Familles, amis et connaissances

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Terme
BAUQUENNE, alain

BAUQUENNE, Alain, est le pseudonyme d’un certain André Bertéra, né en 1853, dont nous ne savons rien, si ce n’est qu’il a publié en 1880, chez Ollendorff, un roman intitulé L'Amoureuse de Maître Wilhelm et qui ne semble pas être de la main d’Octave Mirbeau (mais l’étude reste à faire). Car il se trouve que, pendant plusieurs années, Mirbeau a fait le “nègre” pour ce Bertéra, lequel a publié, sous le pseudonyme d’Alain Bauquenne, et toujours chez Ollendorff, six volumes qui, par leur style et leur imaginaire autant que par les thèmes traités et la vision du monde et de la société qui s’en dégage, sont du pur Mirbeau : trois recueils de nouvelles (Ménages parisiens, 1883, Noces parisiennes, 1883, et Amours cocasses, 1885, les deux derniers republiés en 1995 chez Nizet, en un seul volume) ; et  trois romans, qui ont été réédités en annexe de l’Œuvre romanesque de Mirbeau et ont ensuite été mis en ligne par les Éditions du Boucher : L’Écuyère (1882), La Maréchale (1883) et La Belle Madame Le Vassart (1884), remake de La Curée, de Zola.

Le nom d’Alain Bauquenne est totalement inconnu par ailleurs, et c’est  Otto Lorenz qui, dans son Catalogue de la librairie française de 1885, précise curieusement, contre tous les usages, qu'il est, outre celui d'André Bertéra, le « Pseudonyme de M...... » La mention de ce M suivi de six points ne manque pas d’étonner, car en principe les “nègres” ne sont pas supposés connus et aucune mention n’est jamais faite de leur participation à une œuvre parue sous un autre nom, fût-ce celui d’un négrier connu comme tel. Autre étrangeté : il se trouve que le même pseudonyme de Bauquenne sert à la fois à (mal) camoufler le “nègre” et le négrier, André Bertéra, comme si, au lieu de profiter d’une notoriété certes usurpée, mais légalement acquise moyennant phynances, celui-ci préférait tenir honteusement cachée une paternité qui lui pèse ! Force nous est de conclure qu’en l’occurrence le secret habituel en ce genre d’affaires a été fort mal gardé et que la mèche a bel et bien été vendue, sans quoi ce genre de fuite n’aurait pas été possible. Probablement par le romancier lui-même qui, se voyant dépouillé par contrat de tout droit sur son œuvre, rageait sans doute de ne pouvoir proclamer sa paternité frustrée sur des volumes dont il connaissait mieux que personne la valeur, à l’instar du personnage, nommé Jacques Sorel, d’un des premiers contes parus sous le nom de  Mirbeau en 1882, « Un raté » : « Je voudrais aujourd’hui reprendre mon bien ; je voudrais crier : “Mais ces vers sont à moi ; ce roman publié sous le nom de X… est à moi ; cette comédie est à moi.” On m’accuserait d’être un fou ou un voleur. » Un fou qui se prendrait pour Victor Hugo, Balzac ou Molière. Un voleur qui tenterait abusivement de récupérer un bien qu’il a pourtant vendu en bonne et due forme en échange d’espèces sonnantes et sur lequel il n’a donc pas plus de droit que l’ouvrier d’une usine Renault sur la Clio qu’il a contribué à fabriquer moyennant salaire.

Ne connaissant pas le contrat de négritude qui a été signé par les deux parties (un seul contrat de ce type est parvenu jusqu’à nous et concerne Xavier de Montépin), nous ignorons quels en ont été les termes, ni quelles exigences a pu manifester le commanditaire. Mais, pour tous les romans et recueils parus sous la même signature, il y a fort à parier que le romancier a bénéficié de la plus grande latitude, tant les thèmes qu’il y traite lui tiennent à cœur, et tant l’écriture est caractéristique de sa manière.

Voir aussi les notices Négritude, Raté, Domesticité, Prostitution, Conte, Roman, Amours cocasses, Noces parisiennes, L’Écuyère, La Maréchale et La Belle Madame Le Vassart.

P. M.

 

Bibliographie : Sándor Kálai,  « Sous le signe de Phèdre : La Belle Madame Le Vassart et La Curée », Cahiers Octave Mirbeau, n° 10, 2003, pp. 12-30 ; Pierre Michel, préface d'Amours cocasses, Nizet, 1995, pp. 7-13 ; Pierre Michel, « L’Écuyère : tragédie et pourriture », introduction à L’Écuyère, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-21 ; Pierre Michel, « La Maréchale : au-delà d’Alphonse Daudet », introduction à La Maréchale, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-15 ; Pierre, Michel, « La Belle Madame Le Vassart, ou Zola revisité , introduction à La Belle Madame Le Vassart, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-27 ; Pierre Michel,  « Quelques réflexions sur la “négritude” », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 4-34 ; Arnaud Vareille, « Amours cocasses et Noces parisiennes : la légèreté est-elle soluble dans l’amour ? », Cahiers Octave Mirbeau, n° 11, 2004, pp. 34-52 ; Robert Ziegler, « Pseudonyme, agression et jeu dans La Maréchale », Cahiers Octave Mirbeau, n° 9, 2002, pp. 4-16

 

 


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