Pays et villes

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Terme
CEYLAN

Bien que Mirbeau n’ait jamais mis les pieds à Ceylan, il a évoqué l’île à plusieurs  reprises : en 1885 dans ses pseudo-Lettres de l’Inde du Gaulois, signées Nirvana ; en 1892 dans « Colonisons » (Le Journal 13 novembre 1892) ; en 1896 dans la fantaisie intitulée « Macrobiologie » (Le Journal, 16 février 1896) ; et en 1899 dans le chapitre VIII de la première partie du Jardin des supplices.

C’est dans trois de ses Lettres de l’Inde que Mirbeau s’attarde le plus sur Ceylan, bien à l’abri de la mystification d’un reporter qui, en réalité, expédie ses articles depuis sa résidence normande du Rouvray (voir la notice Laigle). Il est alors de son devoir de “nègre” de mettre en forme littéraire les rapports de son ami François Deloncle (voir la notice) : aussi introduit-il le poétique et le pittoresque dans des descriptions qui doivent donner l’illusion du vécu et de l’observé tout en restant attrayantes. Ainsi l’arrivée en bateau donne-t-elle lieu à une « vision magique » : « L’horizon se crève sous un jet de lumière verte, et Ceylan, la reine des îles, mollement couchée sur le coussin mouvant de ses ondes, apparaît, radieuse, sous son manteau brodé de pierres précieuses. […] Rien de notre pauvre végétation ne saurait donner une idée de la magnificence de cette nature cinghalaise. Ce sont des couleurs nouvelles que nul de nos artistes n’a jamais entrevues ; il semble que des profondeurs de la mer, et sous le ciel embrasé, aient jailli des fusées de rubis, de saphirs, d’émeraudes, de topazes et d’aventurines, aux tons à la fois crus et fondus et d’une analyse indéfinissable. Des buées éclatantes traînent aux creux des vallons, des flocons lumineux flottent comme des écharpes, et le Pic d’Adam monte, tout blanc, dans le ciel, d’une blancheur de neige que le soleil irise. »  Puis le faux reporter décrit le pittoresque de l’arrivée dans le port, où le bateau est « pris d’assaut » par les indigènes, et l’hôtel confortable, où il goûte au farniente, avant que d’aller interviewer Arabi Pacha, puis le bonze Sumangala, et de mettre dans leur bouche les propos souhaités par son commanditaire Deloncle. La lettre IV, datée du 5 février 1885, nous emmène à Kandy, « voyage inoubliable, à travers une plaine immense de palmiers, puis dans la montagne » : « De quelque coté que l’œil se repose, partout une verdure intense et profonde, un surnaturel assemblage de toutes les essences tropicales, une vie surabondante qui ne permet point d’apercevoir un bout de terre. Ici ce sont des coteaux entiers couverts de plantations de café […]. Là des champs de citronnelles, des bois de muscade, des layons de canneliers qu’entrecroisent et coupent le quinquina, l’indigo, le poivre, tandis que des fossés séparent la canne à sucre et le manioc. » Mais, hors la pagode contenant la Dent de Bouddha et devant laquelle a été assassiné « le dernier prince » Modéliar, la cité même de Kandy, sur laquelle planent de sinistres oiseaux de nuit dont les ululements sont « comme les plaintes des âmes errantes », se révèle bien décevante : « une ville déserte et morte », sur laquelle est braqué « un canon anglais ».  

Dans « Colonisons », article signé du pseudonyme de Jean Maure, Mirbeau veut surtout mettre en lumière les horreurs des conquêtes coloniales anglaises : « Je me rappelle l’étrange sensation de “honte historique”, que j’éprouvai, quand, à Candy, l’ancienne et morne capitale de l’île de Ceylan, je gravis les marches du temple, où les Anglais égorgèrent les petits princes Modéliars, que les légendes nous montrent si charmants et pareils à ces icônes japonaises, d’un art si merveilleux, d’une grâce si hiératiquement calme et pure, avec leurs mains jointes, et dans leur nimbe d’or. Je sentis qu’il s’était accompli là, sur ces marches sacrées, non encore lavées de ce sang par quatre-vingts ans de possession violente, quelque chose de plus horrible qu’un massacre humain, quelque chose de plus bêtement, de plus lâchement, de plus bassement sauvage : la destruction d’une précieuse, émouvante, innocente Beauté. […]Ah ! que la petite ville morte de Candy me sembla triste et poignante ce jour-là. Dans le soleil torride, un lourd silence planait, avec les vautours, sur elle. De noirs corors, fouillant les tas d’ordures matinales, défendaient les approches des rues. »

Dans Le Jardin des supplices – dont la première mouture d’« En mission » paraît en feuilleton dans L’Écho de Paris en 1893 –, Ceylan, qui devait en principe être la destination finale du pseudo-embryologiste expédié en mission, n’est plus qu’une brève étape sur la route de la Chine, marquée au coin du grotesque et de la caricature. Le narrateur ne s’attarde pas dans des descriptions pittoresques, qui ne sont pas vraiment de la compétence de sa plume, et son évocation ne rend compte que de son ennui et de son indifférence : « Colombo me parut une ville assommante, ridicule, sans pittoresque et sans mystère. Moitié protestante, moitié bouddhiste, abrutie comme un bonze et renfrognée comme un pasteur. […] À Slave-Island, qui est le Bois de l’endroit, et à Pettah, qui en est le quartier Mouffetard, nous ne rencontrâmes que d’horribles Anglaises d’opérette, fagotées de costumes clairs, mi-hindous, mi-européens, du plus carnavalesque effet ; et des Cinghalaises, plus horribles encore que les Anglaises, vieilles à douze ans, ridées comme des pruneaux, tordues comme de séculaires ceps de vigne, effondrées comme des paillotes en ruine, avec des gencives en plaies saignantes, des lèvres brûlées par la noix d’arec et des dents couleur de vieille pipe… Je cherchai en vain les femmes voluptueuses, les négresses aux savantes pratiques d’amour, les petites dentellières si pimpantes, dont m’avait parlé ce menteur d’Eugène Mortain, avec des yeux si significativement égrillards… Et je plaignis de tout mon cœur les pauvres savants que l’on envoie ici, avec la problématique mission de conquérir le secret de la vie. » Rendant visite à un autre pseudo-savant, du nom d’Oscar Terwick, il signale, platement et pour mémoire, le « faubourg appelé Kolpetty et qui est, pour ainsi dire, le Passy de Colombo » : « Là, au milieu de jardins touffus, ornés de l’inévitable cocotier, dans des villas spacieuses et bizarres, habitent les riches commerçants et les notables fonctionnaires de la ville. »

Voir aussi les notices Lettres de l’Inde, Colonisons et Bouddhisme.

P. M.


CHERBOURG

Une seule visite de Mirbeau à Cherbourg est attestée, mais il est fort probable qu’il a eu l’occasion d’y passer, que ce soit auparavant pour un reportage ou, par la suite, au cours de ses périples en automobile à travers la France. Toujours est-il que, début octobre 1896, il a fait, en compagnie de Claude Monet, une traversée exceptionnelle, qui les a conduits du Havre à Cherbourg, à bord du Normandie, à l’occasion de la visite en France du tsar Nicolas II, qui devait débarquer dans le port du Cotentin le 5 octobre. Il rappellera ce bref voyage en bateau lorsqu’il consacrera un article au commandant du navire, Louis Deloncle, avec qui il avait alors noué connaissance et amitié, à l’occasion du tragique naufrage de la Bourgogne, que commandait cet officier de marine fort lettré. C’est sans doute pour convaincre Monet de l’accompagner qu’il lui décrit ainsi l’environnement de la ville : « Dans cette région de Cherbourg, on se croirait déjà en Bretagne. Les collines se couvrent de chênes, des torrents dégringolent sur les pentes de granit ; et les landes apparaissent. Elles occupent de vastes surfaces autour de Lessay et sous le ciel gris où les nuages courent, chassés par le vent, on a déjà sur le sombre tapis de bruyères et d'ajonc le sensation poignante et douce à la fois que laissent à l'esprit les landes solitaires de la Bretagne mélancolique. Au centre de la presqu'île, dans le pays de Coutances et Saint-Lô, le herbages complantés de pommiers se dérobent derrière les hauts talus boisés de chênes. »

Dans le dernier chapitre du Journal d’une femme de chambre, Célestine se retrouve mariée à l’ancien jardinier-cocher Joseph, qui, grâce au vol de l’argenterie des Lanlaire, a pu ouvrir à Cherbourg, sur le port,  le « petit café » de ses rêves. Doté d’une enseigne « À l'armée française ! », en pleine affaire Dreyfus, le café est vite devenu « le rendez-vous officiel des antisémites marquants et des plus bruyants patriotes », qui « viennent fraterniser là, dans des soulographies héroïques, avec des sous-officiers de l'armée et des gradés de la marine ». Célestine, elle, tient la caisse et trône au comptoir, et elle s’y dit heureuse : « Ce ne sont plus les paysages désolés d'Audierne, la tristesse infinie de ses côtes, la magnifique horreur de ses grèves qui hurlent à la mort. Ici, rien n'est triste ; au contraire, tout y porte à la gaîté... C'est le bruit joyeux d'une ville militaire, le mouvement pittoresque, l'activité bigarrée d'un port de guerre. L'amour y roule sa bosse, y traîne le sabre en des bordées de noces violentes et farouches. Foules pressées de jouir entre deux lointains exils ; spectacles sans cesse changeants et distrayants, où je hume cette odeur natale de coaltar et de goémon, que j'aime toujours, bien qu'elle n'ait jamais été douce à mon enfance... »  

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau, Louis Deloncle et le naufrage de La Bourgogne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 221-227; Octave Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre, Charpentier-Fasquelle, 1900.


CHINE

Mirbeau et la Chine

Dans Le Jardin des supplices, Octave Mirbeau reprend des images de la Chine véhiculées par la littérature de voyage et les journaux de son époque. Il aborde aussi l’art et la pensée chinoise dans sa critique esthétique.


1. Une civilisation en décomposition

Dans Le Jardin des supplices, la Chine, c’est d’abord la ville et ses alentours. La vision dépeinte est celle de l’Enfer. Le feu et la souffrance sont omniprésents. Les lieux sont attaqués par la pourriture. La saleté des lieux et la pourriture sont soulignées dans les récits de voyage, et il en va de même de l’image des Chinois reprise par Mirbeau : ils sont décrits en osmose avec la pourriture ambiante, ils ont perdu leur humanité. Les scènes de la vie quotidienne sont un théâtre de l'horreur et de la souffrance. La dégradation des Chinois est aussi bien physique que morale : ce sont des êtres infernaux, des voleurs, ils sont même comparés à des animaux dans son récit. Cette décomposition est confirmée par le bourreau : « Nous vivons, dans une époque de désorganisation... Il y a en Chine, Milady, quelque chose de pourri... »


2. Une justice cruelle

Les condamnés sont envoyés au bagne, où ils subissent leur peine. C’est un lieu où règnent la torture et la souffrance. Le raffinement dans les supplices apparaît dans les méthodes employées : combinaison de supplices, détournement d’un acte afin qu’il entraîne le plus de souffrance possible (par exemple, l’acte de manger est transformé en torture), ou bien encore utilisation des organes du plaisir pour faire souffrir (supplices du rat et de la caresse). Le supplice est total, permanent : il agit sur le corps et sur l'esprit. Des représentations de supplices sont placées en face des cellules. Mirbeau reprend là des éléments du récit de Catherine de Bourboulon qui décrit la « pagode des supplices ».


3. Un art sublime

Le jardin fait cohabiter la beauté et l'horreur. Il apparaît d'abord comme un paradis, puis comme un enfer. Le nombre des fleurs, leur rareté et leur beauté, font de ce jardin une image du paradis. Cet art du jardin a fasciné les Européens. Mirbeau souligne la supériorité des jardiniers chinois sur les « grossiers horticulteurs » européens : pour lui, les Chinois sont de « parfaits artistes ». Dans sa critique esthétique, son enthousiasme et son excès le conduisent à écrire que « cet art chinois [est] le plus parfait qui ait jamais fleuri sur la terre !...». Il parlera des peintres japonais d’estampes dans les mêmes termes : « Ce sont les rois des artistes ! ». On retrouve ici un des éléments du Beau d’Octave Mirbeau : faire ressentir la vie à travers l’œuvre.

4. La pensée chinoise

L'initiation du narrateur dans Le Jardin des supplices permet de mettre en scène le sacré et de décrire certains rites, par exemple : « Des jonchées de fleurs, des corbeilles de fruits couvraient le socle du monument d'offrandes propitiatoires et parfumées. Une jeune fille, en robe jaune, se haussait jusqu'au front de l'exorable dieu, qu'elle couronnait pieusement de lotus et de cypripèdes. » Dans le tantrisme, le corps humain est une image du cosmos, d’où de nombreuses représentations de l’acte sexuel qui symbolise les transferts d’énergie du cosmos. Ces représentations ont interpellé les occidentaux qui les ont souvent interprétées comme des orgies. Mirbeau, reprend ces fantasmes lorsque, dans Le Jardin des supplices, le narrateur les décrit : « D’abord, je ne vis que des femmes […] qui se livraient à des danses frénétiques, à des possessions démoniaques, autour d’une sorte d’Idole. […] Je reconnus que c’était l’Idole terrible, appelée l’Idole aux Sept verges… […] à l’endroit précis où le ventre monstrueux finissait, sept verges s’élançaient. […] Criant hurlant, sept femmes, tout à coup, se ruèrent aux sept verges de bronze ». Dans l’art tantrique, il y a de nombreuses représentations de dieux et de déesses en accouplement. Ils ont souvent l’aspect effrayant décrit précédemment.

Si Le Jardin des supplices met en scène des rites chinois, il faut se pencher sur l’œuvre critique d’Octave Mirbeau pour découvrir un article sur un « homme, à coup sûr unique dans l'histoire de l'humanité...» : Lao-Tsé (Lao-Tseu), auteur du « plus beau livre qui, au cours de toute l’humanité, ait été écrit et pensé par un homme » et qui « connaissait le cœur des hommes, l’âme des foules, la psychologie de son peuple et des peuples, la nature, ses mystères et ses beautés, plus qu’aucun esprit humain ne les connut jamais ».

Dans son article, Sur un vase de Chine, consacré à l’art et à la pensée chinoise, Mirbeau utilise à deux reprises, ironiquement, le terme « barbare » pour parler des Chinois : il se moque ainsi de la supériorité que les occidentaux prétendent avoir sur les autres peuples dans tous les domaines. Dans Le Jardin des supplices, il renvoie dos-à-dos les Européens et les Chinois. Leurs civilisations sont également violentes, injustes, cyniques, pourries : nous sommes nous aussi des « barbares » comme eux, voire pires qu’eux. Mais dans les domaines artistiques les Chinois nous sont supérieurs depuis bien longtemps. Dans ses articles, Mirbeau, réaffirmera cette supériorité artistique, à laquelle il associera les peintres japonais, et l’étendra au domaine spirituel à travers la figure de Lao-Tseu.


F. S.

 

Mirbeau en Chine

L’étude de la réception de Mirbeau en Chine reste à faire. À défaut, force nous sera de nous contenter de dresser la modeste liste des traductions répertoriées, et, complémentairement, de signaler que des écrivains comme Pa Kin (1904-2005), qui était aussi un anarchiste ardent, comme l’indique son pseudonyme (qui associe Bakounine et Kropotkine), avant de se rallier par la suite au nouveau régime et d’en subir les vicissitudes, Ma Zong Ro (1882-1949), auteur d’une Histoire de la Révolution française, et Mo Yan (né en 1955), qui est notamment l’auteur du Supplice de santal, ont lu et contribué, chacun à sa façon, à faire connaître Mirbeau. Mais cela ne saurait suffire, en l’état actuel de nos connaissances, pour qu’on en conclue à une influence quelconque du romancier français.

Les traductions chinoises sont peu nombreuses. Curieusement, c’est une pièce de théâtre, Les affaires sont les affaires, qui a été le plus souvent traduite ou adaptée, sous au moins deux titres différents : en 1935 a paru à Shanghai 生意經 (Sheng i jing) [“le sens des affaires”], chez Shang wu yin shu kuan, dans la collection Xin zhong xue wen ku et dans une traduction de Liaoyi li Wang ; en 1941, Qu Xu a publié  à Shanghai, chez Wen kuo she, une adaptation intitulée , , 生意經 (Chun, ji, Sheng yi jing) [“Stupide, c’est-à-dire énergique en affaires”] ; en 1966 paraît, de nouveau  à Shanghai, chez Han yi shi jie ming zhu, la traduction de Wang Li 生意經, Sheng i jing, qui est republiée en 1974 chez Tai bei shi - Tai wan shang wu, de Shanghai. Sans doute la dénonciation du capitalisme et du big business  explique-t-elle ces publications dans la Chine de Mao.

Curieusement aussi, aucune traduction du Journal d’une femme de chambre ne semble avoir été publiée. En 2005, pourtant, une traduction, due à Hulin Han, était en cours, mais elle ne semble pas avoir encore abouti à une publication. En revanche au moins deux romans de  Mirbeau ont bien été traduits ces dernières années, après le retour au capitalisme sauvage : Les 21 jours d’un neurasthénique a paru en 1996, à Pékin, chez Zuo jia, sous un titre fidèle, 一个神经衰弱者的二十一天 (Yi ge shen jing shuai ruo zhe de er shi yi tian) et dans une traduction de Lú Ying ; et Le Jardin des supplices à Zhongqing (Tchounking), en 2005, sous le titre fort approximatif de 秘密花园 (Mimi huayuan) [“le jardin secret” ou “le jardin privé”], dans une traduction de Zhu Su Min, réalisée à partir de la traduction anglaise parue aux États-Unis, chez Juno, en 1989. Des farces de Mirbeau ont été également traduites dans un volume intitulé 米爾波短劇集 (Mi'erpo duan ju ji) [“courtes pièces de Mirbeau”] et publié en 1926 à  Shanghai, chez He zuo chu ban she, dans une traduction de Ying Yue, mais, comme nous n’avons pas vu le volume, nous ignorons quelles œuvres il comporte. Signalons encore qu’en 1947 un conte, « L’Homme au grenier »,  traduit par Ma Zong Rong et intitulé 仓房里的男子 (Cang fang li de nan zi) [“l’homme caché dans un grenier”] a paru à Shanghai, chez Wen hua sheng huo chu ban she, dans un recueil de contes de la collection Fan yi xiao wen ku, n° 6.

Reste à éclaircir le mystère de deux autres volumes : l’un, gros de 291 pages, comporte un titre énigmatique, 浮雲流水 (Fu yün liu shui) [“le nuage et l'eau”, ou “l’eau des nuages”], et a paru en 1940 à Shanghai, chez Hai tian shu dian, dans une traduction de Wanqing Zhang ; mais, n'ayant pas non plus vu le volume, nous ne sommes pas en mesure de savoir s’il s’agit des Affaires sont les affaires ou d’un roman. L’autre, Mi-erh-p'o tuan chï chi, 270 pages, a été publié en 1926, également à Shanghai, par Ho tso ch'u pan she, dans une traduction de Ying Yue ; nous ne l’avons pas davantage identifié.

P. M.

 

Bibliographie : Lucie Bernier, « L’Imaginaire chinois chez Octave Mirbeau », in  The Force of vision, Tokyo, International Comparative Literature Association, 1995, vol. II, pp. 448-455 ; Lucie Bernier, La Chine littérarisée : impressions- expressions allemandes et françaises au tournant du XIXe siècle, New York, Lang, 2001, pp. 8-28 ; Catherine de Bourboulon, L'Asie cavalière : De Shang-haï à Moscou, 1860-1862, Phébus, 1991 ; Auguste Haussmann, Voyage en Chine, Cochinchine, Inde et Malaisie, 3 vol., G. Olivier, 1847-1848 (in Ninette Boothroyd et Muriel Détrie, Le Voyage en Chine, Robert Laffont, 1992) ; Claire Margat, « Ensauvager nos jardins », in Les Carnets du paysage, été 2003, pp. 27-45 ; Octave Mirbeau, « Les Chinois de Paris », La France, 1er avril 1885 ; Octave Mirbeau, Le Jardin des supplices, Fasquelle, 1899 ; Octave Mirbeau, « Chinoiserie », Le Journal, 15 juillet 1900 ; Octave Mirbeau, « Sur un vase de Chine », Le Journal, 4 mars 1901 ; Auguste Montfort, Voyage en Chine, Victor Lerou, 1854 (in Ninette Boothroyd et Muriel Détrie, op. cit.) ; Gianna Quach, The Myth of Chinese in the Literature of the Late Nineteenth Century, thèse dactylographiée, Columbia University, New York, 1993, pp. 107-150 ; Gianna Quach, « Mirbeau et la Chine », Cahiers Octave Mirbeau, n° 2, 1995, pp. 87-100 ; Fabien  Soldà, « Octave Mirbeau et Charles Baudelaire : Le Jardin des supplices ou Les Fleurs du mal revisitées », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 197-216 ; Yinde Zhang, « Octave Mirbeau et la Chine : paradoxes du jardin exotique », in Guy Ducrey et Jean-Marc Moura (dir.), Crise fin-de-siècle et tentation de l'exotisme, Presses de l’Université Lille III, 2002, pp. 85-100. 

 

 

 

 

 


COLOGNE

            Cologne est une très grande et très ancienne ville allemande, située sur les bords du Rhin et peuplée aujourd’hui de deux millions d’habitants. Elle a été presque complètement détruite par les bombardements alliés de la deuxième guerre mondiale, qui ont cependant épargné l’immense cathédrale (elle fait 157 mètres de hauteur), dont la construction a duré plus de six siècles.

            Mirbeau a dû y passer au moins deux fois : la première, à une date indéterminée (peut-être juin 1883), lui a permis, à l’en croire, de visiter longuement la ville, les musées et le zoo, où il aurait « passé d'amusantes journées » ; la seconde, en mai 1905, lors de son voyage en automobile à travers l’Allemagne wilhelminienne, a été plus brève. Logé à l’hôtel du Dom, écrasé par l’ombre de la cathédrale, il s’y serait dispensé de toute visite touristique. Il évoque Cologne, « cité opulente et active », au dernier chapitre de La 628-E8 (1907). De mauvaise humeur, il est rebuté par « la plus colossale, la plus colossalement laide cathédrale du monde » et ne se sent, dit-il,  « nullement disposé à revoir Cologne, ses églises, ses ponts, ses musées, et même son jardin zoologique ». Il juge aussi fort « agressif » le catholicisme de la ville, pire encore que celui des Flandres, qui l’obsède « de ses tours, de ses flèches, de ses croix, de ses cloches, non moins que de ses moines, qu'on rencontre partout, traînant leurs robes brunes, leurs sandales, sur les pavés, et quêtant aux portes ». Certes, il continue cependant de bien aimer les « peintres ingénus de la vieille École de Cologne » :  Bruynn le Vieux,  le maître Guillaume,  Grünewald, « le maître de La Passion de Lyversberg, et le maître de La Glorification de la Vierge, et le maître de L'Auteur de Saint Barthélemy ». Mais, dans son état d’esprit du jour, il leur a tout de même préféré « les débardeurs des quais du Rhin et les paysans qui amenaient, au marché de la ville, des troupeaux de cochons et des charretées de choux ».

C’est à Cologne que Mirbeau prétend avoir déniché, dans une libraire, un exemplaire de la Correspondance de Balzac, prétexte pour introduire les trois sous-chapitres de La Mort de Balzac, qui firent scandale, lors de la publication de La 628-E8 et que Mirbeau accepta de retirer in-extremis.

P. M. 

 


CONTREXEVILLE

            Contrexéville est une station thermale réputée, située dans les Vosges. Ses eaux minérales ont commencé à être recherchées par les curistes à la fin du XVIIIe siècle, mais la station n’a pris son essor que dans les années 1880. Au début du XXe siècle, elle ne comptait même pas mille habitants, mais on y trouvait déjà plus de trente hôtels.

            Mirbeau y a fait deux cures de trois semaines, en 1907 et 1908, pour y soigner un « catarrhe de l’estomac ». En 1907, il y séjourne à partir du 10 juillet, y met la dernière main à La 628-E8, qui doit paraître en octobre, et en profite pour parcourir l’Alsace en automobile et revoir Strasbourg. Il a aussi la mauvaise surprise d’y retrouver le nationaliste et anti-dreyfusard Lucien Millevoye, qui loge dans le même hôtel et qui, à l’en croire, se distingue au diavolo. Au cours de son deuxième séjour, en août 1908, selon ce qu’il en a rapporté à Jules Renard, il y aurait retrouvé Jean Jaurès et l’aurait baladé sur les routes des Vosges. Il aurait également rencontré un millionnaire russe qui, par précaution, aurait prétendu alimenter les caisses des partis révolutionnaires... 

P. M.

 


CORMEILLES

            Cormeilles-en-Vexin est un petit village du Vexin, situé dans l’actuel département du Val d’Oise et qui était peuplé de 660 habitants au début du vingtième siècle. Mirbeau y a habité une partie de l’année pendant quatre ans environ, de 1904 à 1908, dans un manoir acheté par Alice le 25 mars 1904, pour la coquette somme de 158 000 francs. Il s’agit d’un charmant hôtel du XVIIIe siècle, qualifié de « château » par les autochtones. Il est entouré d’un vaste parc et doté d’une terrasse offrant une vue imprenable sur le plateau de Boissy d’Aillerie et, dans le lointain, sur le Mont Valérien. Mais il est tellement immense (trois niveaux, neuf fenêtres sur le devant et à l’arrière, trois fenêtres sur les côtés), qu’il s’avère bien difficile à meubler et à habiter ; et il est si peu commode d’y accéder que les visites attendues ont été bien moins nombreuses qu’espéré. 

À Cormeilles, Mirbeau a tenté de mener la vie d’un gentleman-farmer, et il s’est livré à de multiples cultures florales et horticoles, avec l'aide d'une escouade de jardiniers, parmi lesquels un journalier du nom de Piscot, qui lui inspirera le personnage homonyme de Dingo. Il espérait sans doute naïvement être en mesure de jouer à Cormeilles le même rôle dynamique et progressiste que Voltaire à Ferney. Mais il s’est vite heurté à l’hostilité de paysans xénophobes et rétrogrades, qui ont fini par le décourager d’y demeurer plus longtemps : Alice a donc revendu le « château », le 2 juin 1908. Pas facile d’être un châtelain révolutionnaire trop en avance sur le peuple auquel l’écrivain entendait se dévouer...

Il s’est vengé de ses désillusions par la plume, dans son ultime œuvre narrative, Dingo (1913). Voici comment, au chapitre III, il y présente le village, rebaptisé Ponteilles-en-Barcis : « Ponteilles-en-Barcis, qui domine tout le vaste et gras plateau du Barcis, les jolies et vertes vallées de la Biorne, de la Siorne et de la Viorne, est bâti de chaque côté de la route de Paris à Compiègne, sur une longueur interminable de huit cents mètres. Ce n'est qu'une rue, une rue très sale, horriblement dure et cahoteuse, où s'accumulent les bouses, les crottins et les fientes, où les ordures ménagères s'éternisent au creux des pavés. À gauche, à droite, de petites venelles s'amorcent à la rue, mais, dégoûtées de leurs impuretés, elles vont se perdre tout de suite dans les champs. De vieux bâtiments affaissés, lézardés – étables, écuries, bergeries, dont les murs, sous prétexte de fenêtres, ne sont percés que d'étroites barbacanes, greniers à fourrage entièrement aveugles, en haut desquels, devant une lucarne avancée, une poulie pend, qui grince au vent comme une girouette, maisons sordides, dont les portes charretières s'ouvrent sur des cours où les tas de fumier fument et croupissent dans un bain de purin – longent ces bandes de terre battue, ourlées de chardons, de culs de bouteilles, d'excréments humains, que l'administration municipale nomme des trottoirs, et montrent irrévérencieusement leur derrière aux passants. De petites boutiques, la plupart sans devantures ni étalages, quelques habitations bourgeoises, guère plus somptueuses, mais mieux élevées, montrent leur devant et, rompant la triste et indécente monotonie de ce paysage de pierres accroupies, s'entourent de verdures fanées et d'arbres mal venus qui ne parviennent ni à l'ennoblir ni à l'égayer. »

Quant aux humains qui hantent ces tristes parages, Mirbeau en trace un portrait aussi dévastateur que jouissif, et les Cormeillois ne le lui ont pas encore pardonné, un siècle après. Sous son regard, Cormeilles-en-Vexin apparaît en effet comme un microcosme où sont savoureusement concentrées, pour notre délectation, toutes les pourritures et toutes les hideurs, celles des corps, et plus encore celles des âmes. Misonéisme, xénophobie, lâcheté, sottise superstitieuse, âpreté au gain poussée jusqu'au crime, hypocrisie, sournoiserie, cruauté, les habitants de Ponteilles-Cormeilles, paysans et notables, apparaissent comme autant de spécimens d'humanité sordide qui cumulent les vices et les tares... 

P. M.

 

Bibliographie : Roland Dorgelès, « Promenade chez Octave Mirbeau », Revue de France, 1934, pp. 703-728 (repris dans Portraits sans retouches, Albin Michel, 1952, pp. 138-150) ; Jacques Lombard, « Vingt-cinq ans après Dingo, Cormeilles-en-Vexin hait encore Octave Mirbeau », Paris-Soir, 11 septembre 1932 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau à Cormeilles-en-Vexin », in Marie-Noëlle Craissati (éd), Balades en Val-d'Oise, Paris, Éditions Alexandrines, 1999, pp. 160-173 ; Pierre Michel, « Dingo, ou De la fable à l’autofiction », préface de Dingo, Éditions du Boucher, 2003, pp. 3-28.

 


DANEMARK

 

Bien que Mirbeau se soit dit parfois descendant lointain des Vikings débarqués du Jutland dans sa Normandie natale, terre des hommes du Nord, sa présence au Danemark est des plus modestes. On ne trouve pas trace, par exemple, de traductions du Jardin des supplices (Pinslernes have), ni du Journal d’une femme de chambre (En Kammerpiges Dagbog) ! Et si Les affaires sont les affaires (Forretning er forretning) a bien été joué à Copenhague, au Théâtre Royal, en 1904, aucune traduction n’en a été publiée. Quant aux Mauvais bergers, un certain Wildentath de Krabbe a bien écrit au dramaturge, en janvier 1898, pour lui proposer de traduire sa pièce en danois, mais il ne semble pas que le projet ait abouti et qu’elle ait été publiée. Le bilan est donc maigre. Mais il n’est pas nul.

En effet, deux romans ont tout de même vu le jour en danois : Le Calvaire, traduit par Valdemar Andersen, a paru en 1912 à Copenhague, sous le titre de Vejen til Golgofa [“le chemin du Golgofa”], aux éditions Martins Forlag, dans la collection « Martins Standard Udg », n° 31 (256 pages) ;  et L’Abbé Jules, Abbed Julius, a été publié en 1919, à Copenhague également, chez Kria, dans la collection « Martins standard kronebind », n° 126, dans une traduction de P. Grove (312 pages). Ajoutons la préface de Marie-Claire, traduite en 1911 par Marie Bang. Rien depuis cette époque lointaine !

Seuls deux contes de Mirbeau ont été insérés dans des recueils : « L’Étrange relique », traduit « Den kostbare relikvie » [“la précieuse relique”], a été publié en 1957 dans: Erotisk antologi [“anthologie érotique”, de Sade à Henry Miller], avec une préface de Poul Henningsen, ; et  « Le Numéro 24 », en 1993, dans un recueil de textes français choisis par Hanne Ellebaek, recueil intitulé Innocence. Des contes et chroniques ont très probablement paru également dans la presse, surtout du vivant de Mirbeau, mais le travail de recension reste à effectuer.

Le bilan n’est guère plus impressionnant du côté de la critique. Le grand critique Georg Brandes parle bien de Mirbeau, qu’il a connu à Paris, dans son Napoleon og Garibaldi – Medaljer og rids [“Napoléon et Garibaldi – Médailles et contours”], publié chez Gyldendal en 1917, mais il ne lui consacre que neuf pages.  En 1972, Mette Knudsen a traité des adaptations cinématographiques du Journal d’une femme de chambre dans un mémoire conservé à la Bibliothèque Royale de Copenhague, Samfundskritiske temaer : Octave Mirbeau’s roman “Le Journal d’une femme de chambre” samt Renoir’s og Luis Buñuel’s på romanen baserede film (138 pages). Mirbeau est aussi présent, en 1999,  dans Den Store Danske Encyklopædi [“la grande encyclopédie danoise”], de V. Uitzen, et en 2005, dans une étude de Michael  Asmussen sur l'image de la femme donnée par les romanciers français de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, Det litterære kvindebillede hos Guy de Maupassant og på hans tid, mais chaque fois brièvement.


P. M.


DARJEELING

Darjeeling est une ville du Sikkim, située au pied de l’Himalaya, à 2 250 mètres d’altitude, au nord de l’Inde, à proximité du Népal. Les Anglais l’ont acquise en 1849 en payant au roi du Sikkim une somme dérisoire, puis l’ont purement et simplement annexée en 1865. Ils en ont fait un lieu de villégiature estivale pour les Européens de Calcutta, qui pouvaient y accéder en train. Aujourd’hui peuplé de plus de 100 000 habitants, Darjeeling est mondialement célèbre pour ses plantations de thé.

Bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds, c’est de Darjeeling que Mirbeau est supposé expédier au Journal des débats ses deux dernières Lettres de l’Inde, signées N., en juillet 1885. Fuyant « l’accablant soleil de la plaine », le pseudo-reporter trouve dans la ville himalayenne « un endroit clément où poussent les légumes et les fruits d’Europe » – et pour cause ! « De l’eau fraîche, une verdure éblouissante, une magnifique flore, des cottages qui semblent importés des bords de la Tamise, un confort d’existence agréable, font de Darjeeling un lieu d’autant plus recherché que le mauvais temps y est plus rare », comme si « les tempêtes effrayantes » voulaient « respecter les villégiatures des fonctionnaires anémiés » qui s’y « réfugient » en été. Mirbeau évoque l’important marché « de laines, de cornes et de thé », où s’entassent toutes les marchandises venues du Tibet et de l’Himalaya, et les chèvres, « blanches, roses et noires, aux longs poils soyeux », qui errent dans les rues et y « font la voirie ».

Mais ce qui le fascine le plus, c’est la situation géopolitique de la ville, « pierre borne de deux religions » : l’hindouisme au sud et le bouddhisme au nord. Et ce qu’il est supposé admirer le plus, ce sont les paysages himalayens, au-delà desquels « s’étend l’immense plateau de l’Asie centrale », et qui exercent sur l’amateur de peinture impressionniste une « terrible séduction » : « Il vous monte au cerveau comme une ivresse, et l’on se sent pris d’un désir impérieux de se perdre dans ce rose, dans ce vert, dans ce bleu si fluides et si brillants que les rochers eux-mêmes semblent revêtir des légèretés de mousse et des transparences de pierre fine. »

P. M.


DORDRECHT

            Dordrecht est une industrieuse ville hollandaise, située sur les bords de la Meuse, à un carrefour de fleuves. Considérée comme la ville la plus ancienne de Hollande, elle comptait 35 000 habitants au début du vingtième siècle. C’est la patrie des peintres Albert Cuyp et Ary Scheffer..

            Mirbeau y est passé au moins deux fois. La première à une date indéterminée, peut-être au début des années 1880 : venu apparemment en galante et amoureuse compagnie, il y a apprécié « la dimension extraordinaire des soles où avaient mordu les dents de notre appétit [...], sur la terrasse d'un hôtel [l’hôtel Bellevue], au bord des eaux, où le soleil jouait ». La seconde fois en avril 1905, au cours du périple en automobile à travers la Belgique et les Pays-Bas qu’il évoquera, deux ans plus tard, dans La 628-E8. Il a alors essayé, dit-il, de retrouver « les traces de [son] bonheur d'autrefois », mais « tout cela est loin, bien loin, tout ce passé se fane et s'efface » : « Tout était donc bien mort !... »

            Autre désenchantement le lendemain, quand il a découvert, sous la pluie, « une ville ennuyeuse et crottée », alors que la veille il l’avait vue merveilleusement embrasée et avait admiré « le prodige de cette ville en flammes, au soleil couchant ». Pourtant Dordrecht n’est pas une ville morte et figée dans le passé comme il l’a cru un moment, et il a noté avec admiration « une activité qui ne bavarde point, comme les commères du marché, mais besogne, anime étrangement les quartiers neufs et les quais » : « Sans en avoir l'air, Dordrecht commerce de tout, avec toute la terre. C'est, au carrefour de ses fleuves, une des plus importantes gares d'eau de l'Allemagne. Ce que les artères des canaux et des rivières ne charrient pas jusqu'à son port, elle le fabrique, le malaxe, le forge, l'ajuste elle-même : poissons fumés et salés, cacaos et tabacs, charbons de Belgique, d'Allemagne et d'Angleterre, outils qui seront maniés partout, machines à construire des machines, vaisseaux qui feront – combien de fois ? – le tour du monde. Et tout cela se prépare, se camionne, vogue, débarque et s'embarque, parmi les coups de sifflet et les coups de marteau, le vacarme des tôles, le grincement des poulies, et les hurlements qui n'en finissent pas des sirènes. On dirait que toute cette eau dans laquelle elle baigne, la ville vivante la dilate en vapeur, et, quand elle en a utilisé la force expansive et laborieuse, qu'elle la laisse retomber en pluie, sans s'arrêter de travailler, sur la ville morte. »

 P. M.


DÜSSELDORF

Düsseldorf est une grande ville allemande de Rhénanie, située sue les bords du Rhin, au milieu de la plaine, dans une région très fortement industrialisée. Elle dépassait 300 000 habitants au début du vingtième siècle et était très prospère, mais elle a été complètement détruite par les bombardements alliés durant la deuxième guerre mondiale. Elle est célèbre pour son industrie de la mode.

          Mirbeau s’y est arrêté en mai 1905, lors du périple en automobile à travers l’Allemagne de Guillaume II qu’il rapporte dans La 628-E8 (1907). Descendu au Brandenburger-Hof, il se montre sévère pour son modern-style, caractéristique de toute la ville : « Tout ce que je dirai de cet hôtel peut s'appliquer exactement à la ville, à toute la ville neuve, du moins, qui est, comme on sait, la ville, par excellence, du modern-style. [...]  Le Brandenburger-Hof est un de ces grands hôtels, comme on en trouve dans les moindres villes d'Allemagne, et comme nous n'en avons qu'à Paris et dans quelques villes d'eaux, un de ces caravansérails nouveaux et art nouveau d'Occident, construits par les Belges et les Suisses, pour les habitudes de confort des Américains et des Anglais... Des salons, plus ou moins Louis XV et Louis XVI, y alternent avec des fumoirs de paquebot. Rien n'y est plus droit, plus d'équerre, plus d'aplomb. Tout ce qui est rond y devient carré, tout ce qui est carré y devient rond. Je veux dire que rien n'y est rond, ni carré, ni ovale, ni oblong, ni triangulaire, ni vertical, ni horizontal. Tout tourne, se bistourne, se chantourne, se maltourne; tout roule, s'enroule, se déroule, et brusquement s'écroule, on ne sait pourquoi ni comment. Ce ne sont que festons de cuivre verni, qu'astragales de bois teinté, ellipses de faïence polychrome, volutes de grès flammé, trumeaux de cuir gaufré, frises de nymphéas hirsutes, de pavots en colère et de tournesols juchés sur les moulures des stylobates, comme des perroquets sur leurs perchoirs... Des larves plates et minces dorment à l'entrée des serrures; des embryons, des têtards montent, se glissent en ondulations visqueuses, le long des portes, des fenêtres, des tiroirs, des chanfreins. Les cheminées sont des bibliothèques ; les bibliothèques, des paravents ; les paravents, des armoires ; et les armoires, des canapés. L'électricité jaillit aussi bien des parquets que des plafonds, d'ampoules de cristal taillé en fleurs de rêve ou en bêtes de cauchemar ; elle court, chahute, bostonne, virevolte, cakewalke, dans les girandoles et les lustres, qui ont la danse de Saint-Guy... Les meubles ont l'air d'avoir bu, et semblent inviter la livrée aux pires excès d'acrobatie. Et, pour qu'on ne s'y trompe pas, sur les façades dissymétriques, creusées de trous profonds et renflées de bosses énormes où toutes les matières connues, juxtaposées, se neutralisent et s'annulent, les balustrades des balcons sont soutenues par des sarabandes frénétiques de points d'interrogation. »

P. M.

 

 


ELTEN

Elten est une petite ville allemande située sur les bords du Rhin, en Westphalie, à la frontière des Pays-Bas (auxquels elle a été rattachée un temps, de 1949 à 1963). Peuplée d’environ 5 000 habitants, elle fait aujourd’hui partie de la commune d’Emmerich am Rhein.

En provenance des Pays-Bas, Mirbeau y est passé au printemps 1905. Dans La 628-E8 (1907), il évoque avec malice le passage de la frontière allemande, si contraire à la réputation des féroces douaniers teutons : « Nous arrivâmes, venant d'Arnheim vers quatre heures de l'après-midi, à Elten. Je cherchai longtemps où pouvait bien être la douane... On m'indiqua un petit bâtiment, modeste et familial, que nous eûmes la surprise de trouver vide... Je heurtai les portes et appelai vainement, plusieurs fois...  À grand-peine, je finis par découvrir une bonne femme, assise, dans le coin d'une pièce, et qui reprisait pacifiquement des bas. [...] J'eus beau inspecter la pièce, pas le moindre appareil de force, nulle part... pas de râtelier avec sa rangée de fusils... nul casque à pointe... pas même un portrait de l'Empereur Guillaume, aux murs... Je crus que je m'étais trompé. Avec beaucoup de difficultés, je mis la bonne femme au fait  de ce qui m'amenait. [...]

Nous traversâmes la rue. Elle me fit entrer dans un cabaret où un gros homme, très rouge de figure et très court de cuisses, fumait sa grande pipe, assis devant une chope de bière... Je remarquai alors qu'il était coiffé, assez comiquement, d'une casquette anglaise, qui lui collait au crâne, et que ses vêtements, déteints, ne rappelaient l'uniforme que par deux ou trois boutons de cuivre et par un liseré, où le rouge ancien reparaissait, ça et là, à de longs intervalles... Nous sortîmes. »

Après quoi le douanier admira en connaisseur la Charron de l’écrivain, lui « frappa amicalement sur l'épaule », lui indiqua la route à suivre et lui souhaita bon voyage en agitant « en l'air sa casquette » : « Nous fûmes longtemps à revenir de notre étonnement. »

P. M.


EPINAL

 

Épinal est une ville lorraine, préfecture du département des Vosges. Elle est située sur les bords de la Moselle et aujourd’hui peuplée de 34 000 habitants (29 000 en 1909). Son essor est lié à l’industrie du textile, qui s’est développée après la guerre de 1870.

Mirbeau y est passé au cours de l’été 1908, alors qu’il villégiaturait à Contrexéville. D’après le Journal de Jules Renard, il a promené Jean Jaurès à travers les Vosges et « l’a emmené voir, à Épinal, un Rembrandt, merveilleux, mon cher ! Et personne ne le connaît ! C’est admirable ! ». Jules Renard se moque de la façon dont Mirbeau a présenté sa virée spinalienne, mais le Rembrandt existe bel et bien : exposé au musée départemental de la ville, il appartenait à la collection des princes de Salm, constituée au XVIIe siècle. Il s’agit d’une Mater dolorosa datant de la fin de la carrière du peintre.

P. M.


ESPAGNE

L’Espagne est un des pays qui ont réservé le meilleur accueil à Mirbeau, et, nonobstant la parenthèse franquiste, les traductions y ont été nombreuses, tant en espagnol qu’en catalan. Ces dernières années, au fur et à mesure que Mirbeau était redécouvert outre Pyrénées après les décennies de dictature, on a vu se multiplier les études universitaires portant sur Mirbeau, de la part notamment d’Elena Real et Lola Bermúdez, ainsi que les pages Internet traitant de tel ou tel aspect de son œuvre ou de ses combats. Il se trouve aussi que l’Espagne est le pays étranger où l’écrivain jeune a passé le plus de temps, bien que par la suite aucun autre voyage ne soit attesté dans la péninsule ibérique.

 

Mirbeau et l’Espagne



De fait, c’est en janvier 1878 que le premier séjour de Mirbeau en Espagne est attesté : il y assiste alors au premier mariage du jeune roi Alphonse XII, dont il rend compte dans L’Ariégeois du 26 janvier. Mais il n’est pas impossible qu’un autre voyage ait précédé ce déplacement professionnel. En effet, dans ses (fausses) confidences à Edmond de Goncourt, un soir de juillet 1889, Mirbeau raconte que, à une date non précisée, mais antérieure à 1877, son père l’a promené, « très malade, quelques mois en Espagne » : l’information est sujette à caution, car elle est insérée dans un récit fortement arrangé et des plus fantaisistes, mais le voyage espagnol n’est peut-être pas pour autant une simple affabulation. Au sortir de son aventure pyrénéenne, quand il se retrouvé libéré de ses obligations, en janvier 1879, il semble bien qu’il ait de nouveau séjourné en Espagne, car il ne regagne Paris que plusieurs mois plus tard, pour entrer au service d’Arthur Meyer, et c’est très probablement à ce deuxième ou troisième voyage qu’il fait allusion dans une lettre à Rodin de 1889 : « J’ai supposé que vous aviez mis à résolution votre idée de voir l’Espagne, et, par la pensée, je vous ai suivi à Burgos, à Madrid, à Séville, à Grenade et à Cadix, et je refaisais avec vous un voyage que j’ai fait, il y a 10 ans, seul. » Nouvelle traversée des Pyrénées en novembre 1879, quand Mirbeau, envoyé spécial du Gaulois, est chargé d’une double mission : il lui faut tout d’abord rendre compte du second mariage d’Alphonse XII, avec Marie-Christine de Habsbourg ; et ensuite effectuer un reportage sur les terribles inondations qui ont frappé la région de Murcie deux mois plus tôt et apporter le soutien de la presse française aux sinistrés et aux administrations locales. À lire les nombreuses dépêches qu’il expédie à son patron Arthur Meyer, il semble qu’il ait été bien introduit en haut lieu et invité à plusieurs réceptions, à Madrid, et que, à Murcie, il se soit fait accompagner par diverses personnalités locales, qu’il a pu interviewer, et que la solidarité de la presse française été accueillie avec reconnaissance par les autorités.

Néanmoins l’Espagne n’occupera par la suite que fort peu de place dans son œuvre et il n’exploitera pratiquement pas ses souvenirs de voyageur. Dans Les Mauvais bergers (1897), il manifestera sa solidarité avec le mouvement anarchiste et sa révolte contre un État oppressif et arbitraire en évoquant avec émotion la sanglante répression des libertaires catalans (environ 120 mises à mort) par Marie-Christine de Habsbourg, devenue régente pendant la minorité de son fils Alphonse XIII, et fera dire à Jean Roule : « Réfugié en Espagne, j’y fus tout de suite dénoncé… Englobé dans une conspiration anarchiste, arrêté sans raison, condamné sans preuves… durant deux longues années je pourris dans les cachots de Barcelone… et je n’en sortis que pour voir garrotter, au milieu d’une foule ivre de sang, mon ami Bernal Diaz. » L’Espagne se rappellera à son bon souvenir quand, de retour de son périple à travers la Hollande et l’Allemagne, il subira une perquisition policière, au lendemain d’un attentat contre Alphonse XIII, à Paris, le 1er juin 1905...

 

Les traductions de Mirbeau en Espagne

 

Mirbeau a été abondamment traduit en Espagne, de son vivant et pendant quelques années après sa mort, puis de nouveau depuis la chute du franquisme, mais en revanche la dictature franquiste a bien évidemment laissé tomber sur son nom et sur son œuvre une véritable chape de plomb, deux  éditions seulement ayant vu le jour en près de quarante ans. L’engouement pour Mirbeau dans les milieux intellectuels espagnols de la génération de 1898 s’explique en partie par l’attirance envers la littérature française en général, et en partie par le modèle de romancier et de dramaturge engagé que représentait l’auteur de Sébastien Roch et des Mauvais bergers, surtout, bien sûr, aux yeux des militants libertaires qui l’ont traduit, édité et représenté.

 

1. Les romans

Les premiers romans de Mirbeau ont été traduits de son vivant, sans que les dates en soient généralement indiquées, mais de nouvelles traductions ont vu le jour ces dernières années. C’est à Barcelone, Madrid et Valence qu’ils ont vu le jour.

* El Calvario (Le Calvaire) a paru à Madrid, chez Ocaña y Compañia,  sans doute dès 1889, dans une traduction de D. Cayetano de Torre-Munoz, qui a été reprise quelques années plus tard, chez le même éditeur, sous le titre français. Nouvelle édition, dont le traducteur est resté anonyme, aux Publicaciones Mundial de Barcelone, dans la collection « Biblioteca social », sans doute au début des années 1900. Troisième édition, de nouveau à Barcelone, chez Costa, en 1924, dans une traduction dont nous ignorons l’auteur. Quatrième édition, à Valence cette fois, aux éditions Estudios, vers 1930. À quoi il convient d’ajouter la publication en brochure du scandaleux chapitre II, sous le titre  La Guerra [“la guerre”], à Barcelone, chez l’Editorial Moderna, dans la collection « Inquietud », en 1922 ; le volume comporte aussi des contes et le dernier chapitre de Sébastien Roch.  

* El Abate Julio (L’Abbé Jules) a été publié à Valence, chez F. Sempere y Compañia, dans la collection « Arte y Libertad », à une date non précisée, sans doute au début des années 1930, dans une traduction de Gustavo Soledad, qui a cru devoir couper purement et simplement le dernier chapitre, le plus scandaleux, ainsi que la plus grande partie de l’avant-dernier, où est notamment censurée la chanson de Jules sur son lit de mort, ce qui fait que l’agonie de Jules devient presque édifiante. Une nouvelle traduction, qui serait due à Daniel Attala, est actuellement envisagée.

*  Sebastián Roch - La Educación jesuítica. Son recuerdos de niñez [“Sébastien Roch - l'éducation des jésuites - Ce sont des souvenirs d'enfance”] a été publié d’abord en 1901, à Valence, par  Francisco Sempere, dans une traduction de Felix Azzati, et a été, semble-t-il, réédité en 1904, 1905, 1909 et 1911, puis de nouveau dans les années 1920, dans la collection « Arte y libertad ».  L’engagement libertaire et anticlérical de l’éditeur explique à coup sûr le nombre de ces rééditions. Une nouvelle édition de la traduction d’Azzati a vu le jour dans les années 1930, chez un autre éditeur de Valence, Rustica editorial, dans la collection « Biblioteca de Estudios ». À quoi il convient d’ajouter la publication, en brochure, du dernier chapitre du roman sous le titre éloquent de Yo no mato [“je ne tue pas”], dans la collection « La Novela Obrera », n° 8, à une date non précisée.

* En el cielo (Dans le ciel),  a été publié en 2006 à Barcelona, par les Ediciones Barataria, dans la collection « Bárbaros », avec une préface de Pierre Michel. La traduction est due au nouvelliste argentin Daniel Attala. La critique a manifesté un bel enthousiasme.

* El Jardín de los suplicios (Le Jardin des supplices) a paru dès 1900 à  Barcelone, dans la Casa Editorial Maucci Hermanos, 1900, dans une traduction de Ramon Sempau et C. Sos Gautreau, et a connu trois rééditions jusqu'en 1908. Il faudra attendre 1977 pour que paraisse, à Madrid, chez Cupsa editorial, dans la collection « Grandes narradores », une seconde traduction, due à Ana Maria Aznar, accompagnée d’une préface de Luis Antonio de Villena. En 1984, est republiée, à Barcelone, la traduction de Ramón Sempau et C. Sos Gautreau, dans la collection « La sonrisa vertical » des Libros y Publicaciones Periódicas, dans la Biblioteca de erotismo, dirigée par Luis Berlanga. Une troisième traduction, signée Pedro Benavides et Luis Miguel Guerra, est publiée à Valence, chez Mestral Libros, dans la collection « La piedra lunar ». Enfin, en janvier 2010, à une semaine d’intervalle, sont sorties deux nouvelles traductions : l’une, chez un éditeur de Cordoue, El Olivo azul,  est l’œuvre de Carlos Cámara et de Miguel Ángel Frontán ; l’autre, chez un éditeur de Madrid, Impedimenta, est due à l’écrivain catalan Lluís Maria Todó. Signalons enfin, pour mémoire, une édition que nous n’avons pas vue et dont nous ignorons la date et le traducteur : elle a été publiée par l’Editorial Premia, dans la collection « La Nave de los Locos ».  

* Les Mémoires de mon ami a été publié en 2009 sous un titre très infidèle, Memoria de Georges el amargado [“Mémoire de Georges l'aigri”], par l’Editorial Impedimenta, de Madrid, dans une traduction de l'écrivain catalan Lluís Maria Todó. L’accueil critique a été remarquable.

* Le Journal d’une femme de chambre a été traduit de nombreuses fois, sous deux titres différents. D’abord sous un titre infidèle, où le “journal” de Célestine devient ses  “mémoires”,  Memorias de una doncella : en 1901, à Barcelone, chez Maucci, dans une traduction de A. Rivera et Ramon Sempau, qui semble complète et fidèle et qui a été rééditée au moins deux fois ; puis, vers 1925, à Madrid, chez Flérida, dans la collection « La Novela exquisita », sans indication de traducteur, dans une traduction visiblement tronquée (probablement à cause de la censure), mais avec des illustrations de Mirko ; puis en 1947, de nouveau chez Maucci ; enfin en 1966, à Madrid, chez E.D.A.F., dans un gros volume de la collection « El Arco de Eros » intitulé Historias galantes, qui comprend également le Satyricon de Pétrone, l’Heptaméron de Marguerire de Navarre er La Vie des dames galantes, de Brantôme. Ensuite sous un titre qui traduit fidèlement le titre français :  Diario de una camarera, : en 1974, à Barcelone,  chez l’Editorial Bruguera,  dans la collection de poche « Libro amigo » et dans une traduction de Julio Acerete, également auteur de l’introduction,   « Las mal bellas coleras de Mirbeau bajo el cielo de Normandia » [“les plus belles colères de Mirbeau sous le ciel de Normandie”] ; puis en 1993, à Madrid, aux Ediciones Cátedra, dans la collection « Letras universales », dans une traduction de Dolores Fernandez Lladó, qui a également signé la préface et la bibliographie.

* La 628-E8 a paru en 2007, sous le titre 628-E8 – Un viaje en autómovil [“un voyage en automobile”], publié par le Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz associé au Servicio de Publicaciones de la Deputación de Cádiz.  La remarquable traduction, a été réalisée par le Groupe de Recherche « Literatura-Imagen-traducción » de l’Université de Cadix, et Lola Bermúdez Medina a rédigé une importante préface, « 628-E8 : Un viaje en autómovil por la Europa de principios des siglo XX » [“un voyage en auto à travers l’Europe au début du vingtième siècle”].

 

2. Le théâtre

* Les Mauvais bergers (Los Malos pastores) a paru d’abord dans La Revista blanca, de Madrid, en 1901, puis, en volume, chez un éditeur de Barcelone, les Ediciones económicas Avenir, 1903, dans la traduction de Felipe Cortiella, qui avait précédemment traduit la pièce en catalan. Nouvelle édition de cette traduction à la Casa editorial Maucci, de Barcelone, en 1904, puis de nouveau à Madrid en 1913, dans l’Establecimiento tipografico de Felix Costa, par la Sociedad de Autores españoles avec un bref avant-propos de Felipe Cortiella, qui voit dans la pièce le « reflet admirable et assez fidèle des luttes et des préoccupations du présent ». Une autre traduction, due à Garcia Rico, a paru à une date inconnue chez un éditeur que nous n’avons pas identifié.

* L’Épidémie (La Epidemia) a été publié plusieurs fois, à des dates difficiles à préciser, entre 1904 et 1917, dans une traduction de José Chassinet, notamment par les  Ediciones económicas “Avenir”, de Barcelone, dans El Libro Popular, de Barcelone, dans La Escuela Moderna, en 1916, et par l’Imprenta « Germinal » de Barcelone, dans la Biblioteca de Tierra y Libertad.  

* Le Portefeuille (La Cartera) a paru d’abord dans La Revista blanca, de Madrid, le 1er octobre 1902, puis, vers 1926, dans El Libro Popular, n.º 4. Une traduction/adaptation de Jaime Revelles et Manuel Beas, a été représentée en 1906 au moins à Alicante, mais ne semble pas avoir été imprimée.

* Scrupules (Escrúpulos) a été publié en 1909, à Barcelone, par les Publicaciones Teatralia, dans la « Biblioteca Teatralia ».

* Les affaires sont les affaires a donné lieu à deux traductions aux titres différents : Los asuntos son los asuntos, dont nous ignorons la date et le traducteur et qui ne semble pas avoir été publié ; et Los negocios son los negocios, publié en 2000 à Madrid par les Publicaciones de la Asociación de Directores de Escena de España, dans une traduction de Jaume Melendres, également auteur de la préface. Nous ne connaissons pas les dates des diverses représentations : la recherche est encore à faire.

* Le Foyer (El hogar) a été à coup sûr représenté, mais nous ignorons à quelle date et de qui est la traduction, qui n’a pas été publiée.

 

3. Les contes et les chroniques

Plusieurs contes ont été publiés dans la presse espagnole, dont certains, non retrouvés et partant non identifiés, dans Germinal à partir de 1897. On trouve ainsi « Paisajes de otoño » (« Paysages d’automne »), El Radical, 5 septembre 1904 ; « Dias de permiso » (« Jours de congé »), El Radical, 29 mars 1905 ; « Dos hombres honrados » [“deux hommes honorables”], El Radical, 11 juin 1905 ;  « La Loca » (« La Folle »), El Pueblo, 19 décembre 1910 ; « En un camino » (« Sur la route », Le Journal, 16 septembre 1896), El Pueblo, 31 août 1912 ; « El Asesino » [“L’Assassin”] (sans doute « L’Assassin de la rue Montaigne »), El Mercantil valenciano, 7 février 1921 ; « La Muerte del perro » (« La Mort du chien »), dans l’ Almanaque de Tierra y Libertad para 1932 ;  « La Cartera » (« Le Portefeuille », dans Dinamita Cerebral (1933) ;  « Abajo la guerra – Relato de un oficial polaco » [“à bas la guerre – Récit d’un officier polonais”] (« Ils étaient tous fous »), Valence, Estudios, n° 115, mars 1933 ; « « Escrúpulos » (« Scrupules »), dans Cuentos anarquistas (193 ?) et Don Jose (« Monsieur Joseph »), publié en brochure en 1949, etc. Une recension plus complète reste à faire.

Signalons encore que La Grève des électeurs a donné lieu à deux traductions différentes, Diálogo electoral, paru à Barcelone, chez Vértice, vers 1930, et La huelga de los electores, publié par Tierra y libertad, en juin 2004 ; et que Esperanza Cobos Castro, de l’université de Cordoue, a traduit et mis en ligne seize contes de Mirbeau, sous le titre de Relatos franceses.

Mais la manifestation la plus évidente de l’intérêt des progressistes d’Espagne pour les contes et articles de Mirbeau est la publication, en 1921 et en 1922, de deux recueils de 128 pages. Le premier, El Alma rusa [“l’âme russe”], a paru chez un éditeur de Barcelone, Alfredo M. Roglan, dans la collection « Biblioteca popular Progreso », sans nom de traducteur. Le volume comprend quinze textes parus dans la presse, dans Le Journal et dans L’Humanité, et qui, pour la plupart, étaient alors inédits en volume en français. Ils seront réédités quelques mois plus tard en Argentine, sous le titre de Prostitución y miseria. Le second, La Guerra, a paru également à Barcelone, chez l’Editorial Moderna, dans la collection « Inquietud », dans une traduction de R. Blanca. Outre la traduction du chapitre II du Calvaire, qui fournit le titre, ce volume comporte trois contes cruels, « Relato de un oficial polaco » [“récit d’un officier polonais” ] (« Ils étaient tous fous »), « Prostitución y miseria » [“prostitution et misère”] (« Pour M. Lépine »], et « La Tristeza de Maese Pitaut » (« La Tristesse de maît’ Pitaut »), ainsi que quatre chroniques d’inspiration anarchiste : « Lamentaciones contra el estado » (« Lamentations contre l’État »), « El Rebaño » (« L’Émeute »),  « Celebremos el código » (« Célébrons le code ») et « La Centralización » [“la centralisation”] (« Vacances »).

Voir aussi les notices Catalogne et Argentine

P. M.

 

Bibliographie : Dolores Jimenez, « Mirbeau en Espagne – Notes sur quelques aspects de la réception de son œuvre », in Octave Mirbeau, Actes du colloque d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 423-434 ; Pierre Michel, « Un texte inconnu de Mirbeau en espagnol », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, mars 2009, pp. 192-196 ; Pierre Michel, « Les romans de Mirbeau vus par l’Opus Dei », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, mars 2009, pp. 197-201 ; Octave Mirbeau, Correspondance générale, L’Age d’Homme, 2003, tome I, pp. 247-257 ; Jean-François Nivet, « Murcie (un voyage en Espagne, 1979) », Les Carnets de l’exotisme, n° 12, juillet-décembre 1993, Le Torii éditions, pp. 53-60.


ESTONIE

 

Il est surprenant de noter que, dans un petit pays faiblement peuplé et dont la langue, finno-ougrienne, est d’accès difficile et fort peu parlée et étudiée, plusieurs œuvres de Mirbeau ont cependant été traduites – mais aucune, c’est à noter, pendant la période communiste – et, pour deux d’entre elles, se trouvent encore dans le commerce.

Il s’agit, comme d’habitude des deux romans les plus célèbres, Le Jardin des supplices et Le Journal d’une femme de chambre. Le premier a été publié deux fois, sous le titre de Piinade aed [“Le jardin des souffrances”], dans une traduction d’Arnold Koiv : en 1930, à  Tallinn, aux éditions Elu (175 pages) ; puis en 1996, également à Tallinn, chez KRK, sous deux formats différents, l’un de 176 pages et l’autre de 134 pages. Quant au Journal de Célestine, il a connu également deux éditions, dans une traduction de Marta Sillaots (1887-1969), sous le titre, fidèle, de Toaneitsi päevik  : d’abord en 1930, à, Tartu, chez Loodus, avec une préface de H. B. (398 pages) ; ensuite en 1995, à Tallinn, aux éditions Eesti Raamat (232 pages). Il convient aussi de signaler la traduction du sous-chapitre de La 628-E8 sur Guillaume II, publiée en brochure en 1915 (Willem II, Tallinn, G. Kalla, 29 pages) et celle de la préface de Marie-Claire parue dès 1913, à Tartu, chez Postimees


Le théâtre n’a pas été oublié des traducteurs. Si
Les affaires sont les affaires (Äri on äri) n’a pas été publié en volume, des représentations ont bien eu lieu, à partir du 17 mars 1935, au théâtre Vanemuise de Tallinn, dans une traduction qui semble être de Paul Pinna. Les Mauvais bergers a été traduit par W. Rätsepp sous le titre de Kõlbmatud karjased, (“les bergers inacceptables”) et curieusement publié, non pas dans l’Estonie devenue indépendante, mais en U.R.S.S., à Leningrad, en 1924, aux éditions  Eesti Kirjastuse Ühisus, dans la collection « Töörahwa näitekirjandus », n° 7 (107 pages), ce qui semble supposer la volonté d’utiliser la pièce à des fins d’agit-prop. Quant à la traduction de L’Épidémie par Heino Anto, intitulée Kõhutõbi (“la fièvre typhoïde”), elle a été publiée en brochure en 1924, chez un éditeur de Tallinn, T. Mutsu, puis insérée dans un recueil de douze pièces d’auteurs nordiques, Ühewaatuslikud näidendid, paru chez le même éditeur à la fin des années 1920.

Pour ce qui est des contes et chroniques de Mirbeau qui ont pu paraître dans la presse estonienne, la recension reste à faire.

P. M.

 

 

 

 

 

 

 


ETATS-UNIS

Mirbeau et les États-Unis

 

Octave Mirbeau a des États-Unis une opinion ambivalente, globalement plus négative que positive, et qui paraît liée à l’ambivalence de la liberté qui est supposée y régner. Terre nouvellement conquise et propice aux grandes aventures comme aux grands crimes, fascinante autant que répulsive, l’Amérique semble bien être à ses yeux le territoire de toutes les audaces et de toutes les libertés. Il les approuve de tout cœur quand il s’agit de la liberté d’être affranchi de tous les préjugés, de pouvoir s’exprimer sans contraintes, de créer des richesses sans être paralysé par une bureaucratie tardigrade et tatillonne. Mais l’état social qui s’est instauré aux États-Unis pourrait bien n’être que la continuation de l’état sauvage et de la loi de la jungle, qui autorise les plus forts à écraser impitoyablement les plus faibles sous leur « talon de fer », selon la forte expression de Jack London. D’un côté, en effet, le struggle for life y bat son plein (« le revolver et la boxe synthétisent nettement le libéralisme américain », note Mirbeau) et le monde des affaires, sans foi ni loi, lui apparaît comme du gangstérisme, qui permet à des spéculateurs sans scrupules, tel Jay Gould, d’amasser impunément de colossales fortunes mal acquises, en ruinant des dizaines de milliers de personnes : « Ces façons d’opérer font pâlir un peu les timides machinations de nos petits banquistes » (« Tout à l'Amérique »,  Paris-Journal , 20 mai 1882). Ce qui, tout bien considéré, n’implique pas pour autant que les affairistes français vaillent vraiment mieux : « À presque toutes ces fortunes s’attachent des histoires scandaleuses de vols, des légendes de crimes. [...] Nous n’avons pas la même morale. Ce qui, chez nous, serait blâmable et puni, est, là-bas, permis et récompensé », mais, ajoute lucidement Mirbeau, c’est « nous qui ne sommes que des hypocrites » (« Allmighty dollar », Le Matin , 13 novembre 1885)... D’un autre côté, l’ascenseur social fonctionne à plein et des hommes partis de rien, mais dotés d’une forme de génie qui ne serait pas forcément reconnue en France, tels Gordon Bennett (dont la carrière est retracée dans « Tout à l’Amérique », Le Gaulois, 10 juin 1880) ou, plus encore, Vanderbilt, auquel est consacrée une autre chronique portant le même titre, peuvent  créer des richesses inouïes dont ils ne sont pas les seuls à profiter : « Il n’y a que l’Amérique pour produire de pareils hommes », qui lui confèrent le « cachet d’excentricité prodigieux qui caractérise ce peuple » (« Tout à l'Amérique »,  Paris-Journal). Les figures contrastées de ces multimillionnaires, qui « se battent à coups de chemins de fer, de câbles et de tableaux », incarnent, aux yeux de Mirbeau, « l’Amérique cocasse et fantaisiste telle qu’on la voit dans les livres de Mark Twain et de Brett Harte » (« Allmighty dollar », loc. cit.).   

Sur le plan artistique, même contraste. D’un côté, Mirbeau déplore que, du fait de la toute-puissance du dollar, des « marchands de cochons » et autres nouveaux riches incultes achètent, par snobisme et par simple imitation, des œuvres d’art européennes, et en particulier des toiles impressionnistes désormais invisibles en France, faute d’amateurs locaux en suffisance (« Et dire que tout cela s’en va en Amérique ! Ah ! les infâmes brutes que les Français ! », écrit Mirbeau à Claude Monet en 1889). Mais il existe aussi des millionnaires dotés de goût, tel Vanderbilt, qui a pour l’art « l’amour éclairé et fin du dilettante » et qui est prêt à traverser l’Atlantique pour acheter à Rome un tableau qui « lui plaît » (« Tout à l'Amérique »).

Le fictif Dickson-Barnell, milliardaire américain des 21 jours d’un neurasthénique (1901), illustre bien l’ambivalence des jugements du romancier face à ces curieux spécimens d’Américains. Impitoyable, doté d’une « inébranlable volonté » et persuadé que tout s’achète et qu’il suffit d’en évaluer la valeur marchande, il a acquis une richesse tellement énorme que sa capacité d’en jouir a complètement disparu. Nouveau Midas, dégoûté de tout, il a fini par se convaincre d’expérience que « les riches ne peuvent pas être heureux », parce que « le bonheur, c’est autre chose que la richesse » et que « c’est même le contraire » : la vie est décidément pour lui aussi « infumable » que les cigares « faits tout entiers avec des feuilles d’or ».

 

Mirbeau aux États-Unis

 

Les États-Unis ont été pour Mirbeau une terre d’accueil non négligeable, qui a profité de ce que la prude Angleterre a tardé à traduire ses romans les plus célèbres. Une de leur originalité a été de publier plusieurs de ses œuvres en français à destination d’un public francophone local. Au premier chef Les affaires sont les affaires, qui a eu droit à trois éditions : d’abord à New York, chez L. Weiss and C°, dès 1903, puis en 1939, également à New York, chez D. Appleton Century C°, avec une introduction et des notes de Charles A. Rochedieu et Paul T. Manchester, et enfin, en 1941, à New York et Cincinnati, à l’American Book Compagny, dans un recueil de French Plays. Pour sa part, Scrupules a été publié en français en 1940, toujours à New York, par The Dryden Press, dans un recueil intitulé Lever de rideau, et Le Journal d’une femme de chambre en 2001, chez Elibron, dans la collection « Elibron classics ». Ces dernières années, profitant de ce que Mirbeau est tombé tardivement dans le domaine public outre-Atlantique, des éditeurs comme Kessinger et Bibliobazaar ont réédité plusieurs volumes en les scannant à partir d’une édition originale et en les imprimant au fur et à mesure des commandes : ainsi ont reparu, en français, Les Mauvais bergers, Le Portefeuille, Chez l’Illustre Écrivain et Le Jardin des supplices, et ce n’est sans doute qu’un début. Le prix à payer, c’est la mauvaise mise en page et le nombre des coquilles dues à un travail purement mécanique non suivi des indispensables corrections.

Les deux œuvres les plus souvent traduites outre-Atlantique sont, comme d’habitude, Le Jardin des supplices et Le Journal d’une femme de chambre.

* Le premier a eu droit à onze éditions, dans au moins deux traductions différentes et sous trois titres différents : Torture garden, New York, Berkley, 1931 ; Torture garden, New York, Claude Kendall, 1931, traduction, fidèle et convenablement rendue, d'Alvah Bessie, et  brève préface de James Huneker ; Torture garden, New York, The Citadel Press, 1948 (rééditions en novembre 1948, janvier 1949 et septembre 1953) ; Torture garden, New York, Berkley Books, 1955 (réédition en novembre 1956) ; Torture garden, Los Angeles, John Amslow and associates, collection « Classic horror tale », 1964 ; Torture garden, New York, Lancer Books, 1965, préface de L. T. Woodward ; A Chinese torture garden, New York, Award Books, 1969, traduction de Raymond Rudorff, d’où a disparu le Frontispice ; The Torture garden, San Francisco, Re/Search publications, 1989 (rééditions en 2000 et 2004) ; Torture garden, New York, Hippocrene books, 1990, introduction de Brian Stableford ; The Torture garden, The Olympia Press (A Division of Disruptive Publishing), The New Traveller’s Companion Series, n° 44, août 2004 (réédition en août 2005) ; et  The Torture garden, Charles Press Publications, ou Lulu Press, mai 2008.  

* Le second a eu droit à treize éditions sous cinq titres différents et dans au moins trois traductions différentes : A Chambermaid's Diary, New York, Tucker, 1900, traduction, infidèle et autocensurée, de Benjamin R. Tucker ;  The Experiences of a Ladies' Maid , New York, The Stuyvesant Press, 1911, sans nom de traducteur ; Célestine, being the Diary of a Chambermaid, New York, William Faro, collection « Modern Amatory Classics », n° 2, 1930 (rééditions en 1932 et 1933), traduction de Alan Durst ;   Diary of a Chambermaid, New-York, International Humor Publications, 1945, traduction-adaptation de Keene Wallis, qui a raccourci plusieurs chapitres ; Diary of a Chambermaid, New York, Didier, 1946, sans nom de traducteur, préface de Jules Romains traduite en anglais ; Diary of a Chambermaid, New York, Avon Publications, 1956, sans nom de traducteur, édition fort incomplète ; Celestine. Being the Diary of a Chambermaid, Award Books, mai 1965, traduction d’Alan Durst, introduction de Daniel Seltzer ; Diary of a Chambermaid, New York, Hippocrene, 1992 ; Celestine, being the Diary of a Chambermaid, in Three More Naughty French Novels, New York, Quality Paperback Book Club, 2002 ;  Celestine : The Diary of an English Chambermaid (sic), Olympia Press, « The New compagnon series »,  2005, traduction d’Alan Durst (réédition en novembre 2006 et en octobre 2008) ;  The Diary of a Chambermaid, New York, Harper Collins, First Harper Perennial ed., mars 2007, sans indication du nom du traducteur ; A Chambermaid's Diary, Whitefish (Massachusetts), Kessinger Publishing, novembre 2009 (réédition à l'identique de l'édition de 1900, traduction de Tucker) ;  A Chambermaid's Diary, General Books, 2009 (mauvais scan de l'édition de 1900, dans la traduction de Tucker).     

Un seul autre roman de Mirbeau a été traduit outre-Atlantique : Le Calvaire (Calvary). Il a paru d’abord en 1922 à New York, chez Lieber and Lewis, dans une traduction de Louis Rich ; il a été réédité deux ans plus tard, chez un autre éditeur new-yorkais,  Albert et Charles Boni ; puis en 2009, à  Charleston, chez Bibliolife - Bibliobazaar, dans une édition qui n’est que le scan de celle de 1922. Une traduction de Dans le ciel (In the Sky), entamée par Ann Sterzinger, n’a malheureusement pas abouti à une publication. Pour ce qui est du théâtre, Les affaires sont les affaires (Business is business) a triomphé à New York et à Chicago en 1904 et a été publié la même année à New York, dans une traduction de Robert Hichens, qui semble avoir été un peu raccourcie et édulcorée. Sous le même titre a été représentée en 2004, au John Drew Theatre d'East Hampton (État de New-York) une nouvelle traduction-adaptation due à Bru Dye, qui ne semble pas avoir été publiée. Nous ne connaissons pas les dates des représentations des autres pièces de Mirbeau, dont deux seulement ont donné lieu à des traductions. Scrupules  a eu quatre éditions, sous deux titres différents et dans quatre traductions différentes : The Real honest man, Richmond, Dietz Print, 1902, traduction de William Finney ; Scruples, New York, Samuel French, collection « French international copyrighted - Edition of the works of the best authors », n° 582, 1923, traduction de Clyde Barrett ; Scruples, New York, Brentano’s, 1923, traduction et introduction de Pierre Loving, dans un volume intitulé Ten minute plays ; et Scruples, New York, The Dryden Press, 1940, traduction de Henry Stanley Schwarz. Quant à L’Épidémie (The Epidemic), c’est Jacques-Martin Barzun qui l’a traduit et publié à deux reprises, en 1949 et 1957, à Bloomington,  à The University of Denver Press, dans la collection « From the Modern Repertoire ».  

En ce qui concerne les contes et les chroniques de Mirbeau qui ont certainement été traduits et publiés dans la presse états-unienne, de son vivant et après sa mort, la recension reste à faire. Signalons seulement que, dans  The Decadent Reader - Fiction, Fantasy, and Perversion from Fin-de-Siècle France  (New York, Zone Books, collection « Zone readers », 1998, pp. 961-1005), figurent cinq contes de Mirbeau traduits par Emily Apter : « Poor Tom ! » (« Pauvre Tom »), The Octogenarian (« L’Octogénaire »), « Dead Pearls » (« Les Perles mortes »), « The Ring » (« La Bague ») et « Clotilde and I » (« Clotide et moi »), et que, de son côté, Robert Helms a traduit et mis en ligne sept contes sur le site Internet d’Infoshop :   A Dogs death (« La Mort du chien »), Before the burial (« Avant l’enterrement »), The Baby (« L’Enfant »),  Elections (« Les Élections »), The Sacred bird  (« L’Oiseau sacré »), The Wall (« Le Mur ») et The Justice of the peace (« La Justice de paix »).

Il est à remarquer enfin que nombreux sont les universitaires des États-Unis à s’être intéressés à Mirbeau, plus, peut-être, que dans la plupart des autres pays étrangers. C’est ainsi que Martin Schwarz, de l’université de Virginie, a publié en 1966, chez Mouton, Octave Mirbeau. Vie et œuvre ; qu’Alexandra Gruzinska, de l’université d’Arizona, a soutenu en 1973 sa thèse sur La Femme et ses paysages d'âme dans l'œuvre romanesque d'Octave Mirbeau ; et que Robert Ziegler, de l’université du Montana, maître incontesté des études mirbelliennes en Amérique du Nord, a publié en 2007, chez Rodopi, The Nothing Machine : the fiction of Octave Mirbeau, et a fait paraître une vingtaine d’articles sur Mirbeau, en français et en anglais, dans des revues françaises (Cahiers Octave Mirbeau) et anglophones. Il convient également de citer les noms de Julia Przybos, Emily Apter, Isabelle Genest, Stephen Christensen, Jennifer Forrest, Ioanna Chatzidimitriou, Lawrence Schehr, Olga Amarie, Christina Chabrier, Sarah Mallory, etc., qui témoignent de la vitalité de la mirbeaulogie aux States.


P. M. 

 

Bibliographie : Robert Helms, « Célestine dismembered : the Octave Mirbeau experience in english, Clamor, n° 3, Bowling Green (États-Unis), juin-juillet 2000, pp. 52-56 ; Martin Schwarz, « Les Idées anarchiques de Mirbeau et l’Amérique », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 52-59.

 

 

 

 

 

           

 

 

 


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