 15 juin 1898 et a été remplacé par Henri Brisson. Il sera de nouveau ministre de l’Agriculture en 1915.

À plusieurs reprises, Mirbeau a vigoureusement dénoncé ce qu’il appelle sa « fureur protectionniste », d’abord dans deux articles du Figaro : « Protégeons-nous les uns les autres » (24 mars 1894) et « Encore M. Méline » (13 avril 1891), ensuite dans Le Journal du peuple : « Une face de Méline » (1er mars 1899). Pour lui, le protectionnisme étouffe la vie en même temps que la lutte et le mouvement, il empêche l’épanouissement des potentialités du plus grand nombre et il contribue à affamer les pauvres en interdisant la concurrence favorable à la baisse des prix. En imposant des droits de douane aux importations et en garantissant des prix élevés aux agriculteurs français riches ou aisés, il « n’a servi, jusqu’ici, qu’à la protection exclusive des riches », et a eu et aura encore pour conséquence l’élévation des prix, le renchérissement du coût de la vie pour le plus grand nombre et, par voie de conséquence, l’accroissement de la pauvreté. En 1891, dans un quotidien de droite comme Le Figaro, Mirbeau  pronostique déjà, mais sur le mode plaisant, « un désastre fatal, plus irréparable que celui de 1870 », le protectionnisme risquant fort, « après quelques années de fonctionnement », de nous laisser dans « le même état de dénuement » que la petite femme nue qui symbolise la Postérité dans le monument Flaubert à Rouen, car, avec Méline, ce sera le retour aux « beaux jours des civilisations préhistoriques, où les hommes cachaient leurs chairs nues sous la fruste ingéniosité des dépouilles agrestes »… Il est encore plus virulent en 1899, dans un quotidien libertaire : « Il faut, pour qu’il soit grand et fort, qu’un peuple crève de faim. Or, pour qu’un peuple crève de faim, M. Méline a observé qu’il suffit de le protéger. Et, par protéger, M. Méline entend qu’il faut obliger le producteur à produire les objets de consommation à des prix tels que personne ne puisse plus consommer. Voilà tout le système. Depuis qu’il fonctionne sous la garde des lois, il a donné de surprenants résultats. Il y a eu, de tous les côtés, des ruines en grand nombre, et tout le monde s’est plaint de la cherté croissante de la vie. Jamais, non plus, tant de chômage ! » (« Une face de Méline », loc. cit.).

P. M.

 

 

 

 


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