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PHILANTHROPIE

PHILANTHROPIE

 

            La philanthropie est le succédané laïque de la charité des chrétiens : l’amour de Dieu qui est censé inspirer la charité y est remplacé par un supposé amour des hommes, plus compatible avec l’humanisme proclamé des politiciens républicains, confrontés à ce qu’on appelait « la question sociale ». Mais, aux yeux de Mirbeau, cette pseudo-philanthropie est aussi hypocrite, aussi inefficace et aussi critiquable que la charité chrétienne, et il l’a donc souventes fois vilipendée, s’en prenant notamment à une de ses têtes de Turc préférées : Jules Simon. Avec « son indécrottable philanthropie » et ses myriades d’œuvres de bienfaisance et de ligues diverses, il « n’est plus un homme, mais une institution à lui tout seul, un corps constitué », voire « le bon Dieu » en personne, ironise-t-il ; et il se sert de moyens bien tortueux pour alimenter ses prétendues caisses « de sauvetage », à des fins de « réclame » impudente et de « parade » effrontée (« Encore M. Jules Simon », L'Écho de Paris, 10 mai 1892).  

Pas plus que la charité la philanthropie n’est en mesure de remédier aux maux sécrétés par la société bourgeoise : « on ne guérit pas la misère par la philanthropie ». Elle n’a donc en fait pas d’autre but que de faire croire aux plus déshérités qu’on s’intéresse à eux et qu’on les protège, afin qu’ils continuent à supporter avec « mansuétude », et surtout « sans se révolter », leurs « misères indicibles ». Quant aux autres motivations des pseudo-philanthropes, elles sont encore plus immondes : pour Mirbeau, en effet, les entreprises philanthropiques « ne profitent, en général, qu’à ceux qui les fondent » : « Ou bien c’est une distraction à l’oisiveté des femmes, pour qui le soulagement de la misère n’est qu’une sorte de sport à la mode. Ou bien c’est une affaire, un commerce comme un autre, une exploitation en règle, aussi hideuse que celle qui consiste à louer des enfants pour tendre la main en passant sous les portes cochères » (« Les Petits martyrs », L'Écho de Paris, 3 mai 1892).

Dans sa farce Scrupules (1902), Mirbeau mettra en scène un de ces philanthropes enrichi par ses « bonnes œuvres » ; et, dans « Philanthropie » (Le Journal, 23 janvier 1898), une dame du monde, jadis ruinée, qui s’est lancée dans une « carrière philanthropique » et qui est « redevenue riche » grâce à sa trentaine d’œuvres de bienfaisance, « bonnes et miraculeuses » ; elle aime infiniment les pauvres, bien sûr, mais à condition « qu’elle ne les voie ni ne les touche »...

Voir aussi Charité.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et la question sociale », in Intégration et exclusion sociale, Anthropos, juin 1999, pp. 17-28.  

 

 

 


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