Pays et villes

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Terme
AFGHANISTAN

Mirbeau n’a pas plus posé le pied en Afghanistan qu’en Inde, mais cela ne l’a pas empêché de lui consacrer la septième de ses Lettres de l’Inde signées Nirvana et parues dans Le Gaulois au cours de l’hiver et du printemps 1885. Il y met en forme littéraire les analyses et suggestions de son commanditaire, François Deloncle, dans ses rapports des 10 et 15 juin 1884 adressés à Jules Ferry.

Après une semaine de train, « par une température torride », le pseudo-reporter est prétendument parvenu à Péchaver (Peshawar), « sur la frontière afghane », où il entend « recueillir les impressions les plus nouvelles sur le rôle que l’émir [Abdur Rahman] serait appelé à jouer dans l’éventualité d’une lutte ». « À quelques pas » du « terrible passage » qu’est « le défilé du Khaïber », il note que « l’islamisme » qui y règne pré dispose les habitants « à recevoir la venue des Afghans », dont le nom « retentit dans l’Inde comme un cri de terreur » et qui, nonobstant l’alliance théoriquement conclue avec les Anglais, sont en réalité leurs « ennemis les plus acharnés ». Et de pronostiquer que, en cas de guerre « entre l’Angleterre et la Russie », qui se disputent le contrôle de la région, « l’Inde subira sa septième invasion afghane ». Nirvana croit donc devoir présenter ce peuple pourtant si peu nombreux, et aux origines incertaines, mais « dont les destinées sont si importantes pour la paix du monde ». Hors deux vallées principales, densément peuplées, « le reste du pays est désert ». Les habitants croient pratiquer l’Islam, mais « en réalité », leur pratique est « pire que la pire religion des races les plus arriérées de la terre, superstitieuse et fanatique » : « Ils ne connaissent que la voix de leurs mollahs ignorants, qui leur prêchent la haine de l’infidèle et les lancent dans la plaine, à la razzia et au carnage ». « Race sensuelle et cupide » de « voleurs et brigands », volontiers parjures et « avides de sang », les Afghans sont « toujours armés et continuellement en guerre les uns contre les autres ». Comme les Anglais les traitent avec mépris et cruauté, comme de vulgaires « troupeaux qui rapportent tant par tête », ils basculeront inévitablement du côté des Russes, qui sont « moins cruels et surtout moins insolents » et qui savent fraterniser avec les populations locales. L’émir d’Afghanistan, qui est officiellement venu à Rawalpindi pour sceller une alliance qui l’inféode aux Anglais, ne manquera pas alors de revenir « en conquérant » et de « faire à Lahore un bon massacre d’Européens ».

Voir aussi les notices Lettres de l’Inde et Deloncle.

P. M.

Bibliographie : Pierre Michel,  « Les Mystifications épistolaires d’Octave Mirbeau », Revue de l’Aire, n° 28, décembre 2002, pp. 77-84 ; Octave Mirbeau, « L’Afghan », Le Gaulois, 22 avril 1885 (Lettres de l’Inde, L’Échoppe, 1991, pp. 72-78 et 111-113).


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