Thèmes et interprétations

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Terme
SCULPTURE

Chroniqueur dans plusieurs journaux, attentif à ce que proposent les Salons artistiques parisiens, Octave Mirbeau a rédigé de nombreuses pages sur des peintres et sur des sculpteurs. Il est acerbe, sinon féroce, lorsqu’il présente des sculptures qui sont célébrées par les jurys académiques des Salons, et qui trouvent des acheteurs dans les milieux bourgeois conformistes. Il est enthousiaste face à des sculpteurs que la postérité a reconnus, mais qui furent en butte en son temps à des difficultés, qui ne furent pas d’emblée acceptés par les critiques et les amateurs d’art. Mirbeau concède quelques qualités à des hommes et à des femmes qui donnent à voir un plâtre lors d’un Salon, mais il n’est pas conquis ; les sculptures qui emportent son adhésion magnifient la vie, elles sont le fait de statuaires qui ont du génie…

Pour Mirbeau le sculpteur le plus admirable c’est sans conteste Auguste Rodin. « Rodin ! Il est pareil aux génies grecs, aux gothiques, aux renaissants » (Le Matin, 27 novembre 1885). Il perçoit la force et la dimension novatrice de la porte monumentale, inspirée de l’Enfer de Dante, sur laquelle travaille l’artiste (La France, 18 février 1885). Il voit « un miracle d’exécution » dans cette œuvre Les Bourgeois de Calais (La Plume, 1er juin 1900), il couvre d’éloges les expositions qui accueillent des œuvres de l’artiste – un exemple : l’exposition chez Georges Petit (L’Écho de Paris, 25 juin 1889). Il est amer quand Rodin rencontre de l’hostilité dans des cercles d’artistes à propos d’une statue de Balzac qui lui a été commandée (Le Journal, 30 août 1896 ; 15 mai 1898). Il correspond avec le sculpteur, il le remercie avec chaleur quand celui-ci lui offre des sculptures – « Grand, grand merci pour votre admirable buste ! [celui de Victor Hugo] » ; « Comme je vous remercie de ce que vous me dîtes d’un marbre que vous voulez bien me donner ! » (septembre 1885), il lui dit l’admiration et l’affection qu’il lui porte – « Je vous admire et je vous aime de plus en plus. […] J’admire surtout votre résignation et votre courage, et je ne comprends pas comment vous pouvez être bon encore, après avoir vu tant de lâchetés et tant de bêtises se ruer sur votre carrière d’artiste » (décembre 1885), il réitère dans une lettre en 1903 son jugement sur l’œuvre de l’artiste qui est son ami : « Vous avez trouvé en sculpture, une chose nouvelle et qui n’avait jamais été faite, en aucun temps. »  Dans les chroniques qu’il publie dans la presse, Mirbeau ne transige pas à propos de Rodin, son apport à l’histoire de la sculpture est exceptionnel. Il est « l’unique sculpteur de génie de ce temps » (L’Écho de Paris, 23 juin 1891) ; « On peut dire d’Auguste Rodin, sans exagération, avec une certitude tranquille et une foi sereine, qu’en lui s’incarnera, dans l’immortalité, la plus haute expression d’art de ce siècle » (Le Journal, 30 août 1896).

Mirbeau a rendu hommage en plusieurs occasions à Camille Claudel, élève et maîtresse de Rodin. Il voit dans ses sculptures de la virilité là où les œuvres des femmes sont trop souvent mièvres. Quand elle rencontrera des difficultés, Mirbeau, qui aurait pu s’éloigner d’elle puisqu’elle est hostile à Dreyfus alors que lui défend avec vigueur le capitaine injustement condamné, Mirbeau s’efforcera de l’aider. Dans le premier texte qu’il lui a consacré, il l’associait à Rodin et à Paul Claudel (Le Journal, 12 mai 1893); par la suite il la présentera dans des chroniques sans l’inscrire dans une proximité avec des génies, saluant son propre génie (Le Journal, 12 mai 1895 ; 26 avril 1896). Mirbeau avait un temps prêté attention à Constantin Meunier, sculpteur après avoir été peintre, il se détache de cet artiste belge qui se cantonne dans des sujets naturalistes là où Camille Claudel, comme Rodin, embrasse la vie, manifeste de l’énergie, fuit l’anecdote.

Un autre sculpteur est célébré par Mirbeau dans la presse, Aristide Maillol : « […] Maillol est un maître incomparable de la statuaire moderne » ; Rodin, cité par Mirbeau, va dans le même sens : « […] Maillol a le génie de la sculpture… Il faut être de mauvaise foi, ou très ignorant, pour ne pas le reconnaître » (La Revue, 1er avril 1905). Il ne saurait toutefois égaler Rodin. Écrivant à Rodin, il cerne ce qui distingue son œuvre de celle de Maillol : « […] la figure de Maillol est une belle chose, ample, forte et sereine. Mais il y a quelque chose de plus beau, c’est votre exposition  […] : ces torses éternels, ces bustes d’une vie si intense […] » (octobre 1905).

Les artistes que Mirbeau soutient dans ses chroniques, il les connaît. Rodin fait appel à lui pour joindre Camille Claudel. Rodin, il l’a invité chez lui, il correspond avec lui. Maillol, il lui a rendu visite, il l’a invité chez lui, il parle de lui avec Rodin. Mirbeau ne rédige pas seulement des chroniques en faveur de tel ou tel statuaire dont il apprécie les œuvres, il va à leur rencontre, il dialogue avec eux, il achète leurs œuvres.

 

G. Po.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance avec Auguste Rodin, édition établie par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Du Lérot éd., 1988 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques 1 & 2, Séguier, 1993 ; Anne Pingeot, « Rodin et Mirbeau », in Colloque Octave Mirbeau [du Prieuré Saint-Michel], Ed. du Demi Cercle, 1994, p. 113-135 ; Gérard Poulouin, « Octave Mirbeau et Camille Claudel », Camille Claudel De la vie à l’œuvre Regards croisés [Actes de colloque réunis par Silke Schauder], L’Harmattan, 2008, pp. 293-219.


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