Thèmes et interprétations

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Terme
TAUTOLOGIE

L’une des cibles privilégiées de Mirbeau est le langage, considéré dans ses limites et le détournement volontaire de ses formes. Les multiples écritures de la pensée bourgeoise aiguillonnent sa verve, et il serait superficiel de ne pas y voir une authentique réflexion sur l’expression d’une médiocrité ambiante.

Précisément, celle à laquelle on associe le plus aisément l’œuvre de Mirbeau est la tautologie. La phrase « Les affaires sont les affaires » – le titre existe déjà sous la plume de Théodore Barrière, en 1856, dans Les Faux Bonshommes, puis de Dumas fils, dans La Question d’argent, enfin sous celle d’Augier, dans Les Lionnes pauvres –,  est un propos de Germaine Lechat qui donne son titre à la pièce de 1903. Il se décline en une série de pensées mécaniques et redondantes, toutes exprimées de façon identique. Le cynique « La guerre, c’est la guerre », dans la nouvelle « Le Tronc » (Le Journal, 5 janvier 1896)), incarne la parole favorite des planqués et des bénéficiaires de traitements de faveur. L’amer « La vie, c’est la vie », scandé par William à Célestine dans Le Journal d’une femme de chambre (1900), ou le pragmatique « L’argent est l’argent » du jardinier Piscot, dans Dingo (1913), symbolisent cette défection de l’entreprise explicative qui se retranche derrière la vacuité du langage. « La loi est la loi », dans « Le Portefeuille » (Le Journal, 23 juin 1901) fonctionne comme une invitation à la résignation et à la fatalité sociales. Plus terre-à-terre, « Un mari, c’est toujours un mari », concentre, dans « Il est sourd » (Le Journal, 18 août 1901), un prêche conjugal assez efficace en dépit de sa pauvreté rhétorique.

Selon Roland Barthes, « la tautologie fonde un monde mort, un monde immobile ». Mode d’annihilation du langage inféodé aux puissances de l’argent et à la pensée spéculatrice, plutôt que spéculative, une telle codification est débusquée par Mirbeau comme une vertigineuse et  dangereuse falsification de notre humanité.

S. L.

 

Bibliographie : Samuel Lair, Mirbeau et le mythe de la nature, Presses Universitaires de Rennes, 2004, pp. 231-240.

 


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