Pays et villes

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VANNES

Octave Mirbeau a été pensionnaire au collège des jésuites de Vannes, Saint-François-Xavier, de 1859 à 1863, « quatre années d'enfer ». Sur cette période cruciale de sa vie d'adolescent, il a écrit en 1888-1889, un roman vengeur, Sébastien Roch, publié en 1890, en partie autobiographique. Observons au passage que Mirbeau, malgré ses critiques acerbes, n'a jamais dissuadé sa sœur Marie de mettre ses deux neveux, Pierre et Marc Huberson, dans le même pensionnat, dans les années mêmes où il écrivait Sébastien Roch ...

En 1859, le collège des jésuites de Vannes se trouve « dans tout l'éclat de sa renommée », comme le note Mirbeau dans le roman : « Outre les familles nobles de la Bretagne, de l'Anjou, de la Vendée, qui formaient le fond de son ordinaire clientèle, la célèbre institution recevait des élèves de toute la France bien-pensante. ». Ouvert en 1850 avec 200 élèves, le collège en compte 500 lors du passage de Mirbeau, dont une grande majorité de pensionnaires, chiffre considérable pour une ville d'alors 12 000 habitants. 

Le choix de Vannes par les jésuites ne doit rien au hasard. De 1577 à 1762, ils avaient déjà dirigé dans cette ville le collège Saint-Yves, qui connut une grande prospérité et d'où ils furent chassés en exécution d'un arrêt du Parlement de Paris du 6 août 1762, sous Louis XV, ordonnant la dispersion des 4 000 jésuites français. Mais, comme le dit le père Marsille, « chassés par la porte, ils reviennent  toujours par la fenêtre » : ils se sont accrochés à la Bretagne comme la bernique au rocher et, à la faveur de la loi Falloux, ils sont revenus à Vannes pour fonder un nouvel établissement : Saint-François-Xavier. « Aucun décor de paysage et d'humanité ne leur convenait mieux pour pétrir les cerveaux et les âmes » écrit Mirbeau dans Sébastien Roch. Mœurs du Moyen-Âge, respect des souvenirs de la chouannerie, fatalisme religieux, résistance au modernisme, « dans le taciturne Morbihan », tout livre « l'homme abruti de misères, de superstitions et de fièvres, à l'omnipotente et vorace consolation du prêtre ».

Pour un petit bourgeois du Perche, comme Ladislas Mirbeau, le père d'Octave, soucieux de promotion sociale, l'inscription de son fils au collège des jésuites de Vannes n'est-elle pas le meilleur tremplin pour faciliter la carrière du rejeton ? « Quand on a les jésuites dans sa main, on est sûr de faire son chemin », se vante le père de Sébastien Roch. 

L'établissement scolaire sert de cadre à la première partie du roman, récit bouleversant « du meurtre d'une âme d'enfant » par un jésuite brillant, le Père de Kern,  mais séducteur et violeur. La description des lieux est tout à fait juste et encore reconnaissable aujourd'hui : bâtiments, cloître, cours de récréation, Golfe du Morbihan, lieu de promenade à Penboc'h, pèlerinage à Sainte-Anne d'Auray... Depuis 2005, le service du Patrimoine de la Ville de Vannes, qui veut faire du port une vitrine de la ville, se sert de sa description par Mirbeau dans Sébastien Roch ! Et l'auteur de cette notice reconnaît dans la chapelle des internes du roman, »sombre, basse, étouffante », son ancienne salle d'étude, traversée parfois par des rats qui n'étaient pas tous de bibliothèque ...   

Mirbeau a quitté le collège en juin 1863, un mois avant la fin de l'année scolaire, dans des conditions jamais élucidées. Mauvaises notes, indiscipline ? A-t-il été, lui aussi, comme Sébastien Roch, victime d'un viol par son maître d'études, le Père du Lac, devenu en 1871 recteur de la prestigieuse école Sainte-Geneviève, future figure emblématique des jésuites de France, lorsqu'il organisera en 1880 la défense de son ordre contre les mesures d'expulsion (avant d'être très proche, plus tard, du haut état-major de l'armée impliqué dans l'affaire Dreyfus) ? Ou s'agit-il d'une transposition romanesque, dont Octave Mirbeau, « une étrange machine à transfigurer le réel », est passé maître, pour mieux attaquer les jésuites, qui en France, à la fin du XIXe siècle, groupe de pression toujours influent, ne brillaient pas par leur esprit moderniste et leur soutien à la fragile république ?  Aucune preuve décisive ne peut être apportée. Dans l'ambiance fermée d'un internat religieux de garçons, d'où s'exhale couramment une odeur d'homosexualité plus que de sainteté, l'enfant Mirbeau a pu développer une sensibilité et une nature bouillonnantes, que l'on retrouvera dans toute sa création littéraire. 

Vannes et son collège de jésuites, Saint-François-Xavier, auront marqué d'une empreinte profonde, voire d'une blessure indélébile, Octave Mirbeau, pour la plus grande gloire de ... la littérature.

J.-P. K. 

 


VENEUX

Veneux-Nadon, aujourd’hui rebaptisé Veneux-les-Sablons, est un charmant village de Seine-et-Marne, proche de Moret et de Fontainebleau, où Alfred Sisley a peint, en 1880, une toile intitulée Temps de neige à Veneux-Nadon. Aux alentours de 1900, on y comptait environ 1 200 habitants.

Mirbeau y a villégiaturé pendant l’été 1901 et les quatre premières semaines de l’automne, du début juillet au 22 octobre. Il y a reçu avec ferveur de nombreux amis : Auguste Rodin, Alfred Jarry, venu à bicyclette, Pierre Quillard, Jules Huret, Georges Bourdon, Thadée et Misia Natanson, et Catulle et Jane Mendès, à qui il a lu sa nouvelle comédie,  Les affaires sont les affaires. Mais ce séjour estival a été marqué aussi par bien des misères : très douloureuse crise d’appendicite à peine arrivé ; grave accident de voiture d’Alice, qui a été fort longue à se remettre et qui aurait pu y laisser la vie ; et enfin mort de son fidèle chien Dingo, qu’il a pleuré comme un ami fidèle et irremplaçable. C’est à la fin de son séjour à Veneux-Nadon que Mirbeau a reçu, des acteurs membres du comité de lecture de la Comédie-Française, le « Procès-verbal des comédiens », qui l’a informé du double jeu de l’administrateur de la Maison de Molière, Jules Claretie, lors de la réception des Affaires « à correction », le 24 mai précédent.

Au chapitre XII de Dingo (1913), Mirbeau évoquera ainsi sa maison de villégiature : « Le printemps venu, craignant qu’il [son chien Dingo] ne tombât malade, je louai une maison rustique, dans un joli village, ou plutôt à l’écart d’un joli village, Veneux-Nadon, près de Fontainebleau. Le jardin donnait sur la forêt, dont il était en quelque sorte le prolongement. Nulle clôture, nulle barrière ne l'en séparait... La solitude y était charmante. De longs, longs silences, et tout d'un coup, les voix du vent dans les arbres, des voix qui emplissaient les hautes voûtes, les vastes nefs de la forêt, comme des chants d'orgues qu'aurait animés le génie d'un Beethoven. »

P. M.

 


VENISE

Très célèbre et très ancienne ville italienne, située sur l’Adriatique et peuplée aujourd’hui de 270 000 habitants, dont 60 000 intra muros (elle en comptait 190 000 en 1900). Elle a été fondée au sixième siècle sur des îles situées au milieu d’une lagune et est traversée de canaux qui contribuent à son charme. Longtemps cité-état et république aristocratique au centre d’un empire maritime, Venise est riche d’un patrimoine prestigieux, lié à sa puissance commerciale de jadis. Mais, entrée en décadence au dix-huitième siècle, elle est, depuis plus d’un siècle, envahie en permanence par des hordes de touristes et, depuis quelques dernières années, menacée d’enlisement.

Dans La 628-E8 (1907), Mirbeau prétend n’avoir jamais mis les pieds à Venise, ce qui, sans être certain, est en effet plausible, tant son allergie à l’image de cette ville qui n’en est plus une est évidente : «  Moi, si je n'ai jamais été à Venise où, pourtant, j'aurais aimé rendre visite à Titien et au Tintoret, chez eux, j'en accuse toute une iconographie crapuleuse et une non moins crapuleuse bibliothèque musicale et poétique. Peut-être n'y avait-il qu'un moyen de me laver de ces propos, de toutes ces mélodies, et de tant de motifs pour journaux mondains, illustrés par M. Pierre Lafitteet Cie, c'était d'aller à Venise. Mais chaque fois que je suis arrivé à en prendre la résolution, j'ai eu tellement peur de ne rencontrer, sur la lagune, que des amants du répertoire de M. Donnay, ou des paysages de M. Ziem, ou des ritournelles de M. Gounod, que j'ai toujours préféré retourner, une fois de plus, sur le Dam [à Amsterdam] »...

En 1912, dans sa préface au catalogue des Venise de son ami Claude Monet, il ironise de nouveau sur le compte de la cité des doges : « Venise n’est pas une ville. Vivante ou morte, une ville nous émeut par les maisons, les hommes et l’atmosphère. Or, à Venise, tous les poètes savent bien qu’il n’y a pas de maisons, mais des palais. Il n’y a pas d’atmosphère, puisqu’un voile rose est posé sur Venise, comme une écharpe autour d’une danseuse. Il y a un rose Venise, comme il y a un vert Véronèse. Venise a chaviré sous le poids des imbéciles. Les littérateurs l’ont peinte et les peintres l’ont décrite. Il y eut peut-être jadis une ville qui s’appelait Venise, une ville avec des maisons réelles et diverses, maisons borgnes qui guettent, maisons honorables et plates, maisons riches où l’or, derrière les façades, circule comme le sang sous la peau. Mais Venise n’est plus qu’une carte postale en couleurs. Quant aux hommes et quant aux femmes, ils ont été noyés dans la lagune. Il ne reste plus que des gondoliers, des grandes dames et quelques lévriers. [...] Venise pourrait espérer la gloire triste d’être une ville morte. L’Europe en a fait une ville nuptiale, où la bourgeoisie se conjugue... » Aussi comprend-il que, pendant longtemps, Monet, son frère spirituel, n’ait pas non plus « voulu aller à Venise, cette ville qui n’était plus une ville, mais un décor ou un motif. Claude Monet n’osait pas. Il se sentait assez fort pour peindre les campagnes et les villes. Mais peindre Venise, c’était se mesurer à toute la bêtise humaine, qui collabora à l’image que nous avons de Venise. »

P. M.


VICHY

Vichy est une importante ville d’eaux située dans l’Allier. Lancée sous le Second Empire et réputée pour ses eaux minérales chargées en bicarbonate de sodium et en gaz carbonique, elle a connu ensuite un boom touristique qui ne s’est jamais démenti. Elle était peuplée d’environ 15 000 habitants au début du vingtième siècle (27 000 aujourd’hui).

À l’instar de son ami Jules Huret, qui y faisait régulièrement des cures, Mirbeau y a fait un séjour de trois semaines en juin 1906. Mais, à la différence de ses séjours à Luchon, en 1897, et à Contrexéville, en 1907 et 1908, ce n’est pas lui qui y a été envoyé en cure par ses médecins, mais Alice, qui souffrait alors de coliques hépatiques. L’esprit libre, il a donc pu y travailler d’arrache-pied, avec l’aide de Thadée Natanson, à la correction et au charcutage de la première mouture de sa comédie Le Foyer, qu’il souhaitait raccourcir de 54 minutes avant de la lire à Jules Claretie. Sa hantise était de retrouver à Vichy des confrères dramaturges à succès... Les Mirbeau seront de retour à Paris le 26 juin.

P. M.


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