Thèmes et interprétations

Il y a 261 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J L M N O P Q R S T U V
Terme
CIRQUE

Le cirque est un spectacle qui comporte des numéros de dressage, d'acrobatie, de domptage et de clowns.  L'âge d'or du cirque était le XIXe siècle, dont les programmes offraient souvent des pantomimes, et dont le public était, selon le jour de la semaine, aussi bien élégant que populaire. Le cirque que Mirbeau fréquentait comme journaliste, mais aussi pour son propre plaisir, était le cirque fixe (par opposition au cirque ambulant). Dans la deuxième moitié du siècle, Paris en possédait quatre : le Cirque d'été (qui a été plus tôt dans le siècle le Cirque des Champs-Élysées, puis le Cirque de l'Impératrice) ; le Cirque d'hiver (qui a été d'abord le Cirque national) ; le Cirque Fernando (qui deviendra le Cirque Médrano en 1897) ; et le Nouveau Cirque.  À partir de 1845, il y avait aussi à Paris trois hippodromes consacrés aux spectacles équestres (par opposition au champ de courses), qui faisaient concurrence aux grands cirques fixes de la ville: l'Hippodrome de l'Étoile, l'Hippodrome de la Porte Dauphine, l'Hippodrome de l'Alma (ou l'Hippodrome de Paris) ; au tournant du siècle, il y avait aussi l'Hippodrome du Champ-de-Mars et l'Hippodrome de la Place Clichy, qui ont fermé leurs portes respectivement six ans et sept ans après leur ouverture.

 

Supériorité physique et morale des artistes de cirque



Dans son Écuyère, il est possible que Mirbeau se soit inspiré de « La Vieille funambule : Hébé Caristi » de Théodore de Banville, dont la danseuse de corde, tout comme la Julia Forsell du roman de Mirbeau, se voue à son art et refuse toutes les avances et tout ce qui pourrait souiller la chasteté dont elle est si fière. Au « pur sang » douteux des hommes et des femmes de la haute société qui font la cour à Julia et qui sont plus répugnants les uns que les autres, Mirbeau oppose la pureté réelle du corps et de l'esprit de son écuyère : pureté du corps, qui provient de la rigide discipline physique ; pureté de l'esprit, corollaire naturel du perfectionnement et de la maîtrise exercés sur le corps.

Dans ses reportages du Gaulois sur le cirque, Mirbeau admirait la supériorité physique et morale des écuyères de haute école, Émilie Loisset et Élisa Petzhold, de la trapéziste, Miss Zaeo et de la fil-de-ferriste, Miss Océana, Presque tous les écrivains du XIXe siècle qui avaient adopté l'acrobate de cirque comme allégorie de l'artiste faisaient aussi grand cas de cette pureté. Mais, à la différence des autres écrivains de son époque pour qui l'allégorie de l'acrobate était très personnelle et qui y voyaient surtout  le signe et la  preuve de leur altérité et de leur singularité en tant qu'artistes, Mirbeau s'est plutôt servi de l'acrobate de cirque pour démasquer l'hypocrisie de la haute société.


 La véritable aristocratie



Au début des années 1880, Mirbeau fréquentait le cirque parisien et, comme beaucoup d'écrivains de sa génération, il vouait aux artistes du cirque une admiration profonde, à l’instar des frères Goncourt, qui écrivaient en 1859 : « Nous n'allons qu'à un théâtre. Tous les autres nous ennuient et nous agacent. [...] Le théâtre où nous allons est le cirque ». Mais, alors que les Goncourt se servaient de l'acrobate de cirque pour bien distinguer deux types d’artistes, ceux qui ne font qu'imiter (les acteurs de théâtre) et ceux, les vrais, qui créent des œuvres d'une originalité incontestable (les artistes du cirque), Mirbeau s'appuie sur leurs mérites et l’image positive qu’il donne d’eux pour s'attaquer aux privilégiés de la haute société, aux riches, aux nobles de naissance, bref à tous ceux qui sont singulièrement dépourvus de ces vertus et de ces talents qu'il trouve dans l'acrobate de cirque. S'il y a une aristocratie composée d'êtres supérieurs (non seulement physiquement, mais surtout moralement), on ne la trouvera certainement pas chez ceux qui « [se sont] donné la peine de naître, et rien de plus » – comme disait Figaro dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, dont Mirbeau se fait l’écho –, mais bien plutôt chez ces acrobates qui méritent leurs titres sans pour autant bénéficier du moindre privilège.

J. F.

 

Bibliographie : Jennifer Forrest, « Death Rather Than Dishonor” in  Octave Mirbeau’s L’Ecuyère », 2005 ; Jennifer Forrest, « “La mort plutôt que le déshonneur” dans L’Écuyère d’Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, mars 2007, pp. 4-21 ; Octave Mirbeau, « La Journée Parisienne – Le Birth-Day de Mlle Océana », Le Gaulois, 12 juin 1880 ; Octave Mirbeau, « La Journée parisienne – Paris-Élisa », Le Gaulois, 22 juillet 1880 ;  Octave Mirbeau, « Miss Zaeo », Le Gaulois, 15 août 1880 (Paris déshabillé, Caen, L’Échoppe, 1991, pp. 28-34) ; Octave Mirbeau, « Petits poèmes parisiens – Émilie Loisset », Le Gaulois, 19 avril 1882 ; Octave Mirbeau, L’Ecuyère, in Œuvre romanesque, tome I, Buchet/Chastel – Société Octave Mirbeau, 2000, pp. 773-967.


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL