Familles, amis et connaissances

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Terme
ROUJON, henry

ROUJON, Henry (1853-1914), administrateur, homme de lettres et amateur d’art. Licencié en droit, il a commencé sa carrière de fonctionnaire en 1876, quand il est entré au ministère de l’Instruction publique. Il fréquentait alors les milieux de la bohème littéraire et artistique et a même été secrétaire de rédaction à La République des Lettres de Catulle Mendès. Après avoir travaillé au cabinet de Jules Ferry, dont il était le secrétaire particulier, il a été nommé en 1891 Directeur des Beaux-Arts, et l’est resté jusqu’en 1914. Élu à l’Académie des Beaux-Arts, il en est devenu le secrétaire perpétuel en 1903, avant d’être de surcroît élu à l’Académie Française en 1911. Il a aussi perpétré un roman, Miremonde (1895).

Mirbeau l’a fréquenté à la fin des années 1870, alors que Roujon collaborait à La République des Lettres, sous le pseudonyme d’Henry Laujol. Aussi, en le voyant arriver à la direction des Beaux-Arts, a-t-il caressé un temps l’espoir de le voir soutenir les artistes novateurs et modifier d’importance la politique de l’État en matière d’art, sans pour autant entretenir trop d’illusions : « Au début, il ne sera pas foncièrement pourri ; il aura le désir de faire quelque chose d’autre », confie-t-il à Pissarro, dont il s’est mis dans la tête de demander à Roujon, qu’il croit alors « sincèrement disposé », de lui faire  acheter une toile par l’État. L’administrateur lui a répondu chaleureusement, a semblé prêt à l’écouter, lui a donné rendez-vous la prochaine fois qu’il viendrait à Paris ; mais là-dessus il est tombé malade, est parti en convalescence à Arcachon, et l’affaire a eu d’autant moins de suite que le vieil anarchiste Pissarro était plus que réticent à l’idée de vendre une de ses œuvres à cet État honni. À défaut du père, Mirbeau a tenté quelque chose en faveur des fils Pissarro, Georges et Félix, qui travaillaient à des cartons d’eaux-fortes, mais il est douteux que l’affaire ait abouti. Un an plus tard, nouvel échec pour faire acheter par l’État La Valse de Camille Claudel, exposée au Salon, alors que Mirbeau avait bien pris soin d’inviter Roujon à Carrières pour le mettre dans les meilleures dispositions. Profitant du passage au ministère de Raymond Poincaré, politicien ouvert, Mirbeau a tenté un nouvel effort, couronné de succès, cette fois : le 25 juillet 1895, le ministère a bien commandé à Camille Claudel « le modèle en plâtre d’un groupe, L’Âge mûr », et le lui a bien payé 2 500 francs, mais c’est Roujon qui refusera par la suite qu’on en tire un bronze...

Dès lors, Mirbeau a perdu ses dernières illusions sur son ancien compagnon de bohème, engagé dans un inattendu cursus honorum, et il n’a plus cherché à le ménager. Dans un article du 22 janvier 1900, « Dans la sente », il oppose le Roujon d’autrefois (« un charmant jeune homme très ardent, très enthousiaste », vaguement anarchiste, et ivre de liberté) et le Roujon d’aujourd’hui : « Il n’y a pas de pire trembleur, de pire réactionnaire en art, en lettres, en toutes choses, que cet ancien anarchiste qui, jadis, dans les brasseries de la place Pigalle, chantait de si farouches vérités. Aujourd’hui Roujon, c’est le fonctionnaire, le rond-de-cuir, décrit par Rimbaud, dans toute sa beauté servile et agressive. Il se venge sur les grands artistes et sur les belles choses du talent qu’il aurait bien voulu avoir et qu’il n’a pas eu. » Mirbeau va jusqu’à imaginer que Roujon pourrait en arriver à interdire des pièces écrites naguère par Laujol (« Un peu de théâtre », Le Journal, 5 novembre 1901)... Enfin, dans ses Têtes de Turc de L’Assiette au beurre (31 mai 1902), il présente Henry Roujon en des termes ironiques et nettement dépréciatifs : il est le « chef de l’art, en France », et, à ce titre, il « l’élève, le subventionne, le développe, le protège, le vulgarise, le vend, l’achète, l’épluche, le tamise, l’accommode, le mijote, le décore et, finalement, le sert dans les musées, où les amateurs le consomment. »

P. M.

 

 

 

 

 


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